Tu me dis « tempête », je pense « Shakespeare ».

Il me faudra bien deux ou trois secondes avant de me demander si tu ne visais pas plus simple.

Tempête. Shakespeare. Et encore plus bizarrement : Obéron, Puck, Titania. Aucun personnage de « La Tempête ». J’ai depuis toujours préféré les songes d’été, et les tempêtes ne me font pas peur. Elles me fascinent.

La tempête, je la vois comme ça :

Obéron, plein de courroux s’avance, les chevilles gonflées de suffisance, la tête dans le coaltar, les yeux bardés de foudre, retenant des larmes de grêle, le ventre trop plein de grondements mal digérés. Obéron brasse l’air de ses puissants bras, tourne sur lui-même, joue au derviche, et s’engage, en hurlant des insanités, à arracher le mal et la douleur de la terre.

Titania, ce sont les nuées de soies sombres. Elle devait être l’une de ces mythiques reines noires et fières qui ont dirigé les peuples d’Égypte vers l’immortalité avant de s’unir à Obéron. Les elfes sont si charmeurs lorsqu’ils sont calmes. Titania avance, elle aussi, en ne quittant pas Obéron qu’elle entoure de toutes parts, tentant de le calmer par des caresses nuageuses et mouillées, des soupirs à en fendre les colères. Titania fait l’amour à Obéron en plein ciel, à la vue des mortels amauroses. Amoroso. Forte Titania qui ne lâche pas la fureur elfique ; il y a si longtemps qu’elfes et hommes se jalousent, que leur laisser libre cours à la guerre serait un désastre. Titania est un rempart, certes juste une barrière encombrante pour Obéron, mais un rempart entre nous et le déchaînement des rancœurs accumulées par l’inconscience de nos ancêtres.

Et Puck ? Puck, c’est lui qui descend près du sol. Qui tape aux fenêtres, qui brise le vase oublié dehors. Puck, l’entends-tu ? Puck, puck, puck… De grosses gouttes s’éclatent. Parfois plus fort. Puck ! Puck ! C’est la grêle qui frappe. Les larmes d’Obéron…