Sarah

J’adore être ici. Ce chalet a un petit goût de paradis. Les montagnes comme paysage, le lac à nos pieds, la vue est juste sublime et je ne m’en lasse pas. La première fois que mon père nous a emmenées ici, ma mère et moi, j’ai su que ce lieu serait mon endroit ressource, celui qui me permettrait de décrocher des ennuis, d’apaiser mes maux en cas de besoin. Nous y avons passé toutes nos vacances, avec ma mère, l’année qui a suivi le décès de mon père. Ski l’hiver, randonnées l’été, j’ai multiplié les balades en pleine nature en essayant de guérir. Vraiment, depuis que j’ai découvert ce lieu, je n’ai jamais pu trouver mieux.

Ce que j’apprécie moins, en revanche, c’est de me réveiller seule dans mon lit. Liam m’a rejointe une fois tout le monde couché, et je l’ai senti se lever au beau milieu de la nuit. Malgré mes interrogations, il n’a pas sorti un mot concernant ses tracas et a préféré détourner mon attention avec un câlin des plus chauds. Pas désagréable, mais je ne suis pas dupe. L’histoire avec le Mexicain lui prend la tête, mais il se renferme plutôt que de vraiment en discuter avec moi. J’avoue que ça me blesse un peu, même si je peux comprendre son besoin de réfléchir.

Je soupire et me lève après avoir profité de la vue un petit moment. Le soleil est au rendez-vous et offre une jolie lumière sur les montagnes tandis que le lac est encore à l’ombre de ces monstres enneigés. Ma mère et Jim doivent être en train d’acheter un sapin et ils ne vont pas tarder à revenir pour que nous le décorions en « famille ». J’en viens à détester ce mot, moi qui suis tellement famille, à la base. Non pas que je ne les considère pas comme des proches, simplement que choisir cette appellation pour nous cinq, c’est nous empêcher, Liam et moi, de vivre ce truc si fort et si intense sur le long terme.

J’enfile un legging et un large pull après être passée à la salle de bain et descends à la cuisine, où je trouve Liam et Judith en train de petit-déjeuner. La petite est d’humeur joviale, comme toujours, et me gratifie d’un beau sourire auquel il manque une dent, tombée pendant que j’étais partie en Floride.

Je dépose un baiser sur la tête de Jude et fais de même à Liam en glissant ma main sur sa nuque avant d’aller me servir un café.

— Salut les Sanders. Bien dormi ? dis-je en m’installant à table avec eux, où ma mère a dû préparer le petit déjeuner avec soin, vu la quantité de nourriture qui s’y trouve.

— Oui ! répond Jude, enthousiaste alors que son frère grommelle un oui dans son bol.

Je fronce les sourcils en jetant un œil à Liam avant de faire une grimace à Jude.

— Tu crois que Liam s’est levé du pied gauche ? murmuré-je suffisamment fort pour qu’il l’entende, mais sur un air de conspiration. Ou alors, il n’aime pas la neige ? Ou les gaufres ? Les gaufres de Vic sont mauvaises ?

— Oh non ! Elles sont trop bonnes ! répond-elle, presque en criant avant de poursuivre, plus bas. Et pour Liam, je crois que c’est parce qu’il est loin de ses copines. Il est plus content à la maison.

— Eh bien, il va falloir que Liam oublie un peu ses copines pour profiter, parce qu’un ours bougon, c’est pas ce qu’on veut, nous. N’est-ce pas, Jude ?

— Non mais ça va, hein ? Je ne suis pas bougon, c’est juste que je n’ai pas super bien dormi. L’air de la montagne, sûrement.

— Sûrement, oui, soupiré-je. Eh bien… Il va falloir sourire un peu plus, sinon, ma mère va vouloir te décoincer, et c’est la pro des chatouilles… Mon pauvre, tu vas galérer si elle te prend en grippe.

Il finit par me sourire alors que sa sœur vient s’asseoir sur ses genoux et lui fait un câlin. Ils sont tellement mignons tous les deux que je viens m’asseoir sur son autre jambe, en poussant un peu Jude.

— Peut-être que c’est nous qui devrions le chatouiller, chuchoté-je à Jude qui n’hésite pas une seconde et commence à torturer son frère.

