35. Cauchemars en série
Liam
L’ambiance dans le bus qui nous ramène de l’Iowa n’est pas des plus gaies. Aucun rire, aucun chant, même Abdul, le boute-en-train, reste assis au dernier rang pensivement. Et pourtant, on l’a gagné, ce match. Sans aucun souci. Enfin… C’est vite dit, ça, parce qu’au troisième quart temps, on a perdu Mike qui est sorti sur civière, suite à un choc avec un joueur de l’équipe adverse. Au départ, on pensait qu’il était juste sonné, mais il a mis du temps avant de reprendre connaissance et les ambulanciers ont préféré l’emmener aux urgences pour faire des examens de contrôle. Depuis, personne n’a de nouvelle, pas même le coach. Son adjoint est à l’hôpital et nous a fait savoir que Mike avait été opéré d’une fracture du tibia et que son état général était inquiétant. Tant qu’il ne sera pas sorti du bloc, on n’aura pas d’autres informations. Et tout ça, ça nous mine tous. Moi, en tant que capitaine, je me fais des reproches. On aurait dû plus le protéger, plus assurer en le soutenant. J’aurais dû dire au coach de le sortir parce que c’est vrai qu’il avait l’air un peu fatigué. Je n’arrête pas, en plus, de me repasser en tête l’action, comment j’ai laissé filer le gars qui a percuté Mike. J’aurais dû le retenir, quitte à faire une faute et à être exclu. Mais au moins, Mike aurait été parmi nous. C’est ça, être un bon capitaine, non ? Se sacrifier pour ses coéquipiers !
Quand le bus se gare sur le parking de l’université, je récupère ma moto et salue mes coéquipiers et le coach en lui faisant promettre de tous nous prévenir dès qu’il a des nouvelles. Je rentre chez moi, l’esprit préoccupé par ce souci, et suis content de voir que tout le monde n’est pas déjà couché quand j’arrive.
— Oh Sarah, tu es là ? Je pensais que tout le monde était au lit.
— J’avais envie de glace, sourit-elle en me montrant son pot de glace au chocolat et sa cuillère. Ça va ? Tu veux manger quelque chose ? Ça a été, le match ?
— Mouais, bof. On a Mike qui s’est blessé et il est encore aux urgences, a priori. C’est la galère, il a au moins une fracture du tibia et sûrement une commotion cérébrale. On attend des nouvelles, là. Je m’en veux, en plus, je suis sûr que j’aurais pu empêcher cet accident d’arriver.
— Hum, bouge pas, dit-elle en me tournant le dos pour fouiller dans un tiroir avant de se planter devant moi et de me coller une cuillère sous le nez. Ça mérite du chocolat. Je veux bien partager ma glace si tu me racontes en quoi tu crois que tu aurais pu être Superman et éviter ça. Deal ?
— Deal, Sweetie, dis-je en prenant la cuillère, alors qu’elle s’assoit à mes côtés sur le canapé.
Je lui fais un peu de place et elle se colle à mes côtés pour que je puisse atteindre sans difficulté le petit pot dans lequel je pioche. J’adore la façon dont elle met la cuillère dans sa bouche pour la sucer et je me dis que je remplacerais bien cet ustensile par un autre qui est en train de grandir entre mes jambes.
— Je crois que j’aurais pu l’empêcher de se prendre le choc, en fait. Et je m’en veux, en tant que Capitaine, j’aurais dû anticiper les choses et il serait rentré avec nous en chantant si ça avait été le cas.
— Tu ne peux pas tout anticiper, Capitaine. Il faut que tu joues aussi. Et puis, c’était quoi l’objectif, que ce soit toi qui te retrouves à l’hosto ? Non merci. Enfin, je n’ai rien contre Mike, hein ? Mais… Voilà, quoi.
— Non, mais je suis plus solide que lui, moi. Avec ma carrure, c’est l’autre qui serait à l’hosto, je suis sûr. Ou j’aurais juste dû dire au coach de le sortir, il avait l’air fatigué, tu sais.
— Tu sais que tu ne peux pas tout prévoir et anticiper ? Et le coach aurait pu le sortir de lui-même, ou Mike aurait pu demander à être remplacé, ou… Tu vois ? Pourquoi ce serait toi, le responsable ?
Elle remonte ses jambes sur le canapé et ses genoux viennent buter contre ma jambe. Elle est vraiment trop mignonne, avec son débardeur bien échancré et son petit short qui ne cache rien ou presque de son magnifique corps. Quand je pense que tout ça est inatteignable… Vite, je reprends un peu de glace au chocolat avant de répondre.
— Je suis le capitaine, c’est mon rôle de m’occuper de mes coéquipiers, Sweetie.
— Quelqu’un t’en veut ? Tu crois que Mike va t’en vouloir ?
— Non, il n’y a que moi qui m’en veuille, je crois. Mais tu as raison, peut-être que c’était le destin… Ou peut-être que le chocolat aide à relativiser, ajouté-je en souriant.
— Tu es trop exigeant avec toi-même, Sanders. Mais tu as raison, le chocolat est un remède miracle. Tu verras avec Mike s’il t’en veut, mais je doute que quiconque te reproche quelque chose que tu ne pouvais pas anticiper. Il n’y a que ton cerveau torturé pour voir une défaillance de ta part, sourit-elle en attrapant ma main pour porter ma cuillère pleine de glace à sa bouche.
