78. Devine qui vient dîner ce soir ?
Sarah
Je frappe à la porte de la chambre de Liam, pas très à l’aise, et entre lorsqu’il m’y invite. Je l’ai jouée super sage, je porte une robe longue, avec un col arrondi très raisonnable. Rien qui puisse l’agacer, je crois, je n’ai pas envie de fissurer l’équilibre déjà bancal sur lequel nous sommes depuis que je lui ai parlé de ma folle idée.
— Je vais y aller, lui dis-je en refermant la porte derrière moi. Je ne pense pas rentrer tard… Je peux venir te rejoindre ici ?
— Eh bien, toujours aussi belle ! Je ne connaissais pas cette robe, elle est jolie. Et j’espère bien que tu ne vas pas rentrer tard, sinon je viens te chercher ! Gare à toi si tu es dans son lit ! dit-il sans vraiment sourire.
— Ce n’est absolument pas au programme et tu le sais, Liam… Arrête, je t’en prie.
J’essaie de parler avec douceur, mais je suis plus dépitée qu’autre chose. Je ne comprends pas comment il peut me faire aussi peu confiance. C’est lui qui a une réputation de queutard, après tout.
— Oui, je sais, Sweetie, c’est juste que c’est compliqué pour moi de te voir t’afficher avec un autre. Et après ces deux soirées, il va continuer à venir, tu crois ? Vous allez faire semblant combien de temps ? s’inquiète-t-il.
— Je pense qu’on va vite se séparer. Ça ne colle pas entre nous, tu sais. Il me pique ma chantilly, quand même, tenté-je de détendre l’atmosphère en allant m’asseoir en amazone sur ses genoux alors qu’il est installé à son bureau.
Je l’embrasse au coin des lèvres et glisse mes bras autour de son cou tandis que ses mains se posent sur moi, à la recherche d’une peau qu’il ne trouve pas.
— Je note alors, ne jamais te piquer ta chantilly ! Sinon, ce sera la guerre, rigole-t-il en caressant mes seins à travers le tissu.
— Arrête, espèce de pervers, ris-je en repoussant ses mains. On se voit dans quelques heures, beau basketteur.
Je l’embrasse tendrement et m’échappe de ses bras pour me lever tandis qu’il tente de me retenir, mais je parviens à sortir de la chambre après lui avoir envoyé un dernier baiser. Je vais déposer un rapide bisou sur la joue de Judith, qui me fait promettre de passer lui en faire un autre lorsque je rentre, et je descends les escaliers rapidement. J’espérais éviter ma mère, mais c’est manqué, elle se plante devant moi alors que j’enfile mon manteau.
— Oui, Maman ?
— Tu fais attention à toi, hein ? Si ça finit tard, n’hésite pas à passer la nuit avec lui, là-bas, en sécurité.
— Promis, Maman. Mais je doute que ça se termine tard. Arrête de t’inquiéter pour moi, je ne risque rien, enfin, souris-je en l’embrassant.
Par contre, tu rêves pour que je dorme là-bas, ma petite Mamounette. Avec le beau gosse qui m’attend ici, hors de question que je crèche chez mon meilleur ami.
— Allez, à demain !
Je me dépêche de sortir de la maison et monte en voiture pour prendre la route qui mène au quartier où vivent les parents d’Evan. Ils habitent une petite maison où je venais souvent, plus jeune. Une vieille bâtisse dans un quartier populaire, qui aurait bien besoin de rénovations.
Lorsque la porte s’ouvre sur la mère d’Evan, son sourire de convenance se transforme en un véritable sourire qui me noue le ventre. Mentir à tout le monde ne me plaît pas vraiment. Elle me prend dans ses bras avec chaleur et je me sens d’autant plus mal à l’aise.
— Bonsoir, merci de me recevoir, souris-je en lui tendant un bouquet de fleurs.
— Oh, c’est toi ? Mais c’est normal, voyons ! Depuis qu’Evan nous a dit que sa copine allait venir, j’étais déjà toute contente, tu sais, mais là, maintenant que je sais que c’est toi, c’est encore mieux !
