Chapitre Douze : La Politique est un Art écrit par Pigo Sellis
Chapitre Douze : La Politique est un Art écrit par Pigo Sellis
CHAPITRE DOUZE : LA POLITIQUE EST UN ART par Pigo Sellis
Les yeux tournés vers l’avenir
[écrit multiple 2022-2023] Par Florian Pierrel Officiel
Chapitre douze : La politique est un art écrit par Pigo Sellis
La politique est un art, et comme tout art il a son caractère imprévisible. C’est ce qu’appris à nouveau Alix tandis qu’elle se rendait dans son bureau après un déjeuner sur le pouce à la cafétéria.
Qu’elle ne fut pas sa surprise en découvrant, la porte ouverte, Holan assis nonchalamment sur un fauteuil les jambes allongées sur son bureau comme s’il cherchait à s’étirer. Alix vit le dessous de ses chaussures cirés tordre des papiers qu’elle avait reçu du ministère de l’Intérieur.
- Alors le le dossier ça avance ? Tu vas le remettre ce lundi ?
Alix garda son calme. Elle souhaitait hurler face à cet ostrogoth qui avait osé s’accaparer son fauteuil. Mais elle conserva son calme. Il pourrait bientôt faire une croix sur sa carrière.
- Je t'ai affirmé en message et je te dis à plusieurs reprises que je te préviendrai de l'avancement. Maintenant, tu retires tes pompes de mes papiers et tu sors de mon fauteuil.
- Je crois bien au contraire que je vais y rester c'est très confortable.
- J'appelle la sécurité.
- Tu as raison il faut que tu débarrasses toutes tes affaires.
- Quoi ?
- Quoi ? Répéta-t-il goguenard. Tiens lis-ça bébé.
Il lui fit glisser une enveloppe rouge. Le sceau représentait le parti du Regroupement National, son parti.
- Ouvre.
La lettre d’aspect officiel était signée de la main de la présidente du Regroupement National en personne.
- C’est une plaisanterie.
- Tu es exclue du parti.
- Le motif ne veut rien dire, « Trahison du parti » ?
Holan se leva, faisant renverser une pile de classeur. Alix le trouvait plus grand qu’à l’ordinaire, il la dépassait au moins de deux têtes. Le costume qu’il portait n’atténuait en rien l’aura malsaine qu’il dégageait.
- Tu as cru que tu pouvais baiser le système Alix, tu as oublié de choses fondamentales pour ça il faut être au moins un homme et avoir des alliés solides. Tu n'as ni l'un ni l'autre. Ni le talent inné ni les outils, seulement les efforts.
- Ça ne répond pas à mon interrogation.
- La présidente se méfiait de toi. J’ai donc posé quelques micros dans ton bureau. Tu n’as pas été très malin à croire que tu pourrais l’évincer en faisant un coup d’éclat. Je t’avais dit de faire partir José, c’est cela qui lui a mit la puce à l’oreille.
- Dis plutôt que tu l’as rendu parano !
Alix ne parvenait pas à réaliser. Tout cela n’était qu’une blague. D’un instant à l’autre, Holan lui dirait qu’il s’agissait d’une plaisanterie de mauvais goût comme il en avait le secret. Pourtant la lettre était bien officielle tout comme la signature authentique. Elle avait rejoint le parti de plein grès quand elle étudiait. Elle avait distribué des tracts, participé et organisé des conférences et des ateliers. Elle avait donné du temps, des heures supplémentaires non rémunérées, beaucoup de temps pour son parti. Elle y avait cru. Elle avait rejoint la politique de la nouvelle présidente qui avait cherché à rendre l’image du parti plus attractif pour les électeurs, se détachant des images révisionnistes et collaborationnistes dont ils pouvaient être teintés. Oui elle rêvait de devenir la nouvelle présidente du parti. N’était ce pas normal ? Qui avait-il de mal à faire preuve d’ambition ? Après tout ses idées intéressaient et même si elle ne plaisait pas forcément à la présidente Noémie Le Guen, jamais elle n’aurait imagniné que Mme Le Guen oserait se débarrasser d’une alliée aussi efficace tout cela pour le remplacer par ce lèche-cul exécrable et sinistre d’Holan.
