Mission de sauvetage

18 minutes de lecture

La porte du sas s’ouvrit, permettant à trois officiers d’entrer dans la salle de contrôle. La dernière fois que Niki était à cet endroit, c’était lors de l’incident de l’adjudant Bannoc et de Spiros. Depuis ce jour, tout avait été réaménagé après une analyse complète des installations Black-Trons. La base était devenue depuis un poste avancé de la Police Spatiale pour les recherches sur Damass au sujet d’autres infrastructures ennemies.

— Comme vous pouvez le constater, expliqua l’adjudant Smiss, la salle de contrôle est entièrement opérationnelle. Les travaux avaient pris un peu de retard, mais j’ai remis les équipes de montage en place et nous avons terminé dans les temps.

Niki réprima un sourire. « Remis » n’était pas vraiment le mot… D’après ce qu’elle avait entendu des conversations des ouvriers, Lioris avait engueulé les groupes d’assemblage à la manière d’un grand patron. L’action avait, par ailleurs, déplu à tout le personnel.

— Vous avez fait du bon travail, adjudant, répondit l’amiral Bekker en admirant la pièce. Vous avez très bien géré les opérations.

— Je regrette de devoir passer le relais à une autre équipe, avoua Smiss. Il y a encore tant de choses à faire sur Damass…

— Votre homologue sera parfaitement à même de continuer votre tâche, rassura Bekker. Ne vous inquiétez pas de cela.

— Je n’en doute pas, mon commandant. Mais sera-t-il aussi efficace ?

— C’est ce que nous verrons. En tout cas, merci de votre visite guidée, adjudant Smiss. Nous reparlerons de tout ça lors de notre retour vers Neyria. Vous pouvez disposer avec le sergent Pellia.

— Bien, mon commandant.

L’amiral Bekker resta dans la salle de contrôle tandis que Lioris et Niki sortirent par le nouveau couloir d’accès. Ils demeurèrent silencieux, l’un comme l’autre, sur le chemin menant à l’extérieur. Aucun regard, aucun geste d’approche, fidèles tous les deux à leur engagement envers la Police Spatiale.

Brusquement, Lioris bifurqua sur la gauche, emmenant Niki de manière un peu forcée, dans une petite pièce servant de débarras au matériel non utilisé. Il referma la porte qu’il verrouilla avec sa carte et, sans attendre, embrassa fougueusement sa fiancée. D’abord surprise, Niki lui rendit son étreinte en lui saisissant la tête entre ses mains.

— Tu m’as manqué, lui murmura-t-il après quelques secondes d’enlacement.

— Toi aussi, répondit-elle en reprenant son souffle.

— Réponds-moi alors.

— À quoi ? s’étonna Niki.

— À la question que je t’ai posée avant ta permission…

— Mais j’y ai répondu, on s’est envoyé des messages vidéo presque tous les jours !

— Oui, mais je veux te l’entendre dire en vrai.

Elle soupira, un sourire gêné, mais épanoui sur visage.

— Oui, je veux t’épouser !

Il la serra alors de nouveau contre lui, déposant un baiser amoureux sur ses lèvres, puis dans son cou.

— Chéri, arrête…, gémit-elle. Nous sommes encore en service…

— Nous sommes seulement en train de superviser le débarras…

— Tu es bête ! On pourrait nous surprendre ! Moi aussi j’en ai envie, mais…

— Comme tu es dure avec moi, soupira Lioris. Je suis le seul habilité à verrouiller les portes, tu sais ? À part l’amiral, évidemment.

— Ça serait encore pire ! s’exclama-t-elle, horrifiée. Non, vraiment je ne peux pas. On ne peut pas être tranquille comme sur Neyria.

— Comme tu veux… je pensais avoir un moment agréable avec ma fiancée avant de repartir au centre de commandement…

Niki le toisa avec un regard désolé et compatissant.

— Pourquoi il a fallu que je sois assignée sur Damass au moment où tu rentres sur Neyria ? se plaignit-elle.

