53. Attention, elle mord

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Liam

Je me réveille et récupère mon téléphone, comme tous les matins. C’est nul, mais c’est la première chose que je fais, comme si ma vie en dépendait. Et pour une fois, j’ai une notification qui attire mon intérêt. J’ai reçu un message de Becca dont je n’avais plus de nouvelles depuis la soirée du match de basket où j’ai calmé Ryan. En y repensant, mon sang bouillonne à nouveau et je me dis que j’ai été trop gentil avec lui en ne lui cassant pas sa belle gueule ou en ne le dénonçant pas au coach.

— Bonjour Liam. J’ai beaucoup réfléchi à ce que tu m’as dit, l’autre soir. Je crois que j’ai enfin compris le message. Tu peux donner mon numéro à Abdul ? Peut-être que lui saura profiter du cadeau dont tu ne sembles pas vouloir ?

Le cadeau ? Quel cadeau ? C’est elle, le cadeau ? N’importe quoi, pensé-je. Si elle croit que c’est ce qui va déclencher ma jalousie, elle se trompe totalement. Elle ne m’intéresse pas, Becca. C’est bête, mais c’est comme ça.

— Bonjour. Tiens, voici le contact d’Abdul. Lui, ça fait longtemps qu’il a ton numéro, mais il n’ose pas. Fais lui tous les cadeaux que tu veux !

Je me lève et ne prends pas la peine d’enfiler un tee-shirt afin de prévenir immédiatement son amie de la bonne nouvelle. Je frappe à la porte de la chambre de Sarah, mais personne ne me répond dans un premier temps. Je toque alors plus fort avant que sa petite voix ne me réponde, irritée, j’ai l’impression. Peut-être que j’aurais mieux fait de ne pas la réveiller.

— Quoi ? C’est samedi, pas possible de dormir ici ?

— Sarah, je peux entrer ? J’ai une bonne nouvelle pour toi, annoncé-je en entrouvrant légèrement la porte.

— Oui, soupire-t-elle en remontant la couette sur elle. Qu’est-ce qu’il y a de si bon pour que tu te lèves de si bonne humeur ?

Je pousse la porte et pénètre dans sa chambre, tout doucement. Sarah est enfouie et dissimulée à ma vue. Moi qui pensais me rincer un peu l'œil, je me retrouve sans rien à me mettre sous la dent.

— Je viens d’avoir Becca par message. J’ai l’impression qu’elle abandonne sa poursuite de ma personne et s’est fait une raison. C’est pas super, ça ?

— Super, marmonne-t-elle. T’as pas mieux comme bonne nouvelle ? Franchement, j’espérais autre chose qu’un truc en lien avec ta vie sexuelle déjà souvent mise sur le tapis…

— Tu voudrais quoi comme bonne nouvelle ? Tu n’es pas contente pour ton amie qui dit qu’elle est en train de tourner la page ? Cela veut dire qu’elle va aller mieux, c’est super, non ?

— Magnifique, oui. Tu veux autre chose ?

— Tu veux que je vienne te faire un petit bisou pour t’aider à te réveiller ? demandé-je, taquin, en m’approchant de son lit.

— Non, je veux juste que tu sortes de ma chambre et que tu me foutes la paix aujourd’hui, marmonne-t-elle en me tournant le dos.

— Euh… Tu es sûre que ça va ? Je croyais qu’on s’était dit qu’on ne se disputerait plus ?

— Putain, t’es sourd ou quoi ? Je t’ai demandé de me foutre la paix ! s’emballe-t-elle en me balançant son oreiller. Je m’en fous que Becca se soit fait une raison, tu peux bien la tringler si ça te branche ! T’es plus à une près, de toute façon, vu que tu ne penses qu’à ça !

Je ramasse l’oreiller tombé par terre et lui ramène, sans un mot, en me demandant si je ne devrais pas la tringler elle pour qu’elle se calme un peu. De la voir s’énerver comme ça contre moi, c’est bizarre, mais ça m’excite un peu.

— Tu sais bien que je n’étais pas vierge avant de te connaître, Sweetie, mais je tiens ma part du Deal depuis qu’on l’a passé. Tu veux vraiment que j’aille soulager mes envies dans les bras d’une autre ?

— Ça de plus ou ça de moins, je m’en fous, la journée est déjà merdique. Et elle empire à mesure que tu n’en fais qu’à ta tête. Sors d’ici, je t’ai dit ! Va vivre ta petite vie tranquille bien loin de moi et surtout fous-moi la paix, Liam !

Elle me fait quoi, là ? Pourquoi elle me parle comme à un chien ? Elle a rêvé que je baisais sa mère ou quoi ?

— Ouais, je sors, mais franchement, j’ai horreur qu’on me traite pire qu’un chien. Je ne suis pas ton larbin parce que je suis noir ou que je suis pauvre, alors tu me traites avec respect, s’il te plaît, lancé-je avant de sortir de la pièce, furax.

Je claque sa porte derrière moi et retourne me réfugier dans ma chambre. Je ne comprends pas du tout son attitude alors qu’elle même a poussé à plusieurs reprises sa meilleure amie à contacter mon coéquipier. Elle a peut-être ses règles ? Mais ce serait bien la première fois que ça la rend aussi irritable et désagréable.

