50. Chamallow et sac à patates

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Sarah

Ma mère est tout simplement sublime. La robe lui va à ravir et j’ai les larmes aux yeux alors que Judith sautille sur le petit canapé à mes côtés. Nancy, la meilleure amie de Maman depuis plus de vingt ans, semble toute aussi émue que moi et serre ma main dans la sienne.

— Alors, celle-ci, ça va ?

Elle a choisi une robe couleur crème, dans le style années soixante-dix. Taille haute et marquée qui met en valeur sa silhouette, jupe évasée qui lui arrive sous le genou. Elle est superbe.

— Sarah, dis quelque chose, s’il te plaît, geint-elle en grimaçant. Tu n’as aimé aucune des cinq premières que j’ai essayées et… J’adore celle-là, vraiment.

— Tu es… J’ai pas les mots, Maman. Tu es parfaite, tout simplement.

— Vraiment ?

Je me lève et vais la prendre dans mes bras, les yeux bien humides. Ma mère m’accueille avec plaisir, je crois, et me serre contre elle comme elle ne l’a pas fait depuis des semaines avant que je n’attrape sa main et la fasse tourner sur elle-même. Le haut de la robe est tout en dentelle, les bretelles sont larges, le col arrondi, elle est à la fois classe et sexy. Nul doute que Jim va adorer.

— Oh non, mince ! Sarah ! C’est ma voiture ! Jim arrive, aide-moi à l’enlever ! panique-t-elle tout à coup en faisant demi-tour pour retourner dans la cabine d’essayage.

Je la suis sans vraiment comprendre. Pourquoi Jim vient-il à l’essayage de nos robes ? Ma mère doit voir mon interrogation dans le miroir alors que j’enlève un à un les boutons dans son dos car elle répond à ma question sans même que je n’aie à la poser à haute voix.

— Je leur ai demandé de nous donner leur avis pour les robes des demoiselles d’honneur.

— Ah… D’accord. J’espère que tu ne comptes pas nous affubler de froufrous ou de couleurs flashy. Attends… Leur ? Y a qui avec Jim ? lui demandé-je en sachant déjà la réponse.

— Eh bien, Liam enfin, Chérie, dit-elle en fermant son chemisier avant de me sourire. Je suis contente que ça se passe mieux entre vous, ces derniers jours. Merci, Sarah, c’est important pour moi.

Je ne réponds pas et acquiesce. C’est quand même beaucoup plus vivable, même si je sens bien que Liam n’a pas trop apprécié que je lui dise non. Tu m’étonnes, je ne doute pas qu’il ait toutes les nanas qu’il veut… Et si c’est moi qu’il veut, quand bien même j’en ai plus qu’envie, l’idée est trop bancale pour que je plonge. Il veut du cul, moi je suis déjà attachée. Comment je fais pour ne pas tomber définitivement amoureuse de lui ?

Lorsque nous sortons de la cabine, Liam et Jim sont installés avec Jude sur le canapé, et le frère et la sœur sont en pleine séance de chatouilles. Ils me font clairement regretter de ne pas avoir eu moi-même un ou une complice en grandissant.

— Bon, j’ai sélectionné quatre robes pour les demoiselles d’honneur, dit ma mère en allant saluer Jim d’un baiser. Vous êtes prêts ?

— Oui, lui répond son amoureux. Qui va les porter pour nous les montrer ? Cette charmante Nancy ou la jolie Sarah ?

— Eh bien, sans vouloir vexer Nancy, j’ai demandé une robe pour chacune des filles pour être sûre que ça aille à la fois à nos petites jeunes et à elle. Je ne voudrais pas que l’une de vous se sente mal à l’aise. Donc tout le monde passe en cabine.

Youpi. Devant Liam. Soit j’ai l’air ridicule parce que ma mère a choisi des trucs horribles, soit il m’ignore et je vais mal le prendre. En effet, je ne sais pas ce que je veux.

Je me retrouve rapidement dans l’une des cabines, devant une robe d’un bleu foncé plutôt joli. Elle est longue, droite et relativement classique, j’ai peur de ressembler à un sac là-dedans. Et effectivement, le résultat ne me plaît pas du tout. La taille et le décolleté ne sont pas marqués, la longueur n’est pas terrible et je ne suis pas fan du rendu. D’ailleurs, Nancy et moi nous regardons en sortant et je suis soulagée de voir qu’elle semble du même avis que moi. Judith est déjà en train de faire voler sa robe en tournant comme une folle au beau milieu de la pièce, et je lance un regard suppliant à ma mère.

— Alors ? On est d’accord que… Bof, non ?

— Non ? Mais on n’a même pas demandé aux hommes ce qu’ils en pensaient ? me répond ma mère, surprise de ma réaction.

— Parce que tu crois qu’ils vont mieux savoir que nous ? ris-je. Enfin, Maman… Mais, si tu veux. Votre avis, messieurs ? Et attention à ce que vous dites, hein !

— Disons que les modèles sont jolies, mais que la robe ne les met pas en valeur, dit Jim diplomatiquement.

— On dirait des sacs à patates, confirme Liam de manière moins poétique.

— Je ne te remercie pas pour le compliment, mais merci du soutien, souris-je. Tu vois, Maman… Vraiment, je ne pense pas que ça convienne à nos morphologies. Ton verdict ?

— Bien, essayez la suivante, alors. Elles sont plus courtes, je suis sûre que ces messieurs vont apprécier.