— Après notre mariage, je demanderai que nous soyons synchrones dans nos emplois du temps. Ou alors je te ferais intégrer mon équipe.

— Cela s’appelle du favoritisme, fit remarquer Niki.

— Qu’importe ! Je me moque du regard des autres. On ne m’empêchera pas de passer des moments avec ma femme !

— C’est gentil. Mais que dire de ceux qui sont loin de leur famille ?

Il répondit par un haussement d’épaules.

— Ce n’est pas mon problème. Ils ont voulu s’engager, alors qu’ils en assument les conséquences. J’ai entendu dire que deux cadets étaient déjà rentrés chez eux. Il faut réfléchir avant de quitter Terre Nouvelle pour l’espace.

— Je suis d’accord, mais…

— Nous avons la possibilité de nous arranger, nous n’allons pas nous en priver !

— Très bien, se résigna-t-elle. C’est vrai que si nous avons la chance de travailler ensemble, alors… oui, faisons-le.

— Je savais que tu serais partante. Et sinon, quand allons-nous nous marier ?

— Je ne sais pas… Je nous verrais bien le faire au printemps, dans un parc de Centralville. Celui où il y a un étang et un ponton en bois… ça serait magnifique !

— C’est encore un peu loin dans le temps, mais pourquoi pas ?

— Il faut également réserver la salle de réception pour une date, en espérant qu’elle soit libre, trouver un pasteur, faire ma robe… Oh, là, là ! Il y a tant à penser !

— Et si l’on discutait de ces détails à notre prochaine permission ? Mes parents nous aideront à nous organiser.

— Oui, tu as raison. Maintenant, déverrouille cette pièce, tiens !

Lioris ouvrit la porte. En sortant, il s’assura que personne n’était dans les environs puis referma derrière Niki.

— Qui allons-nous inviter pour la réception ? demanda-t-elle pour continuer sur le sujet du mariage.

— Et bien, nos familles pour commencer. Et puis nos amis, non ? C’est déjà pas mal.

— Il faut dresser une liste des invités.

— C’est une bonne idée, admit-il. Réfléchissons chacun de notre côté à cette liste et nous établirons un bilan quand on se reverra.

— Quand seras-tu en permission ? J’ai hâte de faire tout ça avec toi.

— Moi aussi, mon cœur. J’ai une semaine de surveillance autour de Neyria avant d’avoir quelques jours de repos.

— OK.

Elle se blottit contre lui tout en marchant vers le sas de sortie où une combinaison spatiale pendait contre le mur. Dehors, un vaisseau de transport attendait l’équipe de l’adjudant Smiss pour le retour au centre de commandement.

— Nous allons pouvoir un peu mieux communiquer maintenant, dit Lioris en regardant l’antenne qui venait d’être installée à la place de celle des Black-Trons. Ce relais est différent des autres. Il émet un signal lumineux vers un satellite en orbite qui retransmet jusqu’à Neyria par fréquence radio ordinaire.

— Tant mieux, dit-elle en fermant la combinaison de son homme. Parce que je sens que je vais t’expédier des tas de messages avec tout ce qu’on a à préparer.

— Tu sais qu’on est limité pour les communications différées, lui fit remarquer Lioris. N’en abuse pas.

— Qu’est-ce que j’en ai à faire ? répliqua-t-elle sèchement. Je peux au moins en transmettre un par jour, non ?

— Oui, d’accord. Mais fais-en sorte que ça ne déborde pas sur ta mission d’astropolicier.

— Ouais…, répondit-elle en faisant la moue.

— Allez, un dernier bisou avant de fermer la combinaison et j’y vais. Bon courage pour ta semaine ici.

— Merci. Tu m’envoies un message dès que tu peux, hein ?

— Oui, comme d’habitude.

Ils s’embrassèrent une dernière fois et Lioris mit son casque sur la tête. Il ouvrit la porte du sas qui se referma juste après son passage. Après la dépressurisation, il sortit au-dehors, jeta un ultime regard en arrière avec signe de la main à sa dulcinée et monta à bord de la navette.