Holan se dressait de toute sa hauteur et lui faisait face. Posté devant elle, il affirma :
- T’es pas bête Alix. La loi est claire. Si tu n’es pas en mesure de remplir tes fonctions, c’est à un second c’est-à-dire moi de m’en charger. Je ferai un bon député pendant que les tabloïds feront paraître un petit article sur les rapports que tu entretiens avec des groupes terroristes d’extrême gauche.
- Dans tes rêves.
C’était une catastrophe. Si l’article avait paru dans le Canard Enchaîné cela n’aurait pas eu grande importance. Seuls les intellos se souciaient d’un tel point de vue. Le français moyen serait beaucoup plus concerné si cela tombait dans un Voici ou un Paris Match qui touche un lectorat plus large dont ses futurs électeurs.
- Mais il y a un moyen d’éviter la publication.
- Laquelle ?
Elle s’efforça de ne pas trahir ses sentiments, tandis que son cœur battait plus fort.
- Suce moi Alix.
- Je te demande pardon ?
- Couche avec moi Alix. Je t’aime bien tu sais. J’aime ton professionnalisme. Tes tentatives pour me résister, tes rejets, moi ça me plaît.
Osait-il lui faire un chantage sexuel ?
- Je ne veux pas.
- J’entends pas.
- Je ne veux pas !
Alix leva la main. Holan l’attrapa le bras.
- Lâche moi !
Holan ne lâcha pas et la repoussa contre la porte d’un placard en métal.
- Lâche moi !
La prise de Holan lui faisait terriblement mal. Elle tira pour se dégager, mais la prise n’en devenait que plus solide. Elle se sentait ridicule et insignifiante dans son tailleur face à cet homme repoussant qui l’humiliait.
- On peut t’exclure, mais moi je ne te vire pas. Un faux pas et c’est tout le château de carte qui s’écroule. C’est la règle ici. Couche avec moi, tu ne le regretteras pas. Pense à ton avenir, pense à ta carrière, tu n’en as qu’une seule. Tout le monde couche ici. Je veux dire : tu veux vraiment joué à la vierge effarouchée ?
Holan faisait parti de ses artistes en politique qui peignait avec sa queue. Il ne suffirait qu’à Alix de dire oui. Après tout, c’est basique, il n’y a rien de vraiment beau là dedans, c’est puéril et sauvage, ce n’était qu’un morceau de chair dans un autre tout en émettant des petits cris et en pompant un tuyau d’arrosage, comme lui avait un jour montré une camarade de promo dans un porno « Le Jardinier ».
Elle entrouvrit ses lèvres. Holan paraissait acquiescer. Mais Alix se ravisa. L’image de Holan, la bite à l’air sur son bureau en train de descendre sa culotte et la sodomiser sans vergogne lui donnait envie de vomir.
- C’est quoi ton problème, si t’es stérile, ça me dérange pas, tu mets un peu de bave et ça glisse tout seul… T’es frigide ? Tu couches déjà avec ce minable de José ?
- Si tu as écouté les micros tu saurais bien que c’est faux non ?
- Alors tu es lesbienne ?
- Je ne veux pas, je ne peux pas coucher avec un type comme toi.
- Vaut mieux être trésor de guerre qu'une merde laissée sur le trottoir.
Alix frappa de toutes ses forces d’un de ses talons aiguilles dans son entrejambe.
Elle s'enfuit sans courir la lettre rouge encore à la main tout en massant son poignet endolori tandis que le nouveau secrétaire de Holan entrait dans le bureau, apercevant Holan qui se relevait faisant mine de remettre sa cravate.
- Philippe je suis ravi de vous voir. Vous me sortez d'un très mauvais pas, figurez vous qu'Alix a commencé à se déshabiller pour tenter de me séduire, juste parce que je lui ai annoncé que son parti n'avait plus besoin de ses services suite à sa trahison. Vous imaginez ?
- Je ne préfère pas surtout pour votre épouse et votre fille.
