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Être père c’est encore une chose. Grand père ça ne l’est plus. Spencer m’a à peine reconnu dans l’intervention sur Gabrielle. Ainsi sont les choses ici. En tant qu’ex compagnon de Émilie, je reste sur le qui vive. Elle a des pouvoirs étranges aussi. Ça lui vient de Greta. Énola n’était pas la première à recevoir d’elle d’un peu de son Invisible. Émilie reste confinée dans sa grande maison au Village depuis leur Révolution. Elle ne va qu’au Village pour participer à la gestion de la collectivité, en tant que Maire symbolique. Tout le monde a oublié qu’elle est la fondatrice de cette communauté très terre à terre. Elle ne s’en éloigne jamais très longtemps. Je la vois mal revenir à Sylvania, c’était sa ville il y a longtemps, elle y a même sa tour, la Tour R, R comme Raymond. Je peux difficilement me renseigner, ils sont effacé son histoire officielle. Et elle n’en parle jamais. La civilisation de la planète C est meurtrie et perdue. Il faut qu’ils se retrouvent, grâce à nous, dans la spiritualité originelle. Il faut que ça parte d’ici, à Sylvania, là où tout a commencé. Je dois leur faire une belle Cathédrale et toutes les directives dont ils ont besoin se trouvent dans la B4. Mon histoire avec Émilie était heureusement terminée quand Vivien est revenu. Je n’avais pas tous les outils pour la réparer. Je ne présage rien de bon pour la suite. Ils s’enferment dans leur prison. Ils subissent leur échec.
- À nous de leur montrer maintenant ce qu’on peut faire de cette planète.
Et je trinque avec Aurélie dans notre maison du Quartier Central, Pierrick dort à côté.
- Notre fils aura sans doute à en découdre avec Mona-Lisa.
- On demandera conseil à Gabrielle.
- Pour le préparer, au cas où.
J’aurais bien eu besoin d’Adélaïde pour remplir l’E.C. de tous les symboles adéquats d’une vraie cathédrale. Mais elle a vraiment raccroché. Heureusement, elle a formé une de ses sœurettes à tout ça. La toute dernière, avant de partir. Lou. La petite blonde aux yeux orange.
- Lou, je te donne l’occasion de mettre en pratique toutes ces obscures théories de l’ancien monde.
- Merci Pasteur. Ça va être passionnant.
- Oui, une autre passion, pas celle de la B2. Plus B3, voir B4. Tournée vers l’éternité. Autrement dit, il ne faut pas vraiment tenir compte de ce que tu as appris à Laguna avec mon Père Simon. Au contraire, il faut être créatif. Justement, la B4 est encore en cours d’écriture. C’est l’occasion pour toi aussi d’y participer. Il le faut. C’est important. En tant que locale. S’approprier votre propre spiritualité. Pas la nôtre ou celle de l’humanité.
Et je lui donne symboliquement mon stylo plume en ajoutant :
- J’ai mis une cartouche de couleur, orange. Écrivez ce que vous voyez avec vos beaux yeux.
- Je peux raconter votre histoire avec Sœur Marion ?
- Et les bêtises de Scarlett avec Benjamin et mon père.
- Et vous avec Mère Supérieure ?
- Adé était encore Sœur à l’époque.
- Je ferai relire à Sœur Paulette. Elle, vous a échappé.
- Les numéros 3 sont toujours particulières.
*
Scarlett me reçoit à la Congrégation de la Basilique, dans le bureau de Mère Supérieure Adélaïde :
- Ça fait drôle, hein ? Je ne me sens pas à ma place non plus. J’ai fait tellement d’erreurs, de péchés, capitaux. Je ne me sens pas digne d’être là. Même Marion faute, avec toi. Et les Sœurettes sont tellement lisses. En fait il n’y a que les numéro 3 qui s’en sortent, Sœur Paulette et Sœurette Lou. Paulette se démarque par son asexualité et Lou est tellement brillante et elle est armée aussi pour résister aux déviances.
- Les deux ensemble ont une force de frappe qui met tout le monde d’accord. On devrait peut-être suivre leur exemple. Tu te sentirais moins perdue. Je te propose de t’accompagner sur ce chemin. Tu laisse mon père tranquille et je me libère de Marion. Ça va nous libérer l’esprit, le cœur et l’âme.
- Facile pour toi, tu as une famille aimante qui t’attend à la maison. Et moi je compense comment ?
- Comme transition tu pourrais peut-être te concentrer sur ta numéro 1. Ce sera à elle de choisir sa successeuse. Il faut la préparer.
Elle se lève, avec enfin de l’envie, de la détermination et un chemin à suivre.
- Excellente idée. Merci Patrice. C’est toi qui devrait être à ma place.
- Surtout pas. Vous êtes devenues une congrégation locale. C’est une grande étape de franchie. Le début de votre religion à vous.
*
Marion fonctionne par vague. Toutes les cinq secondes. Et à chaque fois elle gravit une marche de plaisir. Son ventre m’aspire et me stimule. Ça pourrait durer des heures. Et puis je m’agite une dernière fois pour en finir sous son regard déçu. Son brisim prend le relais et je la laisse continuer seule dans sa cellule. Dans le couloir je suis surpris par Lou :
- Vous avez eu la Mère Supérieure. Ensuite la n°2 des Sœurs. Bientôt la n°3 des Sœurettes ?