***

Le chasseur Black-Tron, avec à son bord l’équipe de sauvetage, venait de quitter l’espace de la colonie ainsi que la ceinture d’astéroïdes après quelques heures de voyage. Ils n’avaient pu faire le trajet en vitesse semiluminique, l’appareil étant obligé de se séparer de sa partie centrale où se trouvait le reste de l’équipage pour le faire. Jusqu’à présent, les manœuvres s’étaient avérées moins compliquées que prévu, bien que le vaisseau laissât une impression de lourdeur et de maniabilité réduite par rapport à un Protector.

Dans deux heures, ils seraient en vue d’Orphos, le fameux site minier abandonné et repris par les Black-Trons pour leurs étranges activités.

— Spiros, arrête de faire la tête, dit Julius dans le communicateur.

Dans son cockpit, Spiros bouillait intérieurement. Il était fortement contrarié de la manière dont les choses s’étaient déroulées avant le départ. Le fait que la phase de test sur le chasseur Black-Tron, initialement prévu afin de se familiariser avec les commandes, n’eût pas lieu lui laissait un sentiment des plus horripilants.

— Ce n’est pas comme si tu n’arrivais pas à contrôler cet appareil, continua le Néo-sapiens. Tu t’es bien débrouillé jusqu’à présent.

— C’est un principe ! rétorqua Spiros. On ne promet pas des choses si ce n’est pas pour les tenir après ! Cela reflète bien un souci d’organisation au sein de la Police Spatiale !

— Ce n’est qu’un simple malentendu, un problème de communication entre deux équipes… Tu en feras part aux officiers à notre retour.

— Si nous revenons un jour, souffla Homar.

Le visage de ce dernier affichait une certaine nervosité. Ses mains jouaient avec son casque et son pied tapait le sol métallique de manière régulière.

— Tout va bien se passer, assura le sergent Krein avec emphase. C’est ta première mission sur le terrain, c’est ça ?

Homar acquiesça d’un signe de tête sans dire un mot.

— J’ai déjà été envoyé en territoire ennemi, confia le sergent. La première fois, c’était sur Képhas. Une escadrille d’Intruders s’était posée vers un site minier qu’on venait d’évacuer. On a essayé de les capturer à l’intérieur de la zone, mais ils ont réussi à s’enfuir. En même temps, nous n’étions pas très nombreux sur ce coup. La deuxième fois, c’était sur Hébron . On devait installer un relais de surveillance pour observer la Lune noire et ils nous sont tombés dessus pendant le montage de l’antenne. On a tenu quarante minutes en échange de tir pendant que le reste de l’équipe remballait le matériel sensible qu’on ne pouvait leur laisser et le remonter dans les vaisseaux. Une bonne décharge IEM venant d’un de nos croiseurs nous a permis de nous enfuir à notre tour, mais c’était tout juste.

— Je ne sais pas si ça me rassure pour autant, marmonna Homar dont le visage devenait blême.

— Vous pouvez compter sur moi pour vous diriger, dit Julius qui se voulait réconfortant. Cet équipement sera capable de détecter précisément par spectre de chaleur chaque personne à l’intérieur des bâtiments. Il me sera facile de vous guider en vous faisant éviter les agents ennemis.

— Ce matériel n’a pas été testé en condition réelle, releva Krein. Si ça se trouve, tu ne verras rien sur les écrans.

— La portée est un peu juste, mais je devrais recevoir aisément les informations du satellite. En revanche, nous n’aurons que quatre heures pour mener à bien la mission, passé ce délai, ce dernier ne sera plus en phase avec Orphos.

— Quatre heures, ça sera suffisant, assura Krein.

Le reste du voyage se déroula sans encombre. Orphos apparut en visuel devant Spiros, ressemblant à un simple caillou au milieu de nulle part. Seule l’imposante planète Képhas, immense sphère rougeâtre sur le fond infiniment sombre de l’espace, était visible actuellement.