- Exact. Mais surtout – il haussa de façon grotesque le ton de sorte qu’il était possible de l’entendre depuis les bureaux adjacents - ne le dîtes à personne. Je serai attristé d'apprendre qu'une autre erreur d’Alix viennent à s’ébruiter à l’Assemblée. Cela nuirait à sa carrière, si tenté qu’elle en est encore une après cela, n'est ce pas ? L'ordre du jour maintenant et vite…
***
La manifestation battait son plein aussi sûrement que la pluie s'écrasait sur les poubelles en flammes et les grenades lacrymogènes sur les manifestants. C'est dans ce paysage, paradis des journaux télévisés publiques et curiosité à touristes que circulait José. Sur la place de l'Opéra, le sac en bandoulière contenant son carnet et son dossier, il allait bientôt rejoindre Ernesto et Maximo.
Alors que les manifestants avaient jusqu'alors circulé pacifiquement, les CRS avaient frappé leur bouclier et cherchaient à disperser la foule dans une de leur charge dont ils avaient le secret.
Sous ses lunettes de piscine, José déboulait vers le point de rendez-vous. Mais face au grandiose Opéra Impérial, il ne retrouva pas ses camarades. Le rendez-vous était-il annulé ? Pourtant, une manifestation était une excellente couverture pour passer en douce des documents.
La foule autour de lui s'agitait en tous sens. Les journalistes, caméras et téléphones à la main s'écartaient et fuyaient avec le reste des manifestants.
À travers les fumées, il aperçut un homme en casque noir s'approcher. Ce n'était pas un CRS. Son visage dissimulé sous un casque de moto, il fit un signe d'un gant en cuir l’intimant de venir, sa voix restait inaudible pour José les sirènes étaient trop fortes et les cris bien trop nombreux.
Instinctivement, José ne s'approcha pas, il recula à l'inverse. Il ne regretta pas son réflexe car l'homme en casque de moto noir sortit une matraque. Il désigna de son autre main le sac en bandoulière de José. Il crut entendre les mots suivants : "Donnez... sans faire... mal…"
José se mit à courir. Il devait rejoindre le prochain métro le plus vite possible. Il perçut son poursuivant juste derrière lui, rejoint par deux collègues en casques blancs sprintant dans sa direction, batte à la main.
La Brav-M le pourchassait.
José glissa sur le trottoir. Il n'eut que le temps d’amortir sa chute en se roulant par terre. Près des grilles de l'Opéra, José venait de trébucher sur deux corps inanimés. Avec horreur, il vit deux corps ensanglantés, les visages mutilés et déformés par les coups qu'ils avaient reçu. Mais ce qui le frappa et l'empêcha de se relever immédiatement, c'était qu'il connaissait les deux victimes : Maximo et Ernesto.
Oubliant qu'il était poursuivi, il secoua ses deux camarades. Leur tête basculait dans des angles inquiétants, aucune injonction ne sembla les réveiller. José sursauta en caressant du bout des doigts leur visage atrophié, ils étaient froids et le sang qui les recouvrait avait complètement séché.
Une porte grillagé s'ouvrit. Un nouvel individu avec un casque de moto rouge s'avançait la matraque sanguinolente.
José se leva et reprit péniblement sa course. Il comprit trop tard qu'il était en train d'être rabattu. Deux motos surgirent et l'encerclèrent. Ses 4 poursuivants à pied le rejoignaient. Il n'y avait aucune caméra, et la fumée dissimulait au regard des passants, ou de quelconques badauds aux fenêtres des appartements le meurtre qui allait être commis.
Par derrière, un motard en casque blanc leva sa batte et l’abattit froidement vers la tête de José mais José avait levé le bras pour parer le coup. Une douleur aiguë et vive se répandit dans tout son avant-bras des muscles jusqu'à l'os.
Un autre motard le frappa en pleine clavicule. José poussa un cri de douleur. Le cercle des casques se refermait sur lui. Acculé il jeta son sac en bandoulière à la figure d'un de ses agresseurs répandant son contenu dossier et carnet.
Soudain, des feux de route illuminèrent la scène, dans un crissement de pneus une Peugeot noire - format limousine - renversa les motos et s'arrêta nette face à José manquant de broyer ses phalanges.
La porte s'ouvrit et une paire de mains l'attrapa et le tira à l'intérieur du véhicule avant de redémarrer en 3ème vitesse. José ne put dissimuler un rictus de victoire sous un visage endolori et en sueur, il avait perdu le dossier mais avait réussi à glisser son carnet sous sa chemise.
***
Sa voix résonnait encore comme dans un cauchemar sous canicule : Tu te plaindras ? Tu feras un #Metoo alors qu'au nom du parti tu as accepté de traiter devant les caméras celles qui témoignaient de petites allumeuses ?