—Eh ! Mais c’est quoi ça ? rit-il en laissant ses doigts parcourir mon corps délicieusement. Vous exagérez de vous unir à deux contre moi !

— Pauvre petit cœur, pouffé-je en l‘embrassant sur la joue sans repousser sa main qui s’est glissée sous mon pull.

Judith fait pareil que moi et Liam se retrouve pris en sandwich entre nous quand nous entendons la porte d’entrée claquer derrière nous. Un courant d’air frais vient balayer nos corps, et je sens la main de Liam quitter précipitamment ma hanche.

— Eh bien, je vois que l’ambiance est à la fête, ici, sourit ma mère en enlevant sa grosse doudoune.

— Liam s’est levé du pied gauche, rit Jude, alors on a voulu le faire sourire. Oh là là mais il est trop gros ce sapin !

Elle saute des genoux de Liam et se précipite dans le coin de la pièce où Jim à posé l’arbuste, tandis que j’en profite pour me réinstaller sur le banc, sous le regard un peu trop scrutateur de ma mère.

— Bien, on va pouvoir l’installer et décorer, alors, dis-je pour changer de sujet en me levant. Il faut que je retrouve nos CD de chants de Noël.

— Tu ne joues pas ? me demande ma mère.

Je grimace et jette un œil au piano droit près de la cheminée. C’est mon père qui s’amusait à nous jouer des airs de Noël quand on s’installait dans le canapé, un chocolat chaud et un livre à la main.

— J’aime bien t’entendre jouer, intervient Liam, à ma grande surprise. Ça aide à s’échapper un peu du quotidien.

Je soupire et me dirige vers le piano, dont je soulève le couvercle avant de m’installer.

— Je vous préviens, je joue juste le temps que le sapin soit installé, j’ai envie de le décorer avec vous, moi, déjà que je n’ai pas pu décorer celui de la maison.

Ma mère me fait un clin d'œil en commençant à desservir la table tandis que Jim s’affaire à installer le conifère qui va trôner dans la pièce tel le roi de ces vacances. Jude approche et vient s’asseoir sur le petit banc avec moi alors que j’entame Jingle Bells plutôt maladroitement. Je finis par lâcher l’affaire, pas vraiment habituée à ce son, et souris en pensant à mon film de Noël favori. Quitte à jouer du piano, autant mettre un peu d’ambiance, et au moins, celle-ci, je la connais par cœur. Jude commence à chanter à côté de moi, je crois que nous avons les mêmes références cinématographiques, et All I want for Christmas is you résonne pendant un moment dans le chalet, sous le regard amusé de Liam. J’ai même la surprise de découvrir ma mère danser avec Jim dans le coin cuisine. Son sourire me fait chaud au cœur. Je n’aurais jamais pensé qu’après la mort de mon père, elle puisse retrouver cette joie de vivre.

J’enchaîne encore quelques airs alors que Liam s’est installé sur une chaise près du piano. Il reste silencieux et je le vois observer mes doigts sur les touches. J’ai presque envie de me moquer de lui parce qu’il serait plutôt du genre à focaliser sur mon épaule nue, découverte par mon pull trop large, ou la naissance de ma poitrine, mais pour le coup, il semble vraiment concentré sur le ballet de mes mains et les airs qui se suivent.

— C’est bon, vous avez eu votre dose de fausses notes ? leur demandé-je finalement.

— Bravo Sarah ! applaudit Jude en me sautant dessus pour me faire un bisou sur la joue.

— Oui, bravo, répète Jim qui a sorti la boîte de décorations.

— C’est déjà fini ? demande Liam qui semble peiner à sortir de ses pensées.

— Il semblerait. Toutes les bonnes choses ont une fin, Capitaine. Et nous avons un sapin à décorer. On verra plus tard pour le piano.

Je me lève, Jude dans les bras, et attrape la main de Liam pour l’inciter à faire de même. Ou pour retrouver du contact ? Un peu des deux, sans doute. Toujours est-il que nous nous retrouvons finalement devant les cartons de boules et de guirlandes. Jude fouille dedans comme si elle cherchait un trésor tandis que ma mère met en route la chaîne qui diffuse des musiques de Noël sans aucune fausse note. Il est clair que Mariah Carey a une bien plus jolie voix que moi, au passage.

