134. Le plaisir avant la tempête
Sarah
Je referme la porte derrière moi et n’ai pas le temps de me retourner que je sens son corps se presser dans mon dos. Ses mains glissent le long de mes cuisses et remontent sous ma robe, s’arrêtent à la lisière de mes bas et je le sens sourire contre mon cou.
Je n’ai jamais fait ça, trouver une chambre en soirée chez quelqu’un d’autre pour satisfaire une pulsion, mais l’envie était trop pressante pour attendre de rentrer à la maison. Liam et moi allons fêter les vacances de printemps de la meilleure des manières.
Je savoure toutes les sensations dont il me gratifie. Ses mains chaudes sur ma peau quand il descend le zip de ma robe dans mon dos, son souffle sur ma nuque quand il me couvre de baisers, la fraîcheur qui caresse mon épiderme lorsque mon vêtement tombe à mes chevilles, rapidement remplacée par l’excitation de son corps contre le mien. Je ne contrôle rien, collée contre la porte alors qu’il descend mon sous-vêtement le long de mes jambes, rien non plus quand il emprisonne mes mains au-dessus de ma tête et m’incite à me pencher, et rien de plus lorsque je le sens s’enfoncer lentement en moi. Un petit coup vite fait au beau milieu d’une soirée, le genre de choses qu’il a dû faire des dizaines de fois avec des filles différentes. Quand je pense qu’aujourd’hui, les filles sont remplacées par une seule, moi, je me dis qu’il doit ressentir la même chose que moi lorsque nous faisons l’amour. Cette intensité, cette sensation d’avoir trouvé ma moitié, le Yang de mon Yin, cette complémentarité. Ce sentiment que l’autre me suffit, qu’il est tout ce que j’attendais et désirais.
Nos mouvements sont coordonnés, tels une danse que nous maîtrisons à la perfection, comme si nos corps se parlaient, se comprenaient alors qu’ils s’entraînent l’un l’autre dans un monde de plaisirs comme je n’en ai connus qu’avec lui. Nos gémissements se répondent, le fond de musique qui vient du rez-de-chaussée disparaît pour nous offrir une bulle qui n’appartient qu’à nous. Je suis la première à atteindre les étoiles et, une fois encore, les sensations sont terribles et invitent à renouveler encore et encore ce genre de moments. Liam continue à aller et venir dans mon dos encore quelques secondes avant que je ne sente son corps se presser contre moi et ses derniers coups de reins tandis qu’il se déverse en moi.
Nos bouches se retrouvent avec plaisir et Liam se fait tendre et câlin, comme toujours après l’amour. Un vrai bonheur de partager ces moments avec lui, je ne cesse de me le dire, et je me le dis encore quand nous nous rhabillons en nous jetant des coups d’œil, le sourire aux lèvres.
— Tu veux bien m’aider ? lui demandé-je en me plantant devant le miroir de l’armoire.
Je rassemble mes cheveux sur l’une de mes épaules et sens sa main sur poser sur mon dos nu pour le caresser. J’adore cette petite robe que j’ai achetée avec Bec la semaine dernière. Ma première tenue au rayon femmes enceintes. Elle met en valeur mon ventre et mon décolleté, même si elle est relativement sage par sa longueur et ses manches évasées qui m’arrivent aux poignets. C’est un joli compromis. En cloque, grossissante à vue d’œil mais élégante, avec un poil de sexy.
La main de Liam remonte sur ma nuque et me tire un frisson, d’autant plus qu’il l’accompagne d’un léger baiser dans mon cou avant de finalement faire ce que je lui ai demandé. Il est tellement beau, et tellement élégant dans son jean noir et sa chemise bleue. Et je le trouve encore plus beau lorsqu’il m’enlace et pose ses mains sur mon ventre rebondi. C’est vrai, quoi, on va vraiment bien ensemble, je trouve.
— Finalement, je suis contente d’être venue à cette soirée, souris-je en faisant courir mes doigts sur ses grandes mains. Ça valait le coup.