Spiros ne se lassait jamais de ces spectacles majestueux. Cela avait un effet apaisant sur lui et il aurait pu rester des heures à contempler l’astre se mouvoir si lentement. Mais pour l’heure, la situation devenait sérieuse et il devait garder sa concentration.

À la distance où ils se trouvaient, ils étaient facilement repérables par des radars et une communication avec l’ennemi était à prévoir. Spiros aurait donné n’importe quoi pour avoir une formation sur les protocoles des Black-Trons.

De toute façon, ils me l’auraient fait sauter aussi, continua-t-il de rager intérieurement.

Mais il n’y eut aucune transmission jusqu’à l’astéroïde. Soulagé de cette étape, Spiros pianota maladroitement sur le tableau de bord, cherchant les manipulations à effectuer pour afficher les instructions de vol sur son écran. Lorsqu’il y parvint, des flèches apparurent dessus, lui indiquant le chemin à suivre sur le sol de l’astre.

Ils ont intégré le même système que nos chasseurs. C’est déjà une bonne chose. Voyons maintenant si je vais arriver à manier cette machine dans des espaces plus restreints…

Il fit une embardée sur la droite. La manœuvre fut plus lente qu’avec son Protector, mais l’appareil ennemi répondait malgré tout assez bien.

La surface de l’astéroïde était très accidentée. Bien que beaucoup plus grand, Orphos était très similaire aux corps rocheux de la ceinture. Dans l’ordre de mission, il était expliqué qu’il s’agissait d’une partie d’une Lune de Képhas, probablement Dora, qui était la plus proche de la planète minière. Celle-ci n’avait été nullement exploitée, Képhas étant suffisante pour les besoins de la colonie, mais Orphos avait représenté, à une certaine époque, un intérêt jusqu’à son abandon à cause de son instabilité.

— Tenez-vous prêts les gars, prévint Spiros. Nous allons nous poser dans quelques minutes.

Julius pria intérieurement pour la réussite de la mission, tandis que Krein revérifia les armes. Homar et Driss fermèrent leurs combinaisons. Les choses sérieuses allaient commencer.

Après avoir contourné plusieurs pitons rocheux et traversé un tunnel, Spiros posa le chasseur, non sans quelques difficultés en cherchant les trains d’atterrissage, sur une zone abritée et un peu éloignée de la mine.

— Mettez vos casques, les gars, prévint-il. Dépressurisation du compartiment dans quelques secondes…

Les trois hommes de terrain s’exécutèrent puis, une fois le vide atteint, sortirent ensuite du vaisseau, laissant seuls Julius et Spiros.

Le Néo-sapiens avait connecté l’appareil transmetteur et les deux écrans devant lui affichaient les informations reçues par le satellite situé à quelques milliers de kilomètres de leur position.

Le premier montrait un brouillon de couleurs chaudes et froides tandis que le deuxième avait un fond entièrement noir superposé d’un quadrillage rouge. Trois points apparurent sur celui-ci, qui se déplaçaient en même temps que l’équipe de sauvetage.

— Allô Reflet ? appela-t-il dans son communicateur. Ici Écho. La transmission est en marche, ainsi que le système de vision thermique. Communication sécurisée. Je vous ai tous les trois en visuel.

— Reflet à Écho. Bien reçu, nous commençons l’opération. Rien à signaler ?

— Il y a plusieurs gardes à la périphérie du bâtiment, répondit Julius. Les sentinelles sont par groupes de deux et se déplacent autour. Il y a une fenêtre de trente secondes entre chaque passage. Les sorties de ventilation sont justes devant vous.

— Bien reçu, Écho. Je les ai en visuel.

Krein, Homar et Driss étaient tous les trois planqués derrière un monticule de cailloux. Face à eux se dressait le bâtiment de M:Tronic, aux murs rouge et blanc et les vitres d’un jaune fluorescent. Deux grosses grilles sur le flanc leur permettraient de s’introduire sans avoir à prendre les portes d’entrée. Ils virent deux gardes passer devant les bouches d’aération, armes en main.