Carol me fait entrer et me débarrasse de mon manteau avant de m’entraîner au salon, où se trouvent son mari, Evan et ses trois frères et sœurs. Je salue tout le monde poliment et hésite une seconde avant d’embrasser rapidement mon soi-disant petit ami rapidement sur la bouche. C’est horrible, j’ai l’impression d’embrasser mon frère, en fait, et je m’assieds à ses côtés sans piper mot, extrêmement mal à l’aise. Je mesure l’état dans lequel il devait être, hier soir, à notre table, et m’en veux d’autant plus de mentir à tout le monde de la sorte.
— Ça sent très bon, Carol, j’ai hâte de goûter aux petits plats que vous nous avez préparés, je meurs de faim.
— Mama fait toujours de bons repas, dit Evan en souriant alors que quelqu’un frappe à la porte.
— On attend quelqu’un ? demande Jeremy, le père de mon meilleur ami sans que personne ne se lève ou n’opine.
La personne à la porte ne se décourage pas et frappe à nouveau, plus fermement, cette fois. Carol soupire et se lève en s’excusant, suivie de près par son mari. Je me penche un peu sur Evan pour regarder qui est à la porte lorsque j’entends une voix que je connais un peu trop bien. Mais qu’est-ce qu’il fout là ?
— T’as invité Liam ? me demande mon meilleur ami, un soupçon de colère dans la voix.
— Mais non, enfin ! Je… Je ne sais pas ce qu’il fiche ici.
Evan se lève et je ne peux m’empêcher de le suivre pour rejoindre l’entrée, où mon amant semble un peu mal à l’aise, pour le coup.
— Qu’est-ce que tu fiches ici ? lui demande Evan tandis que ses parents se tournent vers lui, perdus.
— Ah, mon ami ! Je suis venu te demander la clé USB que je t’ai prêtée pour ta dernière présentation. Tu m’as dit de passer quand je voulais, ment-il le plus sérieusement du monde. Tu peux me la rendre ce soir ? Et mmm, ça sent bon ici. Je vous dérange au milieu du repas ? Je suis désolé… Qu’est-ce que ça me donne faim ces bonnes odeurs, en tous cas !
— Vous êtes un ami d’Evan ? Mais entrez donc, jeune homme, s’enthousiasme sa mère. Vous vous connaissez de la fac, mon Chéri ?
— Heu… Oui, Maman. Je pensais t’avoir déjà rendu ta clé, Liam, marmonne mon meilleur ami en fusillant du regard le basketteur.
— Non, non, souviens-toi, tu étais en train de bécoter Sarah, tu devais le faire dès que tu avais fini de l’embrasser, mais ça a tellement duré que j’ai dû partir avant la fin ! Ah Madame Calby, si vous saviez comme ces deux-là sont inséparables… Et c’est vous qui avez cuisiné ? On dirait les odeurs de Thanksgiving, c’est fou. Moi, cette année, avec l’hospitalisation de ma mère, on s’est contenté de nuggets hier soir. Triste, n’est-ce pas ?
J’ai l’impression qu’il surjoue un peu les choses mais les yeux attendris de Carol me laissent à penser qu’il arrive à rester crédible.
— Eh bien, restez donc dîner avec nous, jeune homme, sourit-elle. Il y en a toujours trop, ici ! Nous fêtons Thanksgiving ce soir, seulement, et comme le veut la tradition, il y a toujours une place en plus !
— Oh vraiment ? Je ne voudrais pas m’imposer non plus, dit mon beau basketteur en ôtant déjà ses chaussures. Evan, tu me le disais, mais là, j’en ai la preuve, ta mère est formidable !
Mon meilleur ami lève les yeux au ciel et ne lui répond pas, préférant attraper ma main et m’entraîner à nouveau au salon. Je ne sais pas à quoi joue Liam, mais je ne comprends pas ce qu’il lui prend. Il a vraiment pensé que s’incruster était une bonne idée ?
