Liam

— Le médecin a signé votre bon de sortie, Monsieur Sanders, vous pouvez récupérer vos affaires et nous quitter. Plus de peur que de mal, comme on dit. Je ne vous dis pas à bientôt, en tous cas ici, mais je vous ai laissé mon numéro personnel si vous avez besoin de compagnie prochainement. N’oubliez pas de passer au bureau administratif pour que votre assurance prenne bien en charge les dépenses.

Je regarde l’infirmière qui vient de me sortir ça, devant Sarah bien sûr. C’est vrai qu’elle est pas mal pour son âge, elle a une magnifique poitrine bien opulente, mais elle doit bien avoir dix ans de plus que moi et je n’avais pas remarqué sur les deux jours qu’elle a passés à s’occuper de moi que je l’intéressais. Elle s’approche de moi et me fait un bisou sur la joue avant de chuchoter à mon oreille.

— J’ai toujours rêvé de me faire dominer par un beau black. Appelle-moi et je te promets une nuit de folies.

Sarah me fusille du regard alors que l’infirmière sort en exagérant son déhanché.

— Euh, ne fais pas cette tête-là, Sweetie, je n’y suis pour rien, moi, si elle fantasme sur ma tronche ! Tu sais bien qu’elle n’est pas du tout mon genre !

— Non, je ne sais pas, en fait, vu le nombre de meufs que tu t’es tapées avant moi, je ne sais pas vraiment quel est ton genre, Capitaine…

— Mon genre ? Mais c’est toi, voyons ! Quelle question ! Allez, arrête de bouder, déchire le numéro de cette nympho et allons régler les dettes à l’accueil.

— Déchire-le toi-même, si vraiment elle ne t’intéresse pas, me dit-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

Je repose mon sac comme s’il pesait des tonnes, souris et prends le morceau de papier que je roule en boule et jette dans la poubelle en mimant le geste d’un lancer franc.

— Trois points ! Et le droit d’avoir un bisou, non ?

— Je ne sais pas si tu mérites un bisou, tu m’as trop fichu la trouille, tu mérites surtout que je t’étripe, ouais, dit-elle en venant déposer un baiser sur ma joue malgré tout.

— Je suis solide, dur comme le bois, indiqué-je en montrant mon entrejambe alors qu’elle lève les yeux au ciel et me précède pour sortir de la chambre.

Nous nous rendons à l’accueil où un agent administratif me demande mon numéro de sécurité sociale. Je lui fournis et il m’indique que c’est bon, tout est réglé.

— Ce n’est pas possible, mon assurance ne prend pas en charge toutes les dépenses, m’inquiété-je. Ils vont m’envoyer la facture à la maison ?

— Non, Monsieur, votre compte est à zéro, regardez.

Il me montre son écran et je constate qu’en effet, toutes les factures ont été payées, même celle pour le scanner dont le montant est affolant.

— Mais, comment est-ce possible ?

— C’est la jeune femme qui est à l’entrée du bâtiment qui est venue payer hier.

Je me retourne et constate qu’il désigne Sarah du doigt. Je n’en reviens pas qu’elle ait pris la liberté de tout payer pour moi, sans même m’en parler ou me demander mon avis. Je la rejoins et fais comme si de rien n’était jusqu’à ce qu’on monte dans sa voiture.

— Tu as payé toute ma facture à l’hôpital ? Tu croyais que je n’allais pas pouvoir payer ou quoi ? l’attaqué-je en essayant de me contenir et de parler calmement.

— Bon dieu, il ne pouvait pas la boucler, lui ? bougonne-t-elle en démarrant. Attache-toi au lieu de ronchonner. Je voulais juste te rendre service.

— Tu sais bien que je n’aime pas quand on me fait la charité, Sarah. Comme si je n’étais pas en capacité de me gérer et de payer mes dettes. C’est ça l’image que tu as de moi ?

— Tu as vu le prix du scanner, sérieusement ? Tu n’auras qu’à me rembourser si ça te fait plaisir, soupire Sarah en se penchant sur moi pour attraper ma ceinture et la boucler elle-même. Et arrête avec cette connerie de charité, c’est ça, l’image que tu as de moi ?