- Ce serait dommage. Nous avons un travail sérieux à mener à bien. Ceci perturberait notre mission. L’E.C. a besoin de vos compétences théoriques pour devenir pratiques.
- Pasteur, j’ai listé tout ce qu’il y avait à faire, en détails. En cas d’empêchement, tout vous sera transmis. La mission est donc déjà assurée, avec ou sans moi.
On s’éloigne pour être hors de portée des bruits gênants de Marion.
- Je vous souhaite une bonne soirée Lou, je dois rentrer dans mon foyer.
- Bonne soirée à vous également, embrassez Aurélie et Pierrick de ma part. Je ferai une prière pour votre salut.
- Merci Lou, ça me touche beaucoup.
Elle s’approche et on se fait la bise.
*
Avec Aurélie les débuts et fins de nuit sont bestiaux et efficaces. Je me sens tellement bien en elle. Elle est l’alpha comme quand elle avait 15 ans et l’oméga comme aujourd’hui. Mais elle a apporté bien plus que moi à cette planète.
- Je nourris les corps et toi les esprits.
- Je me nourris à ton sein et toi à mon saint esprit.
- Je suis ta femme et je possède ton âme.
- C’est donc toi qui l’a ? Je pensais l’avoir perdue.
Et je l’attaque avec des chatouilles, elle se retient de crier pour ne pas réveiller Pierrick.
- Demain Greta fait une fête pour la première semaineversaire de Mona-Lisa.
- Tu as un cadeau ?
- En nature. Les garçons ne sont pas invités. Tu pourras garder Pierrick ?
- Avec Lou on doit travailler sur les plan de l’E.C. Je peux le confier à Marion, elle adore l’allaiter avec avec sa tuyauterie en peau à peau.
- Ça te dérange pas si je lui donne un biberon de lait de Greta ?
- La prochaine fois peut-être, sans me le dire, pour voir les effets en double aveugle.
*
Mais en fait j’amène Coralie à l’Ouest. On passe à la Cathédrale pour lui montrer tout ce qui ne faut pas faire.
- Elle est trop grande, trop impersonnelle, inhumaine, froide et sombre. Maintenant on va aux vestiaires pour te changer et mettre une tenue légère de religieuse de ville.
Elle est toute fière de se déguiser dans cette autre obédience. Je lui mets une discrète croix autour du cou et je l’amène à la Maison Bleue voir Mère Supérieure Nathalie.
- Je vous rencontre enfin. On vous a cherchée et attendue pendant longtemps.
J’explique à Lou :
- Mère Supérieure Nathalie est en contact avec l’Invisible.
- Je viens d’entrevoir une ligne temporelle où vous m’apparaissez. Elle est bien loin pour être fiable mais je la sens déjà assez solide rien qu’en vous regardant. Patrice ? Est-ce que je peux la toucher ?
Je fais un signe approbatif. Nat tend la main à Lou qui me regarde pour avoir confirmation. Nat tressaille avant même que leurs doigts se touchent.
- Il n’y a pas de doute, Patrice. C’est elle.
Lou ose enfin demander :
- De quoi s’agit-il ?
- De ton destin. À la génération de nos enfants. Pour la B5. Tu seras au Vatican 5. Et on aura à nouveau vraiment quelqu’un à ce poste. Le dernier vrai Pape a voulu rester sur Terre. Ceux d'ici, sur la planète C, au Vatican 3 et 4, ce ne sont que des administratifs anonymes, symboliques, sans rayonnement, cantonés à leur prison, à leur culte et ils regardent de loin ce qui se passe sans se sentir vraiment concernés. Les choses vont évoluer avec la B4 et après il y aura toi.
- Papesse Lou One.
*
Dans la navette du retour je vois Lou pensive. Je dois saisir l’occasion d’orienter sa pensée. L’interpeler. La faire réagir. L’obliger à réfléchir, d’elle-même :
- Lou, je ne crois pas en Dieu. Surtout celui de la Terre. Il n’est qu’une invention dégradante venue d’une contrée dégradée et qui, par le Mal, s’est répandue et a effacé toute une culture et un savoir bien supérieur. Je vois la B3 et la B4 comme des brouillons, des répétitions à ce que sera la B5 et son Vatican 5. Une spiritualité au service des âmes. Mais tout ça ne doit pas prendre plus de place que le reste dans l’éternité de la vie. Parce que la vie c’est aussi autre chose. C’est l’Amour. C’est L’Invisible. Entre autres. Tout est là. Lié. Et tout est question d’équilibre. La bonne recette. Chaque autorité doit veiller avec bienveillance et toutes les autorités doivent d’accorder entre elles pour fournir à leur peuple la meilleure civilisation possible.
Et elle continue ma pensée qui devient sienne. Elle comprend, elle planifie, elle s’inculque une discipline de savoir, d’être, de savoir être.
- Les autres autorités ? Science. Politique. L’Invisible.
