Je suis le docteur R, peu importe le reste de mon nom. Je suis diplômé en astrophysique mais j’ai toujours été à la marge des théories officielles foireuses de mes professeurs et collègues. Et la fin du monde a commencé à me donner raison. Et tout se qui s’est passé ensuite a prouvé que j’étais dans le vrai et le reste du monde dans le faux, sauf un abruti de géologue fanatisé avec qui je me suis lié d’amitié. Quel égoïste, il nous a lâché en restant sur Terre. Paix à son âme. Pour moi, arriver sur la planète C a été un véritable Big Bang. Pourquoi m’appeler autrement ? Et depuis le temps et tout les prix Nobel que je n’ai pas eu, j’ai largement mérité mon titre de professeur. Mais de Stockholm j’ai eu plus qu’un prix Nobel, j’ai eu la confiance aveugle de Greta, en moi. Ça vaut toutes les médailles et les prix de la science humaine. Même plus.

J’ai une femme merveilleuse, deux beaux enfants et une maîtresse que je vois tous les jours et à qui je me confie même si elle n’y comprend rien à ma science :

• LN, qu’est ce que je vais faire maintenant que j’ai résolu tous les mystères de tous les multivers ?
• Tu vas me faire un tunnel. Je viens de me lubrifier. Et j’ai préparé le chemin. Ton plaisir sera de rentrer. Le mien sera de te sentir sortir, tout doucement, en faisant une pause après chaque aller retour pour me laisser profiter du bien-être qui va m’envahir.

Elle a toujours su choisir parfaitement les mots qui me touchent au plus profond de son cul. C’est dingue la chance que j’ai d’avoir cette petite, sortie de nulle part, inculte, pas assez femme, et malgré tout elle est la personne la plus précieuse et la plus importante pour moi, plus que quiconque. Elle est mon bonus. Ma récompense. Mon fruit défendu. La liste est longue. En ce moment, sa copine se transforme en Greta. Alors elle me demande, naturellement :

• Tu es sûre qu’il ne s’est jamais rien passé avec Greta, depuis tout ce temps. Tu es si proche d’elle. Elle est si proche de toi.
• Il s’est passé des tas de trucs mais rien en dessous de la ceinture. Je suis un homme de sciences. Je ne fais pas des galipettes avec Dieu. Mais je retiens l’idée, dès que tu me lâche j’irai me faire consoler.

Je reçois un coup d’oreiller :

• Arrête de penser et vient m’empaler, homme de science ! Fais moi sentir ton big bang entre mes fesses.

Comment résister au charme de la rhétorique d’une simple employée municipale de mairie ? Je m’applique à son plaisir et je reçois des coups de martinets quand je lui fais mal. On est associés même dans la douleur dans la fusion de notre luxure. Elle est plus que ma maîtresse, elle est ma partenaire de vie éternelle dans l’orgasme absolu.

Gaby est beaucoup plus attentionnée. Je suis devenu une priorité. Elle ne veut pas me perdre. Elle sait ce que LN est en train de vivre, elle a été pareil, enfin, non, Gaby est beaucoup plus sophistiquée.

• Big, me lâche pas. Depuis toi je me sens tellement plus vivante. Si tu pars je vais redevenir un robot asservi. J’ai besoin de toi tu sais.
• Gaby, ne t’inquiète pas, LN ne me permettra jamais de te quitter. Elle est prête à tout accepter de toi, à t’obéir, mais tu ne lui a pas demandé, d’arrêter.
• Non, parce que je trouve que ça te réussi et ça me fait t’aimer encore plus. Tout ça à un stade où les autres couples s’éteignent. J’ai cette chance là. LN est une bénédiction.

Déformation professionnelle : elle est en train d’enquêter sur la B4, elle s’en imprègne.

• Gaby, LN n’a pas l’air comme ça mais j’ai le sentiment qu’elle est plus importante que nous, comme Greta ou Énola. Elle est peut-être la clé de l’Invisible.
• C’est ton sujet d’étude ?
• J’aime même déjà des enregistrements en laboratoire.
• Fais attention. Sois prudent.
• Trop tard. Elle est enceinte.
• Je sais, elle me l’a dit.
• Un iel.
• Ça nous changera. On pourra s’en occuper ? C’est reposant d’avoir une mère porteuse. Moi les deux autres d’un coup, ça m’a suffit. Tu la vois tous les jours. Est-ce que je peux te prendre un peu de vigueur ?