Touché. Encore une fois, je m’emporte pour une histoire d’argent avec elle alors que je devrais avoir appris que c’est un sujet sensible entre nous. Elle a l’air d’avoir vraiment envie de m’aider et elle a raison sur un point, le montant à cinq chiffres pour le scanner fait mal à voir.

— Te rembourser ? Ça va être compliqué, ça, soupiré-je en me renfonçant dans mon siège. Déjà qu’il va falloir que je continue à payer le Mexicain, je ne suis pas là d’avoir près de onze mille dollars de côté pour te payer ce que je te dois.

— Payer le Mexicain ? Mais pourquoi ? Ton père avait plus de dettes que prévu ?

Je réalise alors que je n’ai parlé de l’incident de la mi-temps du match à personne, même pas à elle. Je m’en veux d’avoir lâché ça comme ça.

— Non, ne t’inquiète pas, tu as déjà fait assez pour moi. Je ne sais pas comment je vais faire, mais je te rembourserai tout cet argent que tu as avancé pour moi, c’est tout. C’est comme ça que je me sentirai mieux.

— Tu sais que tu n’es pas obligé, hein ? Enfin… Je comprends que tu veuilles me rembourser, mais… Je m’en fous, moi. Donc, c’est quoi cette histoire avec le Mexicain ?

J’hésite un instant à me confier à elle car cela risque de l’inquiéter et de la faire paniquer. Elle me jette quelques brefs coups d’œil en conduisant, mais respecte mon silence et ma réflexion. Je ne sais pas quoi faire mais je me dis qu’elle a le droit de savoir. En plus, j’ai besoin de conseils, et à qui d’autre qu’elle pourrais-je me confier ?

— Un de ses lieutenants est venu me voir pendant le match. Il me réclame des intérêts et des frais chaque mois pour éviter qu’un malheur n’arrive à ma famille… Dont tu fais partie. Je crois qu’il a senti que vous aviez de l’argent et qu’il veut en profiter.

— Oh… Et tu n’as pas peur qu’il t’en demande de plus en plus ? Tu peux assurer les paiements, là ? Et… Enfin, y a pas moyen d’arrêter ça ? Tu ne vas jamais t’en sortir, s’il a senti le filon…

— Non, je ne peux pas assurer les paiements, Sarah. Il me réclame mille dollars par mois ! Tu te rends compte ? Qu’est-ce que j’en veux à mon père d’avoir contracté une dette envers ce fou ! Je ne sais pas quoi faire, j’avoue. J’ai joué au dur, j’ai dit que je ne paierai pas, mais franchement, il me fait un peu flipper.

— Et… Tu ne peux pas aller voir les flics ?

— Tu es bien naïve, les derniers qui ont fait ça, on ne les a jamais retrouvés. Ce gars est un vrai danger, je… Je vais essayer de le rencontrer, je crois, c’est le seul moyen d’arrêter cette spirale. Quand il comprendra que c’est moi qui paie toutes les dettes, ça devrait le calmer, non ?

— Tu devrais surtout en parler à ton père et lui dire de se démerder, ouais. C’est lui qui a merdé, qu’il assume ! Je crois que tu as déjà fait largement ta part, non ?

Elle n’a pas tout à fait tort, mais je ne me vois pas faire ça à mon père. Ce n’est vraiment pas le moment, et lui, serait vraiment en danger avec le mariage qui arrive.

— Je ne peux pas, Sweetie. Tu imagines si le Mexicain apprend que Daddy s’est marié avec ta mère et qu’il est riche ? Jamais il ne le laissera tranquille, et là, clairement, il a autre chose à faire que de s’occuper de ce problème. Bref, je vais trouver une solution, arrête de te préoccuper de ça, je n’aurais jamais dû t'en parler.