Pour me calmer, je vais faire quelques longueurs dans la piscine chauffée, un vrai luxe en cette saison. Quand je sors, je m’essuie rapidement pour ne pas attraper un coup de froid et rejoins le reste de la famille dans la cuisine. Sarah s’est levée mais donne toujours l’impression de faire la tête. Je souris à Jude qui se sert en céréales avant de m’installer à ma place habituelle, à côté de la jeune femme qui se refuse toujours à sourire.

— Ça va mieux ? lui demandé-je néanmoins, histoire de renouer le contact.

— Non. Tu veux un dessin ? Pas aujourd’hui, Liam, c’est tout, grogne-t-elle presque.

— Pourquoi pas aujourd’hui ? C’est l’approche d’Halloween qui te met dans cet état ? Tu as peur que je vienne te demander un bisou ou la vie ?

— T’es débile ou tu le fais exprès ? Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans « pas aujourd’hui » au juste ?

— Sarah, s’il te plaît, la réprimande gentiment sa mère.

— Rien, le débile que je suis ne peut en effet rien comprendre à ton énervement et tes attaques. Désolé de te faire supporter la présence d’un con comme moi, mais j’habite ici aussi, maintenant.

— Ouais, j’ai bien vu que vous viviez ici, merci pour l’information. Sacré scoop ! Autre chose ou tu me fous enfin la paix ?

— J’ai un autre scoop pour toi. Vu comment tu me parles, je crois que tu peux aller te faire voir pour la séance où on devait réviser ensemble ce matin. J’ai pas envie de passer ma journée avec une petite fille gâtée incapable de gérer sa colère !

— Liam, Sarah est juste…

— C’est bon, Maman, la coupe sa Sarah. La petite fille va se barrer, de toute façon. Je n’ai aucune envie de réviser, et si j’ai envie d’être en colère, je ne vais pas me gêner. Je t’emmerde, Liam, rien à foutre de ce que tu peux penser de moi. Treize heures, Maman ?

— Je… Oui, oui, treize heures, balbutie Vic.

— Parfait. Ne viens pas m’emmerder dans ma chambre et on devrait ne pas s’écharper davantage, continue-t-elle en me lançant un regard que je peine à déchiffrer. Pas aujourd’hui, c’est tout.

Je la regarde partir, en rage et prêt à bondir à nouveau ou à lui répondre, mais Vic pose sa main sur la mienne et me fait un signe de dénégation de la tête, ce qui me calme un peu. Dès qu’elle n’est plus à portée de voix, sa mère se lève et va fermer la porte. J’ai l’impression qu’elle veut vraiment prendre toutes les précautions pour pouvoir me parler tranquillement.

— C’est quoi ce cinéma ? Madame croit qu’elle a le droit de me traiter comme un moins que rien ?

— Je suis désolée, Liam… Ce n’est pas contre toi, tu sais… Elle est juste en colère contre le monde entier aujourd’hui. Ne lui en tiens pas rigueur, s’il te plaît.

— Enfin, ce n’est pas toi qu’elle engueule ! Tu as même eu le droit à un sourire alors que moi, elle m’envoie balader depuis le réveil ! Elle est folle ou quoi ?

— Non, elle est juste malheureuse. C’est… Enfin… C’est l’anniversaire de la mort de William. Pas une journée très joyeuse à la maison, soupire-t-elle en détournant le regard.

— Ah bon ? Et pourquoi elle ne m’a rien dit plutôt que de m’aboyer dessus ? Elle pense que je ne serais pas en capacité de comprendre, si elle m’en parlait tout simplement ?

— Tu commences à la connaître, non ? Tu la penses vraiment du genre à s’épancher ? Sarah garde tout pour elle, c’est sans doute… Ce qui l’a poussée à la dépression, j’imagine. Bref, vraiment, je t’en prie, ne tiens pas compte de cette journée, oublie et évite-la. Ça ira mieux demain, d’accord ?

— Tu crois vraiment que je ne peux rien faire pour la détendre un peu ? Lui faire oublier tout ça ? J’en sais rien, moi, créer d’autres souvenirs pour compenser un peu les moins bons ?

— Tu es un bon garçon, Liam, sourit Victoria en serrant ma main dans la sienne. Nous allons au cimetière tout à l’heure, mais… Sarah passe la journée dans sa chambre, en général. Je ne sais pas si tu pourras y faire quoi que ce soit.

— Elle vient avec toi au cimetière ? demandé-je alors que mon cerveau commence déjà à carburer.

— On y va toutes les deux, oui. Tous les ans… Pourquoi ?

— Non, rien, je vais m’organiser. Je ne peux pas la laisser comme ça, quand même.

— Peut-être que tu devrais au contraire la laisser organiser sa journée comme elle l’entend, Fils, intervient mon père. C’est difficile à gérer pour Sarah, elle fait comme elle peut.

— Oui, Daddy, tu as sûrement raison.

Je n’ai pas envie d’argumenter avec eux. Ils ont l’air convaincus qu’il faut la laisser pleurnicher et se lamenter toute seule dans son coin. Qu’il ne faut pas l’empêcher de ruminer le décès de son père. C’est vrai qu’elle n’y met pas du sien et qu’elle construit à chaque réplique un mur aussi haut que l’Empire State Building, mais si on la laisse faire, il va lui falloir des mois pour se remettre de ce triste anniversaire. Et ça, je ne peux le permettre.

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