Liam

La matinée a finalement été délicieuse après la soirée et la nuit horribles que nous avons connues et j’en suis ravi. Non seulement parce que l’atmosphère entre Sarah et moi s’est réchauffée, mais aussi parce qu’elle a retrouvé le sourire. Qui aurait cru que la joie d’une femme m’apporterait tant de bonheur ?

— Ça te dit d’aller au restaurant dont tu parlais hier pour manger ce midi ? Comme ça on sera sur place pour la location de bâteau ? lui demandé-je en m’habillant à ses côtés.

— Oui, si tu veux, on peut faire ça. Si ça te convient vraiment, me dit-elle en me lançant un petit sourire presque timide.

— Bien sûr que ça me convient, c’est toi qui paies, m’amusé-je à dire pour lui faire comprendre que pour moi, la crise est derrière nous.

— Très bien, alors restaurant, Capitaine. Je finis de me préparer, donne-moi cinq minutes et c’est bon pour moi.

Je m’installe sur le lit et la regarde se préparer devant moi. Tout semble tellement naturel entre nous deux, ça aurait été dommage que l’on ne se réconcilie pas. Et puis, je me sens soulagé d’un poids maintenant que je lui ai parlé de ma relation compliquée avec ma mère. Et encore, je ne lui ai pas tout dit… Peut-être qu’un jour, elle connaîtra les autres détails sur ma génitrice et ce n’est pas beau à voir. Pour l’instant, je me contente de l’observer et profiter de la vue qu’elle m’offre en se maquillant devant le miroir, en enfilant ses leggings sous la robe confortable qu’elle a revêtue, sans oublier tous ces petits moments où elle vient déposer de tendres bisous sur mes lèvres. C’est un peu comme une drogue dont chaque petite dose vient renforcer l’addiction.

Je prends le volant et nous amène à la ville voisine où le restaurant qui nous a causé tant de difficultés se révèle être un petit bar sympathique avec un menu très simple, une cuisine faite maison qui se base sur le poisson pêché par le patron dans le lac. A la fin du délicieux repas, celui-ci entre dans la salle pour saluer les clients et savoir s’ils ont apprécié ce qui leur a été servi.

— Bonjour, les amoureux ! Vu vos assiettes vides, je pense que vous avez aimé, n’est-ce pas ? A votre âge, on est gourmand et on profite de la vie, vous avez l’air d’avoir un bel appétit ! Vous êtes ici pour un petit weekend en amoureux ?

J’aime bien que ça se voie tant que ça que nous nous entendons bien, par contre, le terme “amoureux” me met un peu mal à l’aise. Peut-on vraiment l’être quand on est frère et sœur en devenir ?

— C’était délicieux, votre poisson était excellent ! Et oui, on est en weekend et on va profiter du lac.

— Ah oui, vous avez bien raison ! A cette saison, c’est calme, les touristes ne sont pas là et en plus, vous avez de la chance pour le temps, même s’il fait un peu frais. Enfin, je ne doute pas que vous trouviez de quoi vous réchauffer, s’esclaffe-t-il en me mettant une tape dans le dos.

J’ignore sa remarque un peu graveleuse qui semble mettre Sarah plutôt mal à l’aise car je la vois rougir.

— On va aller faire un tour sur le lac cet après-midi, vous savez où on pourrait louer un petit bateau à moteur ?

— Bien sûr ! Allez voir Jack sur le port, le petit magasin à côté de la poissonnerie. C’est mon cousin. Dites-lui que vous venez de ma part, il vous fera un prix d’ami et vous pourrez garder le bateau jusqu’à la nuit tombée, il n’y a rien de mieux, je vous le garantis !

— Super, on pourra voir le coucher de soleil sur le lac, depuis le bateau, sourit Sarah. Merci, Monsieur.

— Eh bien, la demoiselle est non seulement mignonne, mais charmante en plus ! Jeune homme, prenez bien soin de ce petit joyau ! Vous n’en trouverez pas deux comme elle ! Bonne fin de journée, les tourtereaux.

— A vous aussi, lui répond-elle en le regardant s’éloigner. Je psychote ou il est bizarre ?

— Qu’est-ce que tu trouves bizarre ? C’est juste un gars du coin qui a l’air d’être heureux de vivre ici, non ? exprimé-je en l’aidant à enfiler son manteau. Il a raison, j’ai trouvé un trésor et il faut que je le garde et que j’en prenne soin !

