Dans la ferme aussi !
Le ciel est si gris, si triste. Les vaches stressées meuglent lamentablement. Habituellement elles le font joyeusement, s’interpelant d’un bout du pré à l’autre. Elles sont regroupées autour du chef du troupeau, le Gros Taureau avec son anneau dans le nez !
Je n’y crois pas ! Ces animaux de ferme fomentent une révolte ! Et les vaches ne sont pas les seules ! Le bouc et ses chèvres les ont appelés du champ voisin. Si bien qu’une conférence a lieu, de part et d’autre du fil barbelé.
Bêlements et meuglements résonnent dans la campagne, attirant les divers chiens de la ferme qui décident de disperser la foule animale.
- Non, mais les chiens, ça va comme vous voulez ? Nous on en a assez ! On en a marre de rester enfermées dans notre champ !
- Oui, Noiraude a raison ! On veut changer de champ !
- On peut inverser, si vous voulez !
- Vous zavez rien compris les chiens ! Nous, ce que nous voulons, c’est aller jouer dans le champ près de la rivière ! Les chèvres d’un côté et les vaches de l’autre ! On peut patauger parce que l’eau n’est pas profonde.
- Ah ! Ce n’est que ça ! Mais non ! c’est pas possible ! Le patron a dit non ! Il a ses raisons ! C’est pour votre bien.
- Il dit toujours ça, ce chien ! Il m’énerve !
- Mais pourquoi vous me disputez ? J’y suis pour rien ! Je ne fais que transmettre les informations en ma possession ! Il ne me dit pas tout ! Depuis quand les Humains parlent-ils à leurs chiens ?
- Et d’abord pourquoi vous parlez ? Qui vous y autorise ?
- Hé ! Routard ! Toi aussi tu parles ! Et tu ne trouves pas ça anormal ! Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de le faire ?
- Hé ! Mais ces chèvres se rebellent ! Vous allez voir , si vous allez continuer comme ça !
- Ce Routard se prend pour un dictateur ! Ici c’est une démocratie ! On n’est pas chez les Hommes ! Tout le monde a le droit de s’exprimer !
- On a le droit de dire qu’on n’est pas d’accord avec le traitement ! On nous exploite pour notre lait ! Nous sommes des travailleuses du lait ! Vous les chiens, vous êtes des laquais du fermier !
- Oui. Biquette a raison : NOUS SOMME L’ORDRE et vous, les petites vaches et les petites chèvres, vous n’avez pas votre mot à dire.
- Enfin, calmons-nous, grogne Bobo le Bouc, nous avons des revendications. Nous voulons habiter avec les vaches, avoir un endroit où nous abriter quand il pleut ou que le soleil tape trop fort. Nous voulons avoir le droit de nous promener le long du ruisseau.
- Oui, Bobo a raison ! On ne demande pas la lune ! On ne demande pas des ailes pour nous enfuir on veut bien rester mais pas tous les jours dans le même pré ! On veut varier les goûts de l’herbe !
- Écoute Routard, toi qui est le chef des chiens, nous voulons aller déguster les pissenlits ! On en a assez du confinement dans notre champ !
- Bon, bon, ne vous fâchez pas, les filles ! Je verrai ce que je peux faire. Mais j’ai bien peur qu’il décide de vous faire rentrer plus tôt à l’étable ! 18 h au lieu de 21 h…
- Mais il est devenu fou !
- Non, c’est une nouvelle lubie. Il a entendu ça à la radio des Hommes. Ça barde chez eux !
- Bon, alors ont va discuter entre nous pour voir quelle action est envisagée.
Le chien se retire, un peu étonné, un peu inquiet. C’est la première fois que vaches et chèvres revendiquent la même chose ! Le Taureau et le Bouc suivent le mouvement. Ils n’ont pas voix au chapitre. Décidément ce qui se passe chez les Hommes déteint à la ferme ! Où va le monde ?
Paris le 14 janvier 2021
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