— C’est vrai que la soirée est tout de suite devenue plus intéressante, là. C’est fou comme un peu de chaleur humaine améliore les choses !
— J’espère que personne n’a grillé qu’on a disparu tous les deux, ça risque d’être difficile à expliquer. Et au final, on se retrouve toujours dans une chambre, c’est dingue.
— Tu veux faire ça où, la prochaine fois ? me demande-t-il dans un sourire. Je suis preneur de toute bonne idée !
— Je ne sais pas, peu m’importe en fait, mais je ne voudrais pas que tu finisses par t’ennuyer et trouver ça rébarbatif.
— Tu rigoles ou quoi ? A chaque fois, c’est le paradis ! Mieux que mettre des paniers à trois points ! rit-il.
Je me retourne entre ses bras et l’attire contre ma bouche, le gratifiant d’un doux baiser.
— Je suis touchée de compter davantage que des paniers à trois points, tu n’imagines même pas, plaisanté-je. Bon, il va peut-être falloir qu’on redescende, non ? Sinon… On sort par la fenêtre et on s’en va ?
— Vas-y, je te rejoins plus tard, discrètement.
J’acquiesce et sors de la chambre après m’être assurée qu’il n’y a personne. Hormis un couple en train de se bécoter dans la chambre d’en face, porte ouverte, rien à signaler, et je peux redescendre tranquillement, même s’il y a du monde dans l’entrée. Je rejoins Evan et Becca, installés sur le rebord d’une fenêtre dans le grand salon, et m’assieds entre eux deux, constatant que ma meilleure amie lance des regards bien chauds à Abdul, occupé à papoter avec certains de ses coéquipiers.
— J’ai râté quelque chose ? J’ai l’impression de passer ma vie à faire pipi, c’est fou. Trop le bonheur d’être en cloque.
— Arrête, tu as l’air de kiffer faire un bébé, me sort Evan d’une voix un peu tremblotante. J’ai l’impression que ça t’excite. Et tu fais des économies de capotes, comme ça, maintenant. Que du bonheur, non ?
— Mieux vaut que je le vive bien. Y a du positif et du négatif, les allers-retours aux toilettes étant l’un des points négatifs. Tu te sens bien ? Tu as bu combien de verres ? lui demandé-je en attrapant son menton pour redresser sa tête. Beaucoup, à mon avis, vu tes yeux…
— Ouais, j’ai compris que jamais tu ne finirais dans mon lit. C’est mortel comme sensation… Je crois que je me le cachais, mais en fait, je pense que j’ai toujours été un peu amoureux de toi. Depuis que tu sors avec le basketteur, c’est mort. C’est moi qui aurais dû te foutre en cloque, balance-t-il alors que Becca lui jette un air étonné.
— Tu sors avec un basketteur, Sarah ? Mais c’est qui ? me demande-t-elle.
— Non, il divague, marmonné-je en jetant un regard noir à Evan avant de me tourner vers Rebecca. Tu devrais aller voir Abdul, non ? Il a l’air aussi chaud que toi, là.
— Toi aussi, tu es chaude avec ton black, gueule Evan. D’ailleurs, quand on parle du loup, il montre sa grande queue ! enchaîne-t-il alors que Liam fait son apparition dans la salle.
J’ai tout le loisir d’observer ma meilleure amie parcourir la pièce du regard, et ses yeux se poser sur mon basketteur alors que ses sourcils se froncent. Evan est totalement ivre et j’espère qu’elle ne va pas prendre ses propos au sérieux. Elle, et tous ceux qui sont près de nous et qui semblent très intéressés par la conversation.
— Ça suffit, Evan, tu dis n’importe quoi, soupiré-je en me levant et en lui attrapant le bras pour qu’il en fasse de même. Viens, on va prendre l’air.