— Non mais tu déconnes, Liam ? me demande-t-elle en freinant un peu brusquement devant la maison avant de débiter d’une traite la suite de ses interrogations, le regard noir. Tu vas aller jouer les gros bras en rencontrant le Mexicain ? Tu crois vraiment que ça va changer quelque chose ? Et c’est moi qui suis naïve, hein ? Et toi, t’as pas autre chose à faire que de t’occuper de ça ? Genre, je sais pas, un diplôme à obtenir, une carrière à lancer ?

— Daddy a déjà assez souffert comme ça, Sarah. Je vais gérer ce problème. Seul. Que tu sois d’accord ou pas, c’est ma décision et personne ne m’en fera changer. Daddy va se marier et n’entendra jamais parler de ce souci, il sera heureux, c’est tout ce qui compte.

— Tu veux le protéger et c’est tout à ton honneur, mais il y a une faille dans ton plan pourri, Capitaine, et c’est moi. Je n’ai rien contre ton père, mais moi, c’est toi que j’ai envie de protéger. Et s’il faut que j’en parle à ton père pour ça, je n’hésiterai pas, me dit-elle avant de sortir de la voiture.

Je sors à mon tour et la rattrape alors qu’elle s’élance vers la maison. Je l’arrête en tirant sur son bras.

— Attends, Sarah, je ne peux pas te laisser faire ça. Je t’ai dit que j’allais gérer le problème, je vais le faire. Fais-moi confiance ! Déjà que tu paies mes dettes comme si j’étais un gamin incapable de m’assumer, je n’ai pas envie d’être aussi un mec sans couilles incapable d’assumer ses décisions. Promets-moi de ne rien dire pour le moment à qui que ce soit. Si je n’y arrive pas, tu pourras en parler. Deal, Sweetie ? l’imploré-je presque.

— Liam… Tu dis que le mec est un danger et tu veux aller le voir, tu n’es ni un gamin incapable de s’assumer, ni un mec sans couilles, mais je peux t’assurer que tu es un imbécile fini. Ton idée est stupide !

— Ouais, eh bien l’imbécile te demande de respecter la confiance qu’il a eue en toi. Ne dis rien à personne, Sarah, c’est mon problème pour l’instant et je vais le gérer. Comme ça, tu n’auras pas à expliquer ces histoires à nos parents.

— Tu abuses, Liam, franchement… C’est une très mauvaise idée, mais puisque tu veux jouer au grand garçon qui sait se débrouiller tout seul, fais ce que tu veux.

— Oui, c’est tout ce que je demande. Tu verras, tout ira bien.

— Si tu le dis, bougonne-t-elle en se libérant de ma prise pour entrer dans la maison.

Je la suis en espérant que je n’ai pas fait une connerie en lui parlant de la nouvelle demande du Mexicain. De toute façon, je ne peux plus revenir en arrière et j’essaie de mettre ça de côté quand j’ai la joie de voir Jude qui déboule dans le hall et se jette dans mes bras.

— Coucou, Petite Princesse. Contente de me revoir ? demandé-je en la faisant tournoyer autour de moi.

— Trop contente ! Tu m’as manqué, Liam !

— Je ne suis parti que deux jours, ma Puce. Tu as été sage, au moins ? Daddy ne t’a pas trop embêtée pendant que j’étais à l’hôpital ?

— Non, mais il lit moins bien les histoires que toi. C’est toi qui me lis l’histoire ce soir, hein ? Avec Sarah ?

— Aucun souci pour moi. Sarah, tu viendras aussi ? lui demandé-je alors que je la vois toujours perdue dans ses pensées.

— Oui, oui, bien sûr que je serai là, sourit-elle en déposant un bisou sur la joue de ma sœur.

— Et voilà, tout roule, Jude. Ce soir, tu n’auras aucune excuse pour ne pas t’endormir vite !

Ça fait du bien de retrouver cette ambiance familiale. Non pas que je considère Sarah comme ma sœur, mais de nous voir vivre tous ensemble, dans la bonne entente et les sourires, cela fait chaud au cœur. Et ça renforce aussi mon envie de préserver cette tranquillité et d’aller voir le Mexicain pour l’éloigner de nous. C’est le seul moyen d’y arriver.