Krein envisagea d’abord de les neutraliser, mais si les autres vigiles les trouvaient, l’alerte serait donnée. Il était donc préférable de rester discret pour cette partie de la mission.

— Reflet, vous pouvez y aller après le passage des sentinelles.

— OK les gars ! On y va.

Le petit groupe se précipita en avant vers les grilles. Il était cependant délicat d’aller vite, car dans le vide spatial les mouvements étaient beaucoup plus lents et le moindre geste mal contrôlé pouvait les envoyer à plusieurs mètres en hauteur sans pouvoir se rattraper.

Driss prit un tournevis électrique pour enlever les deux vis qui retenaient l’une des grilles puis, une fois ouverte, les trois hommes s’engouffrèrent dans le conduit. Par chance également, il n’y avait pas de poussière sur le sol. Celui-ci était uniquement composé de roche, ne laissant aucune trace de leur passage.

Pendant ce temps, dans le chasseur, Spiros avait trouvé une commande qui permit à son siège de se décrocher et reculer sur trois mètres, puis de se retourner pour avoir accès à l’intérieur du compartiment où Julius opérait.

Spiros regarda les écrans et essaya de comprendre les images.

— Comment repères-tu les agents ennemis ? demanda-t-il.

— Sur cet écran, répondit-il en montrant le quadrillage, il s’agit du radar du chasseur qui balaye la zone autour de lui. Il est utile dans le cas où des Black-Trons s’approcheraient de notre position. Sur le deuxième moniteur, c’est le repérage par spectre de chaleur de tous les êtres vivants sur Orphos. J’ai calibré la visée sur le bâtiment principal afin de voir chaque personne se mouvant à l’intérieur. Ici, on peut observer notre équipe en train de se déplacer dans l’ancien conduit d’évacuation d’air vicié. Nous avons de la chance, celui-ci n’a, effectivement, pas été réactivé par les Black-Trons. Ainsi, tout être ou objet dégageant de la chaleur est facilement visible dans le froid spatial.

— Et comment retrouver l’adjudant Bannoc dans tout ça ?

— C’est la partie la plus difficile de l’opération. Nous avons quelques pistes quant à l’endroit où il pourrait être retenu. L’équipe va devoir fureter dans les différentes salles supposées, en espérant que cela ne prenne pas trop de temps. Je peux également faire des recherches sur l’écran spectrographique pour voir s’il n’y a pas une personne isolée ou bien un groupe.

— Pourquoi un groupe ? s’étonna Spiros.

— L’adjudant Bannoc n’est pas le premier prisonnier des Black-Trons. Pour rappel, il y a eu plusieurs ouvriers de M:Tronic qui ont été enlevés avec les cargaisons volées. Comme nous le savons, malgré nos demandes de libération, l’ennemi était resté sourd et muet. Il est fort possible que certaines de ces personnes soient retenues ici. S’ils ont repris les excavations, ils ont probablement besoin de main-d’œuvre ayant la connaissance pour utiliser les outils laissés dans la base. Ce n’est qu’une supposition…

— Mais si c’était le cas, nous ne serions pas à même de les emmener avec nous ! On est bien trop limité en place dans le chasseur.

— Tu as raison. Nous ne pouvons embarquer qu’un individu supplémentaire malheureusement, voire deux. Il nous faudra revenir avec une flotte entière pour reprendre Orphos et libérer les prisonniers, plus une escouade d’astropoliciers pour garder le site, ce qui nous obligerait à diminuer les effectifs sur Neyria, organiser plus de voyages pour les changements d’équipes, etc... Et en espérant que le Lunar Centaury n’envoie pas de renfort d’ici là.

— Ouais… la merde, quoi !

***

Les trois astropoliciers, habillés en agents Black-Trons, progressaient tant bien que mal dans le conduit par lequel ils s’étaient infiltrés. Les combinaisons noires étaient tout sauf pratiques et ralentissaient leur avancée. Le sergent Krein se disait que, puisqu’il fallait emprunter des passages restreints, il aurait été préférable de garder celles de la Police Spatiale, bien plus souples et moins encombrantes que ces "armures antiques".