— Je ne sais pas… J’étais à deux doigts de lui dire que tu étais mon frère pour le mettre mal à l’aise… C’est vilain, mais ça m’aurait fait rire.

— Et ça n’aurait pas été vrai, Sweetie, ce weekend, on est ici en amoureux, non ?

J’emploie le mot volontairement pour voir sa réaction et je l’observe avec attention alors que nous sortons du restaurant et profitons du soleil qui vient nous réchauffer un peu. Sarah ne me répond pas tout de suite et me jette un regard amusé avant de rire.

— Très drôle, Capitaine. C’est nouveau, ça ?

Ah mince, elle prend ça comme une blague, pas vraiment l’effet que j’attendais, mais il va falloir que je m’en contente.

— Allons faire notre petit tour en bâteau, ma tourterelle, dis-je en citant le restaurateur, ce weekend est fait pour profiter, non ?

Je l’embrasse et nous marchons bras dessus, bras dessous au bord du lac jusqu’au petit port où une vingtaine de bâteaux sont amarrés. J’adore le bruit des vagues sur les coques des navires, les reflets du soleil sur l’eau claire, les petites maisons qui la bordent. Nous pénétrons dans le petit magasin de souvenirs à côté de la poissonnerie où Jack, la copie conforme du restaurateur, nous accueille avec un franc sourire. Avant même que nous ayons pu lui demander quoi que ce soit, il me tend une clé.

— Voici ce que vous êtes venus chercher, jeunes gens ! Je vous emmène au bâteau ? Vous avez déjà conduit ce type d’engin ? nous annonce-t-il, amusé devant notre étonnement. Et ne soyez pas si surpris, mon cousin vient de m’appeler.

Sarah est la première à retrouver la parole et se saisit de la clé, en souriant.

— Oui, on a déjà piloté, merci beaucoup, lui dit-elle en lui tendant sa carte de crédit. Votre cousin a dit qu’on pouvait rentrer une fois le soleil couché ?

“On” a déjà piloté ? Je n’ose rien dire, mais ce sera une première pour moi, même si ça ne doit pas être si difficile que ça. J’aime beaucoup l’assurance de Sarah par contre, je trouve ça vraiment charmant.

— Oui, il y a un système de lumières sur l’avant qui vous aidera à retrouver votre chemin, et puis, vous serez sûrement les seuls sur l’eau ce soir, c’est la saison basse, peu de risque de collision ! Allez, je vous montre le navire.

Avant de sortir, mon regard est attiré par une casquette de capitaine dans la vitrine. Sarah est déjà sortie et le marchand capte ce qui a retenu mon attention.

— Je vous la mets sur la note ? demande-t-il en la sortant et en me la tendant.

J’hésite juste quelques secondes mais hoche la tête pour signifier mon accord et me saisis du chapeau pour le visser sur ma tête avant de sortir et rejoindre Sarah.

— Eh bien, tu n’as jamais aussi bien porté ton surnom, Capitaine, sourit-elle en déposant un baiser sur mes lèvres.

— Ohé, Moussaillon ! Hissez les voiles et souquez ferme ! Ohohoh !

J’imite la voix et le style de Jack Sparrow, ce qui fait éclater de rire la jolie femme qui m’accompagne, pour mon plus grand bonheur. Nous suivons le Jack pas Sparrow du village jusqu’à un joli bateau qui possède un grand mât en son centre avec une petite voile.

— Vous inquiétez pas pour la voile, c’est fait pour faire joli, le moteur fait tout le travail, clame-t-il avant de sauter à bord, rapidement suivi de Sarah avant que je ne fasse de même. Il prend ensuite le temps de nous expliquer ce qu’il faut savoir pour la conduite du bateau avant de rejoindre le ponton.

— Allez, le petit couple, je vous laisse, pas de bêtises, hein ? Il y a de quoi grignoter dans le frigo, servez-vous, ça fait partie du prix de la réservation.

— Nous serons sages comme des images, ne vous inquiétez-pas, indiqué-je alors que Sarah lance déjà le moteur et a pris la barre.

J’admire sa dextérité pour faire sortir le bateau du port et apprécie une fois encore le sourire resplendissant qui illumine son visage. Je viens m’installer derrière elle et pose mes mains sur ses hanches, l’embrasse tendrement dans le cou alors qu’elle tient le volant d’une main assurée. Nous fonçons jusqu’au milieu du lac avant qu’elle ne coupe le moteur, laissant le bâteau dériver au gré des courants et du vent. Elle se retourne et m’enlace avec tendresse.