Foutu Holan. Je te tuerais. Je les tuerais tous.
Je courais, toujours je courais. La voiture de service qui m’était le matin même allouée n’était plus disponible. Devant moi, les dédales de rue se succédaient. Une étrange impression grisante me parcourait, je ne ressentais pas mon souffle, je me sentais disposée d’une énergie qui ne paraissait ne jamais se tarir, la sensation que je pourrais continuer jusqu’à Quimper sans jamais avoir à m’arrêter.
Je franchis un passage piéton vers les rails d’un tramway. Les passagers tous différents, en taille, en forme, en âge, en richesse, seul ou en groupe, et en couleur attendaient. Au dessus, sur le panneau électrique s’affichait dans une lumière jaune déprimante sur fond noir : 15 minutes Pont Garigliano.
C'est parfait. Après avoir glissé sur le trottoir, je m’approchais d’un poteau en métal que je frappais de toute mes forces. A mon grand regret, je ne ressentis aucune douleur, je recommençais alors, encore, et encore tout en m’efforçant de ne pas faire attention à leurs regards, tout particulièrement à celui du SDF emmitouflé dans son plaid qui ne comprenait pas comment une Femme sous une pluie torrentielle pouvait se livrer à un tel exercice.
***
- Dans les années 70 on les auraient encore appelés les voltigeurs. N'est-ce pas M.Citron ? Quel singulier parfum vous portez, ce n’est pourtant pas désagréable.
L'homme portait un costume et avait ouvert une trousse de premiers secours.
Je me contentais d'acquiescer reconnaissant le visage de l’homme qui m’avait suivi quelques semaines plus tôt. Par conséquent, je restais tout aussi méfiant face à ce drôle d'olibrius.
- Je suis si ravi de vous rencontrer José Ventôse. Vos efforts pour infiltrer les coulisses de la politique, et votre point de vue nous seront forts utiles.
- Vous êtes qui ?
L'homme ne répondit pas tout de suite comme s'il n'avait pas entendu, ce qui me gonfla, il poursuivit :
- Il manque encore Mlle Tran que nous rejoindrons bientôt.
Je ne compris pas.
- Vous voulez dire Alix ?
- C'est comme ça qu'elle s'appelle ? Très jolie. Vous savez où nous pourrions la trouver ?
- Je ne sais pas moi j'imagine qu'elle doit être encore à son bureau en train de remplir des dossiers douteux.
- Je crains bien qu'elle ne soit plus depuis un moment dans ses bureaux.
- Pourquoi cela, d'habitude elle travaille assez tard.
- Vous n'êtes pas au courant j'imagine, mais Mlle Tran a été exclue par son propre parti et a dû laisser sa place à M.Barnella.
- Holan, vous déconnez !
- Vous trouverez que ce n'est pas une plaisanterie mais si vous désirez une bonne blague, je crois en avoir une : que dit une balançoire à une autre balançoire lorsque celle-ci lui a raconté sa journée ?
Alix exclue de son parti ? Qu’as-tu fais au juste ? Certainement une action qui a dû énervé sa présidente cinglée.
La pluie faiblissait à travers les vitres teintées. Près d'une gare de tramway, j’aperçus la silhouette d'une petite femme en tailleur en train de frapper un poteau.
- Alix !
- L’auriez-vous aperçu M.Ventôse ?
- Arrêtez la voiture.
- Il faudrait trouver une place. Je vais demander à…
***
La Peugeot noire avait ralenti et José sans attendre la fin de la phrase de son mystérieux sauveteur s'était précipité au dehors, récoltant au passage quelques klaxons réprobateurs et des insultes. Il rejoignit Alix qui ne semblait pas encore l'avoir remarqué.
Il posa la main sur son épaule. Alix sursauta. Puis, sans autre forme de procédure, elle essaya de le frapper au visage. Mais son coup retomba mollement contre sa poitrine. Son poing était ensanglanté.
- J'ai appris pour ta situation.
- La ferme !
- Je suis désolé, mentit José.
Il lui paraissait difficile d'éprouver de la compassion pour une femme avec des idées politiques aussi arriérées. Cette espèce de facho au féminin n'avait que ce qu'elle méritait. Cependant, la détresse de sa situation ne le laissait pas complètement indifférent.