— Ça va ? demandé-je discrètement à Liam alors que nous accrochons quelques boules dans le sapin.

— Oui, je me dis que ce n’est pas possible d’être aussi heureux alors que l’avenir est aussi incertain, c’est tout. Franchement, je suis content d’être ici, avec vous, avec toi… Mais le retour à Chicago va être compliqué, je pense.

— Profite, alors. Ce n’est pas toi qui disais qu’il fallait vivre au jour le jour ? Ou… Panier après panier ? souris-je en m’agrippant à son bras pour me mettre sur la pointe des pieds.

— Oui, c’est vrai, c’est ça qu’il faut faire, surtout quand c’est difficile, me répond-il en m’adressant un sourire plus franc.

Je jette un œil à ma mère, occupée à démêler une guirlande lumineuse avec Jim tandis que Jude s’amuse à décorer ses cheveux avec des plumes qu’elle a dû trouver dans l’une des boîtes.

— Ça, et éventuellement un hammam à deux, murmuré-je, un bain, une balade en montagne… Tu vois ? Si tu trouves une bonne raison pour qu’on ne parte que tous les deux, je crois qu’il y a moyen de profiter. Panier après panier, Capitaine.

— C’est la meilleure stratégie, surtout quand on est un bon basketteur comme moi, répond-il en me soulevant sur son épaule pour me jeter sur le canapé. Panier ! rit-il comme un gamin devant mon regard un peu ahuri.

— Non mais ça va pas la tête ? pouffé-je alors que Jude rigole en approchant.

Ma mère continue son démêlage en nous regardant avec un peu trop de tendresse dans le regard en constatant notre complicité.

— Liam ? C’est au tour de Sarah d’avoir les chatouilles ? demande la petite traîtresse avec sa dent en moins alors que je me redresse sur le canapé.

— Oui ! A l’abordage, Moussaillon ! crie-t-il en me repoussant pour me maintenir les bras, son corps au-dessus du mien dans une position qui m’évoque trop de souvenirs plus chauds les uns que les autres pour me laisser indifférente.

Je me soulève pour tenter de le repousser sans grande conviction, j’en conviens, mais finis par me tortiller sous lui tandis que Jude s’amuse à me chatouiller sous les bras.

— Ça, c’était une très mauvaise idée, Sanders, pouffé-je en jetant un œil qu’il capte en direction de son entrejambe.

— Non, ça, c’est le signe que le moral est revenu, répond-il, taquin, en se frottant contre moi alors que Jude continue de s’attaquer à moi.

— Ça suffit, m’esclaffé-je. Jude, tu devrais plutôt m’aider, non mais ! S’il te plaît ! J’aime pas les chatouilles, moi !

La petite ne s’arrête pas pour autant, mais elle jette un œil à son frère et je prie pour qu’elle retourne sa veste. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est qu’elle change de cible aussi rapidement et commence à chatouiller son frère qui, surpris, perd ses appuis et vient s’écraser sur moi. Le pire, c’est que c’est bien trop agréable pour que je ronchonne, d’autant plus qu’il en profite pour déposer ses lèvres dans mon cou et glisser un bras sous moi, faisant mine de rire de temps en temps pour que Jude ne s’arrête pas trop vite.

— Allez les jeunes, ça suffit maintenant, nous interrompt Jim, qui attrape sa fille en souriant. Le sapin ne va pas se décorer tout seul. Debouts, maintenant !

Liam soupire et s’assied dans le canapé en attrapant un coussin pour cacher son érection, et je ne peux m’empêcher de le titiller en posant ma main haut sur sa cuisse pour me relever.

— Tu ne viens pas décorer avec nous, Capitaine ? me moqué-je en me penchant sous ses yeux pour fouiller dans le carton.

— Je… Je passe aux toilettes et j’arrive, répond-il en essayant de mater discrètement mes fesses.

Je me retiens de rire et le vois se lever dès que tout le monde est bien occupé à sa tâche pour filer dans le couloir. Ces vacances promettent, et j’avoue que je suis ravie de voir qu’il est moins bougon que ce matin. Ne reste plus qu’à bannir le sujet du Mexicain pour éviter de le replonger dans son mutisme, et à l’occuper suffisamment pour qu’il ne s’y perde pas tout seul. Panier après panier. Orgasme après orgasme, aussi ?