Chapitre Sept : Fasciste Retorse écrit par Jean Genvin

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Chapitre Sept : Fasciste Retorse écrit par Jean Genvin

José avait quelque peu bouleversé ma vie, c’était certain. Pourquoi l’avais-je embauché ? Ses arguments avaient été si stupides, après tout. Mais il apportait un vent de fraîcheur dans ma vie devenue si routinière, et c’était là une des raisons de mon geste absurde, quoi que puisse en penser Holan. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas tardé à se renseigner sur mon nouveau coursier, m’apportant des éléments plus que stupéfiants. José n’était pas un sdf, et ses ambitions politiques n’étaient pas nées dans la rue mais au sein d’un groupuscule aux objectifs anarchistes. J’avais ordonné à Holan de taire cette découverte, je voulais en apprendre plus sur le jeune intriguant qui avait cru pouvoir me duper. Et l’occasion se présenta rapidement, si rapidement que j’en fus surprise une nouvelle fois.

Le jeune homme s’était présenté à ma porte alors que j’abandonnais mon rôle de députée pour endosser celui de citoyenne lambda. Après être rentrée de ma permanence, j’avais eu le temps de prendre une bonne douche et de remplacer mon tailleur peu confortable par une tenue d’intérieur nettement moins élégante : mon vieux jogging blanc. Et sur un coup de tête j’ouvris à mon visiteur, curieuse de savoir ce qu’il venait chercher.

- Bonsoir cheffe ! me lança-t-il d’un ton enjoué, son sourire narquois aux lèvres.

- Bonsoir José. Que me vaut ce plaisir ?

Il m’avait suivi au salon, à peine étonné par ma tenue. La sienne n’était guère plus habillée, et pour une fois nous nous ressemblions presque.

- Je me suis dit que nous pourrions discuter, en oubliant le boulot.

- Excellente initiative, murmurai-je prudemment. Il trahissait ma confiance, mais jusqu’où irait-il ? Mais si nous oublions le boulot, de quoi pourrions-nous parler ?

Jouant l’innocente, je l’incitais à mener la danse. Je prenais un gros risque en le laissant pénétrer mon intimité, tout comme je l’avais fait en embauchant un inconnu. Désormais alertée de ses mensonges, j’avais au moins des armes pour le vaincre.

- Eh bien … de ce qui vous a poussé à me faire confiance, par exemple ?

Il semblait sincèrement désireux de comprendre, aussi décidai-je de jouer le jeu.

- J’ai eu raison, n’est-ce pas ? Tu veux changer le monde, et moi-aussi. Tu avais besoin d’un job, et moi d’un regard neuf sur les choses. C’est un gagnant-gagnant, tout le monde est content …

Le tutoiement s’était imposé, et mon accent sincère était mêlé d’une nuance inquisitrice. Je voulais le percer à jour avant de décider qu’en faire.

- Bien sûr, répondit-il d’un ton hésitant, comme ennuyé par ma réponse. Votre … ton geste fait donc partie d’une manœuvre politique ?

Oh ! Il voulait vérifier que j’étais bel et bien l’ordure qu’il voyait en moi, pour se débarrasser de ses derniers scrupules ; je n’allais pas lui rendre ce service, mais le faire mariner un peu plus.

- Du tout ! Vois-ça comme une main tendue, comme un gage de ma confiance, comme un pari … J’ai besoin de bien m’entourer, pour bien faire mon taf et représenter au mieux les français. Et je n’ai que faire de ton origine, tes études, ton accoutrement … seuls m’importent ton bon sens et ton humanisme.

Je le sentais vaciller, à tel point que c’en était jouissif. Il avait beau me trahir, il m’était néanmoins sympathique : je cessai de le scruter pour plutôt nous apporter de quoi boire. Et quand je revins au salon il avait repris contenance, et accepta avec gratitude le verre que je lui tendais.

- Pour être honnête, je suis loin d’être d’accord avec tout ce que dit le parti.

Quel euphémisme ! Je l’avais vu grimacer à chaque fois que nous abordions les points les moins partagés de notre programme, et il avait manqué d’en venir aux mains avec Holan à plus d’une reprise lorsque des divergences d’opinions leur rappelaient à quel point ils étaient différents l’un de l’autre.

- Pourquoi ne tentes-tu pas ta chance auprès d’un autre député, alors ?

Consciente de le mettre dans une position inconfortable, je lui laissai le temps de réfléchir à sa réponse – un nouveau mensonge ? Et ce fut après avoir cherché l’inspiration dans son verre qu’il me répondit.

- Ce que je dois faire, je le ferai avec toi.

C’était mignon. Mais à la lumière de ce que je savais de lui une telle déclaration était surtout inquiétante, elle voulait dire qu’il me ferait tomber coûte que coûte. Et moi qui avais cru à une sympathie réciproque… quelle désillusion ! Je ricanai intérieurement mais n’en étais pas moins blessée, et cela dut se voir sur mon visage.

- J’ai dit une bêtise ? me demanda-t-il avec candeur.

- Du tout. Mais j’ai toujours eu du mal à croire en de belles paroles. Je n’en serais pas là, sinon. J’ai répondu à ton « pourquoi moi ? », je suis en droit de te demander la pareille.

Il rit, et cette réaction me surprit. Fatigue et verre de vin eurent raison de moi : je le rejoignit, riant à une blague dont je n’avais pas la chute. Je ne savais pas encore si cette conversation allait donner lieu à quelque chose de constructif, et à vrai dire je m’en moquais. J’avais le temps.

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