Et elle se met à genoux et ouvre ma braguette. Je vais finir par croire qu’on est vraiment au paradis. Je suis dans une situation qui ne provoquerait que des conflits sur Terre. Mais pas ici. Nos comportements sont conditionnés. Comme notre jeunesse et notre immortalité. Les jeunes veulent y échapper mais se couper de la civilisation en allant s’isoler sur une île ne sera jamais suffisant. Les Chevaliers de l’Apocalypse ont trouvé le moyen d’échapper aux ondes et ils se sont retrouvés à déprimer dans le froid et la douleur. Et Gaby dans tout ça ? Je la regarde à mes pieds, elle lève le visage vers moi, la couche pleine et son regard déclenche la décharge. Je la relève et je lui demande :

• Gaby, tu n’as jamais l’impression de ne pas pouvoir faire ce que tu veux ?
• J’ai été manipulée toute ma carrière et mon métier est de manipuler les autres.
• Mais non, tu es dans le renseignement.
• Pas dans le passif. Dans l’actif. On ne récolte pas. On produit.
• Et moi qui croyait être ta cible à surveiller pour obtenir des confessions sur l’oreiller.
• On a rien à apprendre des terriens.
• Et l’Invisible ?
• On a rien a apprendre des terriens comme toi. Pour l’Invisible il y a les religieux, la B, la B4 etc. Moi j’en suis restée à ma mission de produire. Tobias et Hilde. Le réseau A.
• Gaby, tu n’as pas le droit de me dire tout ça.
• Je n’avais pas le droit. Maintenant je suis directrice du Conseil de Sécurité de l’Ouest. Je m’octroie ce droit. Et je te le dis aussi parce que je sens que je vais te perdre, tout perdre. Je n’ai plus rien à gagner ni à perdre si tu ne fais plus partie de ma vie, intime. Big, j’en ai marre des aller retour. Je vais m’installer à l’Ouest. Et toi ?
• Je reste avec toi. On s’installe à l’Ouest. J’ai mes cours à Westech. Et j’ai besoin de me sentir ancré à un territoire pour m’y sentir bien.
• Avec moi.
• Avec toi.
• Et LN ?
• Elle peut faire les aller retour sans navette et sans toucher le sol, pour l’instant. Elle ne va pas tarder à faire de l’Énola et se téléporter en instantané.
• Et ton labo à Sylvania ?
• C’est pour mes élèves, je dois les changer d’environnement pour qu’ils soient efficaces. Le grand hangar, ça va les refroidir, les canaliser mais surtout les éloigner de moi, ils sont parfois toxiques, je préfère les gérer à distance et pouvoir refuser leurs appels.

Nous voilà donc partis pour l’Ouest en laissant aussi les enfants derrière nous. Devant nous, la chaleur, le soleil, la plage et Gaby qui va tous les jours à son bureau du CSO pendant que moi je vais dans la banlieue de Laguna City torturer des ingénieurs à Westech. Il sont obligés de rire à mes jeux de mots pendant mes one man show. Il faut que je travaille mon prochain spectacle sur la communication quantique. Il règne une ambiance de vacances alors qu’à Sylvania ils se les gèlent en attendant Noël.

Mais bon, je continue mes aller retour. Je souffle le chaud et le froid. Je passe du ticheurte au bonnet toute la journée. Et LN me met le bonnet du Père Noël et me masse avec son cul à l’air dans sa tenue de lutin en criant :

• Déballe ton jouet dans ta lutine !

Mon cœur va finir par lâcher un jour. Mais je ne reviens pas à l’Est que pour elle. Greta ne veut plus me recevoir.

• C’est à Énola de jouer maintenant. Moi j’en ai pris pour 15 ans et le décollage est dans 18 jours. Je passe mon tour.

Énola. Tennis. Où sont mes raquettes en bois ? Quand même pas. Je ne vais pas encore me ridiculiser. Alors je la rejoins dans le Parc Central où elle promène Pierrick dans sa poussette. Elle me voit arriver de loin avec mon gros bonnet rouge à pompon. Je m’assoit à côté d’elle et je commence :