Clairement, Jeremy et Carol pensent que oui. Il est presque mieux accueilli que moi, c’est fou. Le charme des Sanders, peut-être. Toujours est-il qu’il a réussi à apitoyer Carol et qu’elle le bichonne. Evan, lui, est vraiment de très mauvaise humeur, maintenant, mais il se garde bien de l’exprimer. Seulement, je le connais bien, et tout son corps crie vengeance. Espérons qu’il se contienne, parce que ça pourrait faire mal, tous les deux.
Si mon basketteur boudait hier, c’est moi qui lui fais la tête, ce soir. Je ne cautionne pas du tout son comportement, ni son manque de confiance en moi, et je ne me gêne pas pour lui lancer des regards agacés dès que mes yeux croisent les siens tandis que nous dînons tous ensemble. L’ambiance est plutôt bonne, même si je sens beaucoup d’électricité dans l’air.
— Evan, est-ce qu’il y a un problème ? lui demande sa mère, le reconnectant à la réalité.
Il se redresse sur sa chaise et sourit poliment à sa mère avant de jeter un œil qui me fait peur à Liam. Après une seconde d’hésitation, il passe son bras derrière moi et le cale sur le dossier de la chaise avant de poser ses lèvres sur ma joue.
— Non, aucun problème, c’est juste que je trouve ma poulette trop belle et qu’il m’est difficile de résister à ses charmes, si tu vois ce que je veux dire. Peut-être qu’on prendra le dessert dans ma chambre ?
— Ta poulette ? se moque Ivi, sa sœur. La pauvre, t’as pas plus ridicule comme petit nom ?
— Ce n’est pas ridicule, si ? demande-t-il en me regardant et en posant une main sur mon genou, juste pour énerver Liam.
— Si, et je te l’ai déjà dit, lui rappelé-je poliment et croisant mes jambes dans l’autre sens pour les éloigner de lui. Je déteste ce surnom ridicule… Je doute que tu apprécierais que je t’appelle mon petit poulet ?
Liam pouffe tout comme les frères d’Evan qui lui, fait la grimace. J’espère que même s’il est un peu fâché, il ne va pas révéler notre secret à tout le monde, parce que là, clairement, ça serait difficile de continuer à faire semblant.
— Liam, on ne va pas te retenir plus longtemps, hein. Je vais te chercher ta clé USB, et tu pourras rentrer chez toi, comme ça, annonce-t-il froidement.
— Parfait, merci mon Pote. Et puisque je rentre, Sarah, tu veux que je te dépose à la maison ou tu restes ici avec Evan, ce soir ?
Je me retrouve un peu conne, là, à ne pas trop savoir quoi faire. Évidemment, j’aimerais beaucoup rentrer avec lui à la maison, mais je ne veux pas non plus blesser Evan. Finalement, mon idée était vraiment pourrie.
— Heu… Je...
— Non, elle reste, m’interrompt Evan. Quel petit ami je ferais si je ne la ramenais pas chez elle ? Par contre, je ne sais pas quand ce sera. Tu préviendras sa mère, s’il te plaît, mon Pote ? conclut-il, souriant, en insistant sur le dernier mot.
— J’ai le droit de donner mon avis à un moment ? ne puis-je m’empêcher d’intervenir. Je suis venue avec ma voiture et je suis une grande fille, je peux rentrer toute seule, les garçons, merci.
— Voilà, c’est réglé, répond Evan. Tu m’attends dehors, Liam ? J’arrive avec la clé et j’ai un truc rapide à voir avec toi.
— Bien, Evan ! Comme tu veux ! répond Liam en se levant. Madame Calby, c’était délicieux, merci pour l’invitation. A bientôt, Sarah ! Au revoir les jeunes !
Tout le monde se lève pour le saluer, et Carol l’accompagne à l’extérieur. Cette soirée a vraiment pris un tournant que je n’imaginais pas. Franchement, cette histoire de petits coqs me donne envie de les étriper, tous les deux. C’est stupide, presque autant que mon idée de base de jouer la comédie avec Evan. Je ne peux m’empêcher de zieuter par la fenêtre alors qu’il a rejoint Liam à l’extérieur, et je me demande bien ce qu’ils peuvent se dire. A quel moment cette situation est-elle partie en live ?
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