Elle accompagne déjà Jude dans sa cabine pour l’aider à se changer, et j’attrape la mienne après m’être déshabillée. Elle est plus jolie, mais je doute que Jude aime vraiment le bustier. C’est chiant, ces trucs-là, si ce n’est pas bien ajusté, tu passes ta soirée à tirer dessus pour éviter d’avoir les roploplos qui font une fugue. Clairement, ceux de Becca ne passeraient pas dans celle que j’enfile.

Nancy semble plus contente de cette robe, mais Jude se regarde dans le miroir avec insistance.

— Alors ? Plus des sacs à patates, c’est déjà ça, non ?

— Ah non, là, c’est clair, on voit bien le monde au balcon, s’exclame Liam, le regard vissé sur ma poitrine. Moi, je vote pour ! s’enthousiasme-t-il.

— C’est vrai que ça vous fait de jolis décolletés, mais vous ne pourrez jamais danser avec ça. On dirait que vous portez des corsets, rit Jim. Je vote pour sauf si ce n’est pas confortable pour vous.

— La robe, elle est nulle, elle vole pas, intervient Jude qui essaie de tourner sur elle-même.

Bingo. Si Jude ne veut pas de cette robe, ma mère n’ira pas à son encontre. Non, sérieusement, qui peut refuser quoi que ce soit à cette gosse ?

— Allez, robe suivante, les filles ! m’enthousiasmé-je en faisant déjà demi-tour alors que je sens le regard de Liam sur moi.

Je suis bien contente de l’enlever, ça me compressait les miches, ce truc. La troisième est jolie, elle me plaît bien, et j’avoue qu’une fois enfilée, je suis plus que satisfaite. Il n’y a que la couleur rose qui me sort par les yeux. J’ai peur de ressembler à une barbe à papa, d’autant plus qu’elle est plutôt bouffante. Le décolleté est avantageux, mais mes seins ne risquent pas de s’en échapper. Le point négatif, c’est qu’elle ne tourne pas non plus, celle-là, et Jude risque de poser un nouveau veto.

— Alors ? demande ma mère aux hommes de la maison à peine sommes-nous sorties des cabines.

— Confortables et sexys, ça me semble être pas mal, énonce Jim tranquillement. Par contre, tu es sûre pour le rose bonbon ?

— Oui, ça fait un peu chamallow, se moque gentiment Liam. Mais un chamallow, ça se dévore, non ? Je ne suis donc pas contre non plus !

— Finalement, vous n’avez pas mauvais goût, pour des mecs, ris-je. Désolée, Maman, mais je ne suis pas fan du rose… Tu en penses quoi, toi ? Tu es sûre de vouloir te marier avec des chamallows autour de toi ou… des barbes à papa ?

— Oui, non, effectivement, soupire ma mère, dépitée. J’espère que la dernière va vous plaire, sinon on est parties pour une autre séance d’essayages.

— Pitié, je déteste jouer les mannequins, geint Nancy tout bas, une fois que nous sommes dans les cabines.

— Je t’ai entendue, Nancy !

Oups. Nous gloussons toutes les deux en entendant l’air sérieux et contrarié de ma mère. Lorsque je sors de la cabine, les filles sont déjà au beau milieu de la pièce et l’air de Liam en me voyant me donne un coup de chaud immédiat. Elle est super belle, cette robe, dans le genre un peu vintage. Comme celle de ma mère, elle arrive au niveau du genou et la jupe est évasée. Le haut est un décolleté en V et les manches courtes tombent sur les bras, laissant nos épaules et nos dos dénudés. La taille est bien marquée et la couleur bleu clair est discrète. Elle est vraiment jolie et toute simple, et Jude semble convaincue parce qu’elle tournoie devant Nancy et moi, tout sourire.

— Elle est vraiment jolie, celle-ci, Maman. Et puis, on est sur le même style que ta robe de mariée, en plus simple, enfin… J’aime bien, moi. Elle te va super bien, Nancy. Et Jude, t’es trop belle, une vraie princesse !

— Je valide, s’exclame Jim en prenant Jude dans ses bras et en la faisant tournoyer dans les airs.

Liam se lève à son tour et pose ses mains sur mes hanches, l’air de rien. Puis il me soulève un petit peu et s’écrie :

— Je valide aussi ! Mais ça ne tourne pas trop, ici ! conclut-il en éclatant de rire avant de me reposer doucement et de chuchoter à mon oreille. Ça te va bien, Sweetie.

— Tout me va, murmuré-je avant de rire, c’est le bonheur d’être une princesse. Merci. Maman, c’est bon pour toi ?

— Si ces messieurs sont conquis, et que ça vous va, pourquoi pas. Tu en penses quoi, Nancy ?

— Que je ne pensais pas faire demoiselle d’honneur à mon âge dans une si jolie robe ! Vendu pour moi ! Je sens que je vais enfin séduire tous les beaux mâles célibataires du mariage ! rit-elle.

Parfait, c’est l’unanimité. Au moins, pas besoin de se coltiner une nouvelle séance d’essayages. Enfin, j’espère bien avoir l’occasion de donner mon avis sur la tenue que portera Liam. J’ai un nouveau coup de chaud rien que de l’imaginer en costume. Sexy, torride, excitant et tellement désirable déjà d’ordinaire, j’ai bien peur de me liquéfier sur place en le découvrant en habits de fête. Oui, je suis une vraie groupie. Une groupie qui réfléchit sérieusement à son idée stupide qui m’apporterait sans doute beaucoup de peine, mais assurément beaucoup de plaisir avant. Lâcher prise ? Je ne sais pas si j’en suis capable, même si j’en ai très envie. On vient quand même de choisir la robe de mariée de ma mère. Dans le genre piqûre de rappel, on peut difficilement faire pire.

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