Chapitre Quatre : Mise en train écrit par R. Azel
Les yeux tournées vers l'avenir
[ écrit multiple 2022 ] Par Florian Pierrel
Chapitre quatre : Mise en train écrit par R. Azel
Trouver une tâche à mener à bien ne manquait pas, au cœur de l’édifice. Toutefois, fallait-il avant tout redonner à José un aspect plus proche du genre humain. Lui offrir tout d’abord l’occasion de se démettre de cette senteur prenante qui le suivait pas à pas et embaumait chacune des pièces dans lesquelles il passait.
— J’ai une… Non, deux bonnes nouvelles pour vous. La première, qui nous arrangera tous deux, est que vous pourrez entamer la fonction de coursier, dès demain. Le va-et-vient perpétuel de certains des membres à tendance à me tendre les nerfs. À croire qu’ils n’ont rien de mieux à faire de leurs journées, que d’arpenter les couloirs en long et en large pour je ne sais quelles raisons, si ce n’est celle de remuer la poussière.
— Un problème récurrent que l’on retrouve dans un grand nombre d’entreprises, malheureusement. J’en sais quelque chose ! …Et la seconde ?
— La seconde, elle, aura la particularité d’arranger tout le monde. Soyez en assuré ! C’est pourquoi je vous ai dégoté un… semblant d’appartement. Enfin, il est vrai qu’il s’assimile plus à un débarras remodelé en loge qui ne paie pas de mine, qu’a un appartement à proprement parler. Mais c’est toujours mieux que de crécher dans la rue et monopoliser les bancs publics, non ?
— Hormis les entrées d’air impossibles à étanchéifier, la rue offre aussi ses aisances. Tout comme un espace moins confiné.
— Venons en justement, à ces aisances. Ce trou à rat, où je vous ai parqué, se voit pourvu de commodités et surtout, d’une douche italienne. Nul doute que vous n’aurez en rien volé la première. Ni même les suivantes, d’ailleurs ! De plus, si comme passer pour une pingre ne fait pas partie de mon plan, ladite demeure se situe dans les beaux quartiers. Plus précisément, dans mon immeuble. Où je pourrai sans autre vous avoir à l’œil.
— Ah ! Eh bien, j’essaierais de me faire à l’endroit, dans ce cas.
— Parfait ! Je vous laisse donc assembler vos… cartons et possibles haillons, dans la mesure où vous en disposeriez, et vous accorde le reste de la journée pour y emménager. Mais par pitié ! Ne vous laissez pas accaparer par la petitesse des lieux et visitez tout d’abord sa salle d’eau, hein !
Comme l’avait si bien cerné Alix, le pauvre miséreux endossait le peu qui lui restait. Et ainsi conscient de sa impulsivité, il prit congé et longea quelques rues de la Capitale, jusqu’à parvenir à l’adresse qu’on lui indiqua par la suite. Là où, comme préconisé, il se démit de ses salissures et égalisa sa pilosité faciale, grâce à un ciseaux miraculeusement tombé dans sa poche, tandis qu’il effectuait une visite guidée des bureaux. Il s’offrit même le luxe d’une détente, posé sous le jet d’une eau tempérée à souhait et agrémenté par le délicat fumet du
contenu d’un flacon de savon pour les mains, resté collé à ses phalanges, lorsqu’il quitta les toilettes pour homme de son nouveau lieu de besogne.
En tête, un plan autre que celui d’Alix se peaufinait. Celui-là même qui s’était esquissé, une poignée de jours plus tôt, lorsqu’il se décidait à faire entendre sa voix au sein du peuple. Plus que sa seule voix, il s’agissait, en vérité, de celle de l’ensemble de la minorité. Et s’il parvenait à taper juste, nul doute qu’une large partie de la classe moyenne se rangerait elle aussi de son côté. Tel se voulait son plan, tant osé que machiavélique. Rassembler les « laissés-pour-compte », afin qu’ensemble ils puissent s’élever à l’unisson. Majoritaires face aux plus aisés.
Quand bien même il jubilait par avance, ravi par la tournure des événements, un pincement au cœur le prit de court. Certes que faire de la France un pays égalitaire, restait la chose la plus importante à ses yeux. À son cœur. Une mission quasi-impossible de mener à bien. Difficile et semé d’embûches, même avec le soutien du peuple. Et forcément que pour ce faire, fallait-il avant tout renverser le gouvernement actuel et pousser une large majorité de ses membres à contempler le revers de la porte. Les plus récalcitrants tout du moins. Ceux qui allaient à coup sûr lui donner du fil à retordre. Alix, très certainement !
Sa froideur d’esprit et le franc parlé dont elle disposait certifiaient qu’elle ne manquerait pas de se révéler être une adversaire de taille. Toutefois, et elle le lui avait prouvé au soir précédent et bien davantage lors de cette matinée, elle n’était pas dépourvue de cœur. Il le savait bien. Sa perspicacité le lui avait laissé comprendre dès même leur premier contact. Un comportement légitime pour une femme, œuvrant dans un lieu de travail comme le sien. Là où le moindre faux pas, la moindre faiblesse ne serait que prétexte pour annihiler sa carrière. Pourtant, une fois en confiance et le masque tombé, elle affichait sans autre son charisme et son humanisme, au même titre qu’une ouverture d’esprit et un caractère bien moins déplaisant.
— Qui sait, peut-être qu’elle saura se montrer réceptive à mes propos ? Elle qui a grandi parmi la classe ouvrière, avant d’entreprendre des études pour se hisser au sommet de la hiérarchie.
Bien sûr, le doute demeurait et seul l’avenir restait à même de lui apporter réponse. Celle qu’il se surprit à espérer « favorable ». La percevoir telle une alliée potentielle, plutôt que rivale invétérée. Qui plus est ! N’avait-elle pas déjà effectué un large pas en sa direction, en dépit de sa réticence initiale et surtout, de l’originalité de son projet ? N’avait-elle pas hésité des jours durant, lorsqu’il la contempla du bas de sa fenêtre, conscient qu’elle aussi le mirait du coin de l’œil ?
Le refrain ne battait toutefois pas d’une conforme sonorité, dans le bureau-même d’Alix. Elle qui, à ce même instant, essuyait les reproches d’un Holan dubitatif, quant à cette idée loufoque qui l’animait.
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