Après avoir remonté le canal jusqu’à son extrémité, l’équipe était passée par la centrale d’épuration puis par une grande pièce circulaire où l’air vicié était autrefois aspiré pour être rejeté. À partir de là, plusieurs chemins étaient possibles via d’autres conduits, gardés par d’immenses hélices qui, heureusement pour eux, étaient à l’arrêt.

Julius avait un plan clair dans sa tête pour examiner une à une les différentes salles potentielles qui pouvaient maintenir un prisonnier et il fit passer le groupe par une canalisation sur leur droite.

— Vous êtes au-dessus du premier local, leur indiqua-t-il au bout de quelques minutes. Vous devriez avoir une grille d’aération qui vous permettra d’y accéder. Cependant, je ne détecte aucune source de chaleur précise, je doute qu’une personne quelconque s’y trouve.

— Comprit, Écho.

La pièce était dans le noir. Homar passa un tuyau fin à travers la grille, relié à un petit moniteur que Driss tenait dans la main.

— Pas de signe de vie en effet, confirma ce dernier. Mais beaucoup de caisses de transport.

— Qu’est-ce qu’ils peuvent bien entreposer ? murmura Krein. Enregistre les images, ça peut nous servir.

— Bien.

Ils progressèrent encore jusqu’à un embranchement.

— Prenez à gauche, signala Julius. Continuez ensuite sur dix mètres et vous arriverez à la seconde salle.

Malheureusement, la section suivante était inaccessible, car le conduit était effondré à seulement trois mètres de la sortie. De l’autre côté, le tube formait un coude vers le bas.

Krein risqua un œil par l’ouverture béante. C’était un long couloir, éclairé faiblement par des spots autonomes installés récemment. De toute évidence, ils n’avaient pas non plus réactivé l’électricité.

— Écho ? On ne peut pas passer, le conduit est effondré et impossible de traverser. Est-ce qu’il y a un autre moyen ?

— Je regarde…

D’après le plan, il leur fallait emprunter le passage suivant, ce qui ferait faire une partie du parcours à l’envers. L’accès actuel étant bloqué, il n’y avait malheureusement aucune alternative différente.

— Rebroussez chemin, Reflet. Prenez le conduit à droite, vous allez explorer les prochaines salles en attendant.

Tout en ronchonnant, l’équipe fit demi-tour tant bien que mal et prit la voie indiquée par Écho. Les trois bouches d’aérations suivantes donnèrent sur un entrepôt où d’autres caisses étaient stockées. Seules quelques patrouilles rôdaient entre les rayonnages, pas le moindre signe d’un prisonnier en vue.

Où l’ont-ils donc enfermé, bon sang ? se demanda Krein.

Il consulta son chronomètre. Déjà une heure et trente minutes écoulées depuis qu’ils étaient entrés dans le bâtiment. Ils avaient suffisamment de temps devant eux, mais plus tôt l’objectif serait atteint et mieux ça vaudrait.

Au bout d’un moment, ils arrivèrent à un nouvel effondrement du conduit.

— Écho, ici Reflet. Le tuyau tire encore la gueule ! Il faut changer de direction…

— Il y a bien une autre solution comme tout à l’heure. Malheureusement, cela va vous faire perdre un temps précieux pour revenir en arrière. J’ai l’impression que le système de ventilation n’est pas au mieux de sa forme…

— Absolument pas ! Et pour dire la vérité, j'aimerais sortir de là ! Non pas que je sois claustrophobe, mais avoir plus de liberté pour avancer n’est pas pour me déplaire !

— Vous risquez d’être confronté à l’ennemi, prévint Julius.

— Je prends le risque et partir au plus vite, répondit Krein. On va essayer d’être discret au possible, mais je compte sur toi pour nous avertir si quelqu’un approche.