- Sais-tu ce que l'on ressent quand on est abandonné par son propre parti ?
- Non, admit José.
- Rien du tout, on ne ressent absolument rien du tout.
Alix frappa à nouveau le poteau. José avait envie de rire il y avait quelque chose de comique dans cette situation.
- J'ai tout perdu, il ne me reste plus rien.
Comme lorsqu’il était venu la rencontrer chez elle lorsqu’elle portait un jogging blanc, Alix vit José lui esquisser un petit sourire impertinent.
- C'est vrai, à part une résidence principale au cœur des quartiers chics de Paris, 3 résidences secondaires dont une dans un paradis fiscal, un héritage de votre père et grand-père qui ont fait fortune dans le ciment industriel après avoir commencé en tant que boat people. C'est sûr Alix il te reste plus rien.
- Il s'agissait de ma carrière.
- Et moi mes amis.
- Comment cela ?
- Ils ont été tués par la Brav-M !
Alix arrêta de frapper le poteau, digérant l'information. Se débarrasser de cette cellule de gauchiste constituait une partie de ses plans pour monter en reconnaissance au Regroupement National.
- Je suis navrée de l'apprendre José. Toutes mes condoléances. Mentit elle à son tour.
Pour le très peu qu'elle en savait, il était fort probable que ses camarades – mot qu’elle répugnait - Ernesto et Maximo avaient provoqué les forces de l'ordre en leur adressant une série de projectiles. La Brav-M n'avait alors fait que se défendre et avait malencontreusement conduit à leur décès. Une bévue comme une autre en somme. Rien de si grave que ça.
***
Ils étaient à présent tous les deux dans la Peugeot noire en présence du mystérieux sauveteur de José. Alix avait eu elle aussi le droit à son bandage pour sa main comme José l’avait eu pour son bras. Une tasse de chocolat chaud à la main de chaque passager, le mystérieux personnage accepta enfin de se présenter.
- Vous pouvez m'appeler Florian Leblanc. Je suis un des chefs de terrain de la DGSI.
Il tendit une carte à chacun d'entre eux. Son numéro de téléphone et son adresse mail y étaient inscrits.
DGSI ? Que faisait les services de sécurité intérieure dans cette histoire ?
- Vos journées ont dû être comme je ne peux que l'imaginer extrêmement éprouvantes. La malchance s'est abattu à divers degrés sur vous et ce n'est pas le fruit du hasard.
Tels un magicien Florian Leblanc fit signe à ses invités de retourner la carte qui leur avait été confié. Intrigués, Alix et José s'exécutèrent. Un étrange symbole représentant une croix basculée à 3 branches y était dessiné. Chaque branche se terminait par une lettre, la lettre μ, la lettre P pour la seconde, la lettre B pour la dernière.
- Les francs-maçons ? - Tenta José sans grande conviction - Aïe !
Alix n'avait pas pu résister à l'envie de lui donner un coup de coude face à une réponse qu'elle trouvait affreusement révélateur d'un retard intellectuel significatif.
- Il s'agit d'un groupuscule conspirationniste : La Bnupx. Ce groupe est extrêmement discret et puissant. Depuis une décennie, elle infiltre le pouvoir français qu'il soit législatif, judiciaire, médiatique, et exécutif. Leurs intentions demeurent encore inconnues de nos services.
- Excusez moi M.Leblanc - Alix craignait de comprendre - seriez vous en train de nous dire que si nous sommes dans cette situation c'est à cause d'une secte dont je n'ai jamais entendu parler ?
- En partie oui. Et cela, est particulièrement vrai pour vous M.Ventôse.
- Écoutez, je ne sais pas si ce que vous dites est vrai, mais je n'ai pas envie d'être mêlé à vos affaires de la DGSI. Si je lutte pour la révolution perpétuelle ce n'est certainement pas pour être au service d'une division oppressive de l'État. Contrairement à Alix, j'ai toujours un parti qui compte sur moi et qui attend que je vienne les voir.
- M.Ventôse la raison pour laquelle vous et vos amis ont été agressés par quelques membres dissidents de la Brav-M durant une manifestation vient des dossiers que vous avez récupéré au cours de votre service de coursier. Ces dossiers représentent une potentielle menace, y compris, les notes que vous avez conservé dans votre carnet.