• Il grandit pas vite.
• Tu m’étonnes, OK pour la gestation lente mais après le monde avance sans lui. On va tous trop vite. Mais pas vous les terriens. On avance ensemble à deux vitesses différentes.
• Et moi qui voulait faire une pause…
• Qu’est ce que tu as bien pu faire avec Greta depuis 60 ans ?
• Ici je sais pas trop. Sur Terre j’étais juste un de ses conseillers scientifiques.
• Qu’est ce que je vais faire de toi ?
• Rien, je ne suis pas compétent dans ton domaine.
• Oui, Bri m’a confirmé que tu n’étais pas encore au point, au tennis.
• Ouais, j’ai failli venir en tenue mais il fait trop froid.
• Demande à Vivien, il a certainement toutes les réponses.
• Il peut se les garder, je m’en fiche de savoir. Je forme des équipes, ils vont finir par trouver.
• Avec LN tu as toutes les réponses.
• Même aux questions que je ne me pose pas. Tu n’as rien d’autre pour moi ?
• Si, laisse tomber ton travail. Moins on en sait, mieux on se porte. Et on a toute l’éternité pour comprendre comment anéantir notre civilisation. Parce que c’est ce qui s’est toujours passé, déjà deux fois, sur Mars et sur Terre. C’est ça le progrès.
• Je vois. D’accord. Nos autorités spirituelles avaient réussi à retarder les choses de 1000 ans sur Terre. On a appelé ça le moyen-âge. Ensuite c’est reparti de plus belle et tout à dégénéré en quelques siècles.
• Alors si tu veux protéger la planète C il faut y aller doucement sur la science. C’est le message qu’à voulu faire passer le réseau C en se débarrassant de Vivien. Je l’ai ramené pour qu’on puisse traiter le problème en face. Et j’ai apprécié que tu n’aies pas fait appel à lui pour avoir tes réponses. Parce que tu doutes aussi sur cette croissance, non ?
• Tout le monde joue avec le feu. Si il y a un moindre risque de se brûler, c’est qu’on se brûlera un jour. Ce jeu n’est pas compatible avec l’éternité.
• Et je suis là pour garantir un obscurantisme protecteur. La B4. Même la B5 est déjà prévue, avec Mona-Lisa.
• Tu sais, je trouve tout ça très bien. Je ne suis pas là pour défendre aveuglément la science. Et tu as raison, je ne veux pas prendre le risque de participer à provoquer le chaos. Nous sommes dans une situation confortable. Le mieux est l’ennemi du bien. Je constitue une menace à vouloir tout comprendre. Je ferais mieux de me concentrer sur ma thématique. Pourquoi y a-t-il si peu d’étoiles dans le ciel ? Ici, l’univers est tellement plus simple que l’autre, le vrai j’allais dire, comme si celui-ci était artificiel.
• Très belle théorie, ça sent le mouvement religieux dissident.
• Vivien a eu un jour les outils pour créer et écrire le code. Il ne les a plus. Si mes équipes trouvent le moyen d’y accéder, il faudra un mot de passe.

Je lui tend un papier. Elle ouvre et lit l’inscription.

• C’est de l’arabe ?
• C’est une formule, mathématique. Le résultat est un chiffre infini. Ça fait beaucoup de caractères à décrypter.
• Je vais le cacher à un endroit symbolique.

Elle le range dans sa poitrine, bien au chaud entre ses deux seins.

• Allez viens, on va boire un breuvage chaud au Boui-boui pour fêter ça.

Et on trinque à Greta, qui croit que c’est fini pour elle mais c’est sans compter ce qui va bientôt sortir de son ventre.

• C’est dingue, on va toutes finir par être toutes tout le temps enceintes si ça continue. Bon courage avec LN.
• Gaby va nous aider. Et toi ? Tu ne veux pas nous ramener le Messie ?
• Pour l’instant je surveille son père. Greta, elle, veillera sur la mère.
• Ça sent la B6.
• Oui je vois ça d’ici : « il est né de deux êtres. L’un, bizarrement, n’était que garçon. Et l’autre, que fille, contrairement au reste de la civilisation. Car sur l’île C il en est ainsi. Il paraît qu’on vient d’un continent où les deux genres existent encore. »

Retour au chaud. Je me mets sur un transat sur la terrasse, face à l’océan. Je bois une bière de Noël, fabrication personnelle et j’attends que Gaby rentre du travail. Je regarde les étoiles. Cet univers n’est pas en expansion. Il n’est même pas organisé en galaxies. Les règles de la physique sont différentes ici. Tout comme celles de la chimie et de la biologie. Ici je suis un extra terrestre. J’ai encore reçu un message de Vivien. Il envoie des longues missives. Je suis rarement allé jusqu’à la deuxième phrase avant des les supprimer définitivement, après les avoir transférés sur une boîte fantôme à l’intention de Gaby. Je sais qu’il est brillant, qu’il a toutes les réponses et que c’est sa science qui nous a amené ici. Mais j’ai mon orgueil, ma fierté et pour moi ça serait comme parler à Adolph Hitler. Gaby rentre enfin, elle vient s’allonger sur mon transat et me pique ma bière :

• Tu pues et c’est vraiment dégueulasse ce que tu bois.
• Moi aussi je t’aime. Sauf que toi tu sens bon et tu es toute douce. Gaby, j’ai reçu des messages de Vivien. Je ne les ai pas lu et je suis allé parler à Énola. Elle m’a dit que mes recherches vont mener notre civilisation au chaos, alors je vais faire une pause, millénaire. Il faut que je vois Aurélie. J’ai besoin d’ingrédients, je vais me lancer dans la cuisine, avec peut-être un concours associé genre « qui ne vomira pas après avoir mangé ça ? »
• Excellente idée. Je suis à fond avec toi. Mais je ne lis plus ma boîte fantôme, je ne peux pas me permettre de me polluer l’esprit depuis mes nouvelles fonctions. Vivien est un manipulateur. Il peut te retourner la tête en un seul paragraphe. Tu sais quoi ? Tu devrais lui répondre avec des paniers repas de ton cru.
• Non, il ne faut pas rentrer sans son jeu, d’aucune manière. Il est revenu à la vie mais il n’existe pas. C’est comme ça qu’on doit le traiter. Même si tout est grâce à lui. Surtout pour cette raison là d’ailleurs.