— Eh bien, je ne te connaissais pas ce talent caché, lui dis-je après avoir profité du long baiser que nous venons d’échanger.

— Que veux-tu, je suis pleine de surprises, Capitaine Sparrow. Si ça, c’est pas le Paradis. Toi, moi, l’eau à perte de vue, personne pour nous juger ou nous réprimander.

— Oui, c’est l’endroit rêvé pour le joli petit couple que nous formons, n’est-ce pas ?

— Un couple, hein ? Remarque, on s’engueule, on part en weekend, on fait des cochonneries… Et tu ne peux pas fuir si je valide le côté couple, sourit-elle, mutine.

— Je n’ai pas du tout envie de fuir, tu sais. Ce serait fou de vouloir m’éloigner de toi parce que non seulement, tu es une femme superbe, mais en plus, tu me rends heureux, Sarah. C’est bien la première fois que je ressens ça, mais j’aime me perdre dans ton magnifique regard et oublier le reste du monde, même ce splendide lac, expliqué-je en la faisant lentement tourner autour de moi.

— Tu deviens romantique, Sanders, fais attention… Je vais finir par croire que tu es amoureux.

Je stoppe le mouvement que j’avais entamé et ne lâche pas ses prunelles des yeux avant de lui répondre, dans un murmure.

— Je vais finir par croire aussi que je le suis, Sweetie. Je ne vois pas d’autre explication à comment je me sens quand tu es dans mes bras. C’est… Magique.

— Eh bien, je dois être une sorcière très douée, alors, me dit-elle après un moment à m’observer en silence. Je ne m’attendais pas vraiment à ça, j’avoue…

— Tu t’attendais à quoi ? A ce que je te fasse l’amour dans la cabine du bateau ? Parce que j’en ai très envie aussi, mais c’est bien d’exprimer ce qu’on ressent, non ? Après ce que je t’ai avoué ce matin, c’est presque facile de te dire ce que j’éprouve pour toi.

— Et dire que je ne vais même pas pouvoir me vanter auprès de toutes les poules que tu as tirées que tu as joué le romantique énamouré avec moi au beau milieu d’un lac, bon sang, dit-elle avant de m’embrasser avec empressement.

Je réponds à son baiser alors qu’elle m’entraîne déjà vers la cabine du navire. Elle m’enlève tous mes habits avant de me remettre la casquette du capitaine sur la tête et se met à nu devant moi, assis sur le petit banc où le Capitaine peut se reposer. Ou, comme c’est mon cas désormais, se faire chevaucher par une sirène dont le chant et les gémissements ne peuvent que me charmer. Je ne m’attendais pas à ça non plus, je l’avoue, mais je profite de l’instant sans me poser de questions. Bien que ce soit moi qui porte la casquette, c’est bien elle qui a le contrôle de la situation, elle qui m’enfile le préservatif, elle qui vient s’empaler sur moi, elle qui choisit le rythme, elle qui ne se préoccupe que de son plaisir, ce que je trouve follement excitant. Notre jouissance est fulgurante, encore renforcée par ce que je lui ai exprimé, aussi explicitement que ma réserve sur ce sujet le permet.

Après nous être rhabillés, elle me laisse le contrôle du bâteau que je fais voyager autour du lac pendant qu’elle se prélasse au soleil, allongée sur le ponton devant moi. J’ai l’impression que je ne pourrais pas être plus heureux et la journée passe dans une incroyable félicité, au milieu des oiseaux qui nous survolent, des poissons que l’on aperçoit nager près du bateau, du soleil qui nous inonde de sa douce chaleur.

Quand il commence à disparaître derrière la colline de l’autre côté du lac, nous avons stoppé le moteur et nous sommes enlacés sur le ponton. Mes jambes allongées le long des siennes, son dos contre mon torse, nous regardons le ciel se parer de teintes orangées toutes plus sublimes les unes que les autres. Le spectacle est magnifique et féérique. Le silence qui règne donne un caractère presque religieux à ce moment hors du temps. La nuit tombe vite à cette période de l’année et les premières étoiles ne tardent pas à apparaître dans les ténèbres naissantes. Quand je la sens frissonner dans mes bras, je romps enfin le silence pour prononcer ces mots que je ne me pensais pas capable de ressentir.

— Je t’aime, Sweetie.