José se demanda comment M.Leblanc pouvait connaître de telles choses à son compte. Instinctivement il posa sa main valide sur le carnet qu'il avait dissimulé. Alix fronça les sourcils, José était au courant depuis le début ?
- Quant à votre cellule Léïba de la ligue pour la révolution permanente je crains bien que vous ne pourrez les rejoindre. Ils sont en ce moment incarcérés. Un certain dossier a traîné sur eux et est arrivé aux mains du ministre de l'Intérieur. Ce dossier provenait du cabinet de Mlle Tran.
Alix aurait donné tout l'argent de son père pour que Florian Leblanc ne finisse jamais sa phrase. José s'était levé, cognant sa tête contre le toit de la voiture renversant sa tasse pour se jeter sur elle. Alix répliqua en lui jetant le contenu encore fumant de sa propre tasse à la figure.
- Salope ! Facho !
- J’ai rien fait, utilise ton cerveau espèce de tocard. Quel intérêt aurais-je eu à me débarrasser de ta clique de dégénérés gauchistes maintenant ?
Une décharge électrique envoyée par M.Leblanc les rabattirent tous les deux dans leur siège.
- Mlle Tran a tout à fait raison M.Ventôse. Pourrais-je conclure ?
Alix et José fixèrent M.Leblanc avant de se lancer un regard équivoque. À présent c'était sur lui qu'ils avaient envie de se précipiter.
- En vérité, la mission de la DGSI va s'avérer complexe et sera une véritable perturbation de ce système inégalitaire en guerre perpétuelle que représente l'Assemblée nationale. À travers vos compétences respectives et vos passés qui englobent à la fois les strates les plus aisées de la population française mais également les plus démunies, votre mission consistera à infiltrer l'Assemblée Nationale pour identifier et neutraliser les agents en relations directes ou indirectes avec la Bnupx. Votre couverture sera celle que nous vous fournirons, celle de politiciens au service d’un nouveau mouvement politique la NER, acronyme de Nation en Révolution.
De quelle couleur était ce type ? Rouge pour la révolution ou droit comme un bleu marine ?
Alix réfléchit. Elle aurait bien voulu boire du chocolat chaud pour dissimuler efficacement ses pensées. Quitte à changer de bord politique comme Jacques Chirac ou François Mitterrand, elle pourrait se venger de l'humiliation infligée par Holan, elle le ferait crever. Étrillé, émasculé, dispersé aux quatre coins de Paris qu'on le retrouverait façon puzzle comme le disait si bien une réplique de film. Que cela soit prouvé ou pas, elle pourrait toujours chercher à l’associer à la Bnupx pour le faire arrêter, en plus de contacter la police pour témoigner de son agression.
Après tout, personne dans l'histoire tout entière de la politique depuis les hommes de pierre ne se faisait élire sur ce qu'il était sinon sur ce qu'il paraissait. Une réalité toute particulièrement exacte dans cette bien-aimée Vème République.
José pensait également. Il songea à ses camarades injustement emprisonnés. Les visages mutilés de Maximo et Ernesto lui revenaient en mémoire. Ce mouvement politique serait peut-être l'occasion de trouver les meurtriers de ses camarades pour leur faire payer. Lui qui avait affirmé un jour rêver d’accéder à l'Assemblée Nationale pour changer les choses. Une telle occasion qui se présentait au nom de la lutte sociale ne pouvait pas être refusée.
- Le but n'est pas de sauver la France en préservant le statu quo mais bien en faisant une révolution qui sera juste mais aussi droite. Vous serez aidé de mon assistante qui vous formera à l'art de devenir député - il fixa José – et - il regarda Alix - à l'art de l'espionnage. Laurie mon petit !
La vitre teintée à l’avant du véhicule se baissa. La conductrice, une femme noire le visage radieux et en uniforme fit un geste de salutation de sa main gantée avant de rabattre sa casquette de pilote.
Alix ricana. Oui José aurait besoin d'entraînement pour devenir un vrai député. Ces beaux discours qui témoignaient d'un potentiel manquaient cruellement de savoir faire, rien à voir avec ce qu’elle avait appris à l'ENA. D'ailleurs il faudra se rappeler depuis quand un rouge a réussi à obtenir un poste dans une circonscription quelconque depuis au moins 20 ans sans l'avoir réellement mérité. Combien d’électeurs croyaient encore à ses idioties sociales.