— Eh, voleuse ! C’était ma dose pour me redonner le moral que tu viens de manger, là. Tu devrais avoir honte ! m’écrié-je en saisissant le pot de ses mains pour le garder près de moi.
— Fais attention à ce que tu fais, malheureux ! Tu viens de me voler mon pot de glace, pot que je t’ai gentiment proposé de partager. Tu cherches les ennuis, là, me menace-t-elle en s’agenouillant sur le canapé comme si elle cherchait à me surplomber.
— Et tu me fais quoi si je ne te le rends pas ? demandé-je, taquin, en écartant la main qui tient le pot de glace. Tu crois que tu me fais peur ? J’ai réussi à éviter le gros molosse de l’Iowa, ce n’est pas la petite chipie de Chicago qui va m’intimider, tu sais !
— Liam, t’es sérieux, là ? rit-elle en me grimpant dessus sans hésitation pour tenter d’attraper le pot, me collant sa poitrine sous le nez. Donne-moi cette foutue glace !
— Tiens, Sweetie, comment résister à tes arguments massifs ? demandé-je en lui tendant le pot mais en posant ma main libre sur une de ses hanches.
J’espère qu’elle ne sent pas mon érection sous elle car sinon, je ne suis pas sûr de pouvoir me contrôler. Quelle idée de venir ainsi me chevaucher, ça me rappelle trop nos étreintes, et la chaleur qui se dégage de son corps, la douceur de ses courbes contre moi, tout me ramène à ces moments où nous partagions d’intenses étreintes sensuelles et excitantes.
— Massifs, hein ? glousse-t-elle en s’asseyant sur mes cuisses avant d’enfourner une nouvelle cuillère de glace dans sa bouche. J’espère que tu parles de mes seins et pas de mon postérieur. Quoique je l’aurais cherché, à manger de la glace à cette heure.
— Moi, je le trouve très sexy, ton postérieur, affirmé-je en laissant glisser ma main sur ses fesses que je ne peux m’empêcher de caresser en admirant la glace disparaître dans sa jolie bouche, à seulement quelques centimètres de la mienne.
— Serais-tu en train de me draguer ? Fais gaffe, la glace te fait tourner la tête, Capitaine, sourit Sarah en me tendant une cuillère pleine que j’avale goulûment.
— Qu’est-ce que je ne ferais pas pour un peu de chocolat, Sweetie, ou, encore mieux, pour un baiser au chocolat.
Je me penche et dépose mes lèvres fraîches sur les siennes. Ma langue chocolatée vient immédiatement jouer avec la sienne aux mêmes parfums sucrés et je sens qu’elle se met à onduler sur mon érection pendant que nous prolongeons ce baiser qui finit de réveiller mon corps de la plus sensuelle des manières. Je la serre contre moi, mais elle se recule en me repoussant, une main sur mon torse.
— C’est Jude qui pleure, là, non ?
Effectivement, malgré la taille de la maison, on entend des pleurs au loin. Je n’ai pas le temps de réagir que Sarah bondit loin de mes genoux et se précipite dans les escaliers pour aller voir ce qu’il se passe. Je la suis un peu plus posément, difficile de courir avec la béquille levée, tous les motards le savent.
Lorsque je les rejoins, je constate que Jude est agrippée à Sarah qui essuie les larmes sur ses joues.
— Tout va bien ? demandé-je en m’approchant et en m’asseyant de l’autre côté du lit par rapport à Sarah.
— Un mauvais rêve de la Princesse qui nécessite une tonne de câlins, apparemment, me répond Sarah alors que Jude me tend les bras.
— Ça tombe bien, il me reste une demi-tonne en stock. Avec les tiens, Sarah, on va réussir à calmer la Princesse. Ça va, Tchoupette ? Ce n’était qu’un rêve, et tu vois, nous sommes là, maintenant.
Elle ne répond pas mais nous enserre tous les deux dans ses bras. La force avec laquelle elle nous réunit est impressionnante et ses pleurs se calment enfin.
— Double dose de câlins, tu en as de la chance, Jude, mais il faut vite te rendormir ma Jolie, il est tard et tu sais que Liam ne rigole pas avec les heures de dodo pour sa petite sœur adorée, lui murmure bruyamment Sarah à l’oreille.
— Vous restez avec moi, hein ? Sinon, les monstres, ils vont revenir.
— Si tu veux, on reste un peu, oui. Mais il va falloir nous faire une petite place. Même si ton lit est grand, pour qu’on rentre tous les trois, il faut se serrer un peu. D’accord ?
Elle dépose un énorme bisou sur ma joue avant de faire de même sur celle de Sarah, puis nous attire avec elle alors qu’elle se recouche. Je passe mon bras autour des deux filles et les serre contre moi.
— Bonne nuit, les filles. Je vous protège, les monstres ne reviendront pas.
— Bonne nuit grand frère, bonne nuit grande sœur, sourit Jude en fermant les yeux.
Heureusement que personne ne sait ce que son grand frère et sa grande sœur faisaient avant de la retrouver. Pas très fraternels, tous ces baisers…
Annotations