— Mais je t’aime, Sarah ! Tu comprends pas ? Je t’aime et toi tu préfères Liam. C’est n’importe quoi, la vie est mal faite. Alors, non, je ne bouge pas. J’ai tout l’air qu’il me faut ici, continue-t-il de s’exclamer en levant son verre. A votre santé, les amoureux ! Et félicitations pour le bébé ! Ça fera un petit métis couleur caca ! Alors que tu aurais pu avoir un beau gamin avec moi ! Franchement, tu déconnes, Sarah, te salir avec un type comme ça, j’en reviens pas.
Il descend son verre d’une traite et je le regarde faire, stupéfiée par ce qu’il vient de dire. J’ai vraiment des amis en carton, moi. Après Becca qui a balancé pour ma grossesse, voilà qu’Evan crache son venin et trahit ce secret qu’il était le seul à connaître. J’ai l’impression que plus personne ne parle et n’ose bouger, que tous les regards se portent sur Liam et moi, et que la musique recouvre avec peine tous les murmures de ces étudiants qui vont nous critiquer et porter un jugement sur nos actes.
La suite se passe à une vitesse phénoménale, en contradiction totale avec ce silence qui m’a semblé durer une éternité. Liam déboule devant nous et attrape Evan par le col de sa veste pour le plaquer contre le mur avant de lui décocher une droite. Mon meilleur ami tombe au sol, mais le basketteur n’en a pas fini et le maintient allongé en lui passant une soufflante. Je me retrouve bousculée et recule tandis que les coéquipiers de Liam se précipitent pour séparer les deux hommes. Mon amoureux semble ivre de rage et ils peinent à lui faire lâcher sa prise. Tout ceci est trop pour moi, je ne supporte pas cette violence, tout comme je ne supporte pas le regard que Becca me porte. Elle semble choquée par la nouvelle, et j’ai l’impression que ses yeux me lancent mille reproches.
Je ne réfléchis pas et sors du salon, récupère mon manteau sur la rampe de l’escalier et me précipite jusqu’à ma voiture. Je ne pense pas à Liam qui n’a plus de moyen de locomotion pour rentrer, ni à Evan qui doit avoir la mâchoire douloureuse, tout ce qui emplit mon esprit alors que je démarre, ce sont les mots de mon meilleur ami, le fait que tout ça va remonter aux oreilles de ma mère très rapidement, que notre équilibre bancal va se casser la figure à vitesse grand V.
Je n’arrive pas à croire qu’Evan ait lâché ça comme ça, et je me mets à imaginer le genre de réflexions que je vais entendre, maintenant que tout le monde va être au courant. Après l’épisode de la bibliothèque et mon aller simple pour l’Enfer, je ne doute pas que la suite promet d’être encore plus salée. J’ai envie de fuir tout ça, je voudrais vivre ma vie sans craindre le jugement de personne, poursuivre ma grossesse dans un environnement serein, et je crains que le peu de sérénité que j’avais jusqu’à présent s’est fait la malle.
J’essuie rageusement mes yeux en passant devant le campus pour rentrer à la maison, et râle intérieurement contre ces fichues hormones de grossesse qui me rendent encore plus émotive. J’en veux énormément à mon ami de ne pas avoir tenu sa langue, et je me rends compte que contrairement à ce que je pensais, je n’étais clairement pas prête à avouer à ma mère et à Jim que Liam et moi sommes ensemble. Et je me trouve stupide de ne pas assumer mes choix, c’est un peu comme si je n’assumais pas cet enfant qui va naître. Il mérite certainement mieux qu’une mère comme moi, et ce constat ne fait qu’accroître mes larmes.
Ma soirée vire au cauchemar total, et je ne crois pas si bien dire. En une fraction de seconde, je vois la voiture sur ma droite, ses phares qui m’éblouissent et je sais que la suite des événements ne va pas être joyeuse. Je freine brusquement pour l’éviter, mais mon corps est propulsé contre la portière et l’impact est brutal et bruyant. Ma vue se brouille, les lumières de la ville perdent de leur intensité et le noir emplit l’espace.
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