José devinait les pensées d'Alix et se força à ne pas prêter attention aux pensées déplorables de cette bourgeoise fasciste.
- Je vous demanderai donc au nom d'une cause supérieure de faire fi le temps d'une concorde de vos idéaux respectifs, qui sont tout aussi légitimes l'une que l'autre dans ce noble combat que représente la lutte contre un groupe dangereux qui menace ce pays que nous aimons tous : la France !
José et Alix se retinrent de soupirer. Tout cela transpirait le sophisme affligeant. Malgré toutes ces manières surannées et son humour enfantin, M.Leblanc restait un agent au service de l'État, c'est-à-dire une personne à qui il ne pourrait jamais avoir entièrement confiance car ne connaissant pas pleinement ses réelles intentions.
Pourtant, par bonne mesure, ils simulèrent un mouvement d’assentiment.
- Bien. Je vous présenterai le programme en temps utile. Si l'on peut gagner les prochaines présidentielles ce sera tant mieux, mais ce qui importe c'est l'Assemblée Nationale. Nous vous déposerons à la prochaine intersection. Rentrez bien, mes hommes se chargeront discrètement de votre sécurité pour cette nuit.
***
La pluie s'était dissipée, un timide Soleil sur le point de se coucher éclairait de ses derniers rayons la cité parisienne.
José regarda Alix. Il contempla ses bandages tout en songeant aux siens.
- Alix ?
- Quoi ?
- Où comptes-tu aller maintenant ?
- Je vais appeler un taxi. Je vais rentrer chez moi et j'attendrai les instructions de ce singulier personnage. Tu devrais en faire de même si tu as à cœur de réussir tes objectifs pour la France.
- Je sais, mais en attendant c'était une sacrée journée. Je voulais savoir, je sais que jamais on s'entendra, on est différent toi et moi, surtout toi, mais histoire de pouvoir travailler de façon convenable pour nos rêves, tu serais d'accord pour qu'on aille manger un grec ?
José en était convaincu, jamais elle n'accepterait, mais cela valait le coup de tenter. José avait faim.
- Entendu.
José osait à peine y croire. Il chercha à dissimuler sa surprise, mais le regard d’Alix lui indiqua qu’elle voyait en lui comme un tweet nauséabond.
- Je connais un restaurant grec assez côté dans le…
- Non je veux dire un kebab, j'en connais un pas loin, le proprio c'est un type sympa.
Elle le dévisagea un instant comme si elle le calculait puis souffla, résignée.
- Pas de sourire idiot s'il te plaît.
- Excuse-moi. Et aussi, pour l'argent…
- J'ai compris, tu invites et c'est moi qui paye. Parce que t'es une gauchiasse qui profite de la générosité d'une facho.
José se força à rire. Florian Leblanc se faisait des idées. Comment pourrait-il un jour s'entendre ? Un objectif commun de connaître la vérité et la vengeance ne pourraient que les unir le temps d'accéder de nouveau aux bancs de l'Assemblée Nationale. José tendit la main, celui dont le bras endolori portait encore le bandage, vers Alix :
- Alliés pour la circonstance ?
- Le temps qu'il sera nécessaire, répondit Alix en tendant sa main enveloppée dans son propre bandage. Une mèche de cheveux rebelle glissait sur son visage rond telle une petite oie à qui on aurait volé dans les plumes.
- Merci Alix.
- Y a pas de quoi.
La politique est un art. Ces pratiquants des artistes faits de talents, de passion, de méthodes, d’action, de mensonges mais aussi de vérité. Comme tout art il a son caractère imprévisible. ici celle d'une Peugeot noire de la DGSI, des dossiers compromettants, des micros posés dans un bureau à l’insu de sa victime.
José chercherait à venger la mort de ses camarades. Alix cherchera à se venger de la trahison de Holan et de son agression sexuelle.
Art instable, ses secrets et ses masques, ses manœuvres conduiront ses acteurs tantôt à la victoire sinon à la défaite. Brillants un jour, ternis le lendemain, Alix et José ne sont qu'au début de leur périple à la conquête du pouvoir à l'Assemblée Nationale.
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