— Bien reçu. Vous êtes dans une zone dégagée, pas de signe de chaleur sur l’écran à part vous. La voie est libre…

— OK ! On avance les gars.

Ils sortirent du conduit et activèrent leurs semelles magnétiques afin de pouvoir marcher convenablement.

— Vous devriez être dans un couloir qui descend en pente douce, annonça Julius en consultant le plan du bâtiment sur un troisième moniteur.

— Affirmatif !

— Tout au bout, vous allez atteindre un embranchement avec trois portes. Si elle est ouverte, vous prendrez celle de gauche.

— Compris !

Lorsqu’ils arrivèrent au bout du corridor, les trois portes étaient fermées et comme l’électricité n’était pas rétablie, ils ne pouvaient tenter un court-circuit avec le panneau de commande.

— Je vais essayer quelque chose, dit alors Driss.

Il sortit une petite barre en métal de sa sacoche d’outils et l’enficha dans la fissure entre le battant coulissant et l’encadrement. Avec quelques manipulations, il réussit à créer un interstice suffisant pour y passer les mains et tous les trois ensemble purent l’ouvrir entièrement.

— Parfait, déclara Krein en soufflant. Qu’est-ce qui nous attend maintenant ?

— Attention, il y a trois unités à quelques mètres à gauche de l’entrée ! Elles ne semblent pas orientées vers vous, mais restez prudents !

— Bien reçu. On coupe nos loupiotes, les gars !

Ils éteignirent les lampes situées sur leurs casques et avancèrent un peu à l’aveuglette. Aucune lumière n’éclairait l’endroit à part un spot, là où les trois agents Black-Tron étaient postés. Ces derniers n’avaient pas remarqué leur présence et ils en profitèrent pour filer tout droit.

Ils étaient dans une sorte de hangar ou d’entrepôt similaire à celui qu’ils avaient examiné juste avant, à la différence que celui-ci avait des palletiers vides.

— Traversez la zone pour atteindre un autre couloir et tournez à droite. Leur dit Julius. Personne à signaler pour l’instant.

Durant le trajet, Homar trébucha sur une barre en fer qui trainait sur le sol. Driss remercia le ciel que l’endroit était sans oxygène, sans quoi le bruit aurait alerté les gardes à proximité.

— Fais attention où tu marches, le prévint Krein. Si tu troues ta combinaison, ça va compliquer la situation.

— Désolé, s’excusa Homar. Mais on ne voit rien dans cette obscurité.

— C’est vrai qu’ils auraient pu installer un système infrarouge dans les visières, fit remarquer Driss.

— L’opération a été mise en place dans l’urgence, difficile de tout prévoir dans ces conditions ! Allez, on continue…

La porte de sortie était ouverte, ce qui leur facilita la tâche. Après plusieurs couloirs mal éclairés, ils accédèrent enfin à une salle.

— Soyez prudents ! prévint subitement Julius. Il y a trois personnes à l’intérieur !

— Merde ! s’exclama Krein. Il faut pourtant savoir ce qu’il y a dedans ! Est-ce que tu as d’autres infos ?

— Rien de particulier, mais il me semble que parmi les trois hommes, il y en ait un qui soit allongé. Difficile d’être précis, l’image est trop incertaine…

— Allongé ? Et s’il s’agissait de l’adjudant ?

— Impossible de le savoir, mais ça vaut le coup de vérifier.

La porte n’avait aucune vitre pour regarder à l’intérieur. Krein réfléchissait, mais à part entrer en force, il ne voyait pas comment faire autrement. Le risque était d’être repéré et si ce n’était toujours pas la salle recherchée, ils devront se justifier de leur présence ici.

La vie d’un supérieur est peut-être en danger. Il n’y a pas à cogiter plus longtemps, il faut agir, tant pis pour les conséquences, on verra après.

Il fit signe à ses deux coéquipiers pour indiquer son intention et de préparer leurs armes en cas de besoin. Puis, il fit glisser la porte et entra, suivi de ses deux compagnons.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire L.A. Traumer ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0