Je prends mon mono et je bloque son compte.

• Comment tu sais tout çà sur lui ? C’est Énola qui te l’a raconté ?
• Non, elle ne l’a jamais connu. J’ai juste lu l’histoire de votre planète.

Elle me reprend ma bière et la pose par terre. Elle se met sur moi et ouvre son chemisier pour couvrir mon visage de ses seins.

*

Elle m’appelle sur mon mono :

• Ben alors, mon gros nounours, j’ai froid. Tu n’es pas venu me réchauffer aujourd’hui. Ça va ?
• Je ne sais pas LN. Je suis un peu perdu. La chaleur me trouble les idées. Il y a beaucoup de changements, de bouleversements. Je laisse tomber Westech. Je vais faire la cuisine, ici, à Laguna.
• Big. Il n’y a qu’une seule personne capable de bouleverser ta vie et elle ne l’a jamais fait. Elle t’a toujours protégé.
• Elle m’a lâché dans les pattes de Énola. C’est pas le même genre. Elle n’y va pas par quatre chemin. Elle m’a viré ou j’ai démissionné, on ne peut pas savoir avec elle. Mais au fond, c’est pour me protéger, nous protéger tous. Je vais me faire oublier.
• Big. Toi avec Énola. Moi avec Élise. Greta est derrière tout ça. À distribuer ses pouvoirs, passer la main, se concentrer sur Mona-Lisa. Je peux passer te voir de temps en temps ?
• Gaby travaille toute la journée. J’ai besoin d’une commise en cuisine.

Mais ça fini en galipette dans le lit conjugal. Et Gaby rentre plus tôt. Et elle se joint à nous. Mais LN ne reste pas. Elle rentre tous les soirs vivre son Élise.

*

Énola, Aurélie et Aline aident Greta au quotidien pour la cuisine et la toilette et bien-sûr il y a ma fille Hilde qui a laissé sa péniche pour être sur place, avec Adé dans ses bagages. J’accompagne LN et Élise pour aller voir Greta également. Je m’attendais à la voir épuisée mais elle est rayonnante, elle a l’air heureuse. Je parviens à avoir une minute seul avec Greta. Elle m’avoue :

• J’ai l’impression que je vais accoucher de tout un univers.
• La B5. Énola m’a expliqué.

Elle inspire et elle expire en fermant les yeux.

• Je suis contente de vous avoir, toutes et tous. Une famille. Autour de moi. Et plus parce que je suis Dieu. Je suis Greta. On va pas la perdre cette planète. Promets le moi.
• Je te fais plus qu’une promesse. J’ai arrêté mes recherches. Et mes doctorants sont sur des trucs annexes.
• Bien. Merci professeur. La science, c’est comme la religion, il ne faut garder que l’essentiel. L’utile. L’agréable. Je l’ai senti Big. Que tu avais trouvé la solution. Le bouton rouge pour tout faire exploser. Et tu as eu cette responsabilité de ne rien dire, ne rien divulguer, tout protégé. J’ai toujours su que je pouvais te faire confiance.
• Merci Greta. J’ai eu un peu de mal, sans notre géologue. Il est mort mais il n’a pas disparu de nos esprits. Quand j’ai trouvé la formule j’ai pensé tout de suite à lui. Il aurait réussi au moins 30 ans plus tôt que moi mais qu’est-ce qu’il aurait et où on en serait maintenant. C’est là que j’ai réalisé qu’il ne fallait rien faire. Il a bien fait de rester sur Terre. Sinon on en serait pas là. C’est dur mais… c’est comme ça.
• Oui, il était trop bon dans son domaine, il aurait tout foutu en l’air. C’est une grande leçon, hein, Big ?
• La plus grande.
• Jusqu’à maintenant.

Et pour la première fois depuis que je la connais, je me lève et je vais lui faire une étreinte avant de l’embrasser sur la joue. Elle me regarde avec satisfaction et fierté. Et je lui replace son oreiller qui est tombé pendant qu’elle était dans mes bras. Ma Greta. Et j’entends sa voix dans ma tête : « Mon Big. »