- Il y en a 5 en tout, comme la B5.
- Moi je suis la Religion. Il en manque une.
- La Couronne.
- Bien-sûr.
Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. B2 - Matthieu 20:16. Comme Lou, la dernière des Sœurettes et Scarlett la première des Sœurs.
*
Je rentre discrètement dans la maison mais Aurélie m’a attendu et elle vient m’embrasser. Pierrick réclame sa maman, elle le sort de son berceau en lui chantant une berceuse et ils s’installent dans le gros fauteuil où elle se met en position pour lui donner le sein. Avec l’Invisible tout va si vite. Mais on est prisonniers du présent qui n’avance pas. Une douce prison auprès d’Aurélie, en famille. Et comme il est écrit dans la B4, oublions le passé, notre plus grand pouvoir est notre contrôle sur le présent qui décide de l’avenir.
- Alors ? Quoi de neuf, Pat ?
- On vient de découvrir qui sera Pape dans le Vatican 5.
- J’espère que tu es sage avec Lou. Marion a l’air un peu jalouse.
- Elle va l’être encore plus, c’est Lou le Pape.
- Pour l’instant. Vous traînez trop dans l’Invisible, ses présages peuvent changer à tout moment.
- Oui, c’est pour ça qu’il ne faut pas l’annoncer, à personne. Rien n’est sûr.
Je vais m’asseoir à côté d’eux, elle m’embrasse, on est tous les trois connectés. Rien n’est sûr sauf ça.
*
Avec Lou on joue aux questions réponses. Elle commence :
- Patrice, tu ne crois pas en Dieu et tu dois construire une Cathédrale.
- Oui mais j’ai un avantage, Lou. J’ai la Foi. J’ai foi en Greta, Énola, et toutes celles avec qui elles partagent leurs pouvoirs. Mais au-delà de ça, si j’ose dire, ce n’est pas une Cathédrale que je dois construire. Ce n’est pas une cathédrale que je veux voir. Je veux juste proposer un repère pour chacun, une balise pour qu’ils s’y accrochent et ressentent vraiment quelque chose, le découvrent et l’emporte avec eux hors les murs.
- Pas mal, à toi.
- Lou, Nat voit en toi le Pape Lou One mais toi, qu’est ce que tu veux être ?
- Je n’ai pas de vœu particulier sur mon avenir, je me sens juste heureuse d’avoir la chance d’accéder à une certaine spiritualité. Et je ne vais pas gérer mon présent avec cette prédiction. Au contraire, je sens que j’ai une vraie vie à vivre plutôt que vos rêves de B5 ou je ne sais quoi. Ce sont des sensations, pas des vœux. Je n’ai rien à prononcer pour l’instant. La Foi, je ne l’ai pas encore trouvée, je m’y intéresse seulement. Toute votre histoire c’est bien trop sérieux, je ne me sens pas du tout concernée ou investie. On ne naît pas Pape. Rien n’est écrit. Sauf dans la B4, peut-être. Il paraît qu’on a dépassé les 1000 pages, il doit s’en passer des histoires mais je doute qu’il y ait beaucoup de place pour une Papesse Lou One qui n’est pas à l’ordre du jour, ni de la nuit. Moi, je veux être une jeune fille de ma génération mais pas une héroïne ou une rebelle, juste être assez éclairée pour avoir les outils pour améliorer l’existence de mon prochain. Comme t’aider à la construire, cette cathédrale.
Il n’y a plus de doute. Il y a du divin en elle.
*
C’est en Pasteur que je suis reçu chez Aline. Au moment où j’entre chez eux, j’entends le la de la cloche de la Basique. Il est et demi mais je ne sais pas de quelle heure. Je trouve ça symbolique de la situation. Avec leur couple je suis un peu perdu aussi. Elle me reçoit en privé dans son petit salon et m’explique :
- Je voudrais ta bénédiction, Patrice.
- Quelle bénédiction ?
- Celle du mariage.
- Mais ça n’existe plus.
- Ce serait peut-être l’occasion de le remettre au goût du jour.
- Le goût d’unir une arrière grand-mère avec son petit fils ?
- Avec la fusion et ma correction génétique, je ne suis plus la même. Cette union devient possible et saine. Et ne me parle pas de morale chrétienne ou autre, ça n’existe plus non plus.
- Ce serait peut-être l’occasion de le remettre au goût du jour.
Elle pouffe. Willem nous rejoint. Il s’assoit tout près d’elle et lui prend la main. Ils s’embrassent et elle me regarde d’un air provocateur et hautain :
- Je suis enceinte.
Je n’ai pas envie de gérer ça. Mais maintenant que nous ne sommes plus en privé, je dois reprendre mon rôle d’homme d’Église ou ce qui l’en reste.
- Toutes mes félicitations, Aline et Willem, je vais vous confier à Sœur Scarlett pour tous les sacrements dont vous faites vœu.
Je reste prudent, je ne sais pas si il l’a déjà demandée en mariage ou l’inverse. Et ça laisse la porte ouverte au baptême également. Je me lève, eux aussi, je fais la bise à Aline et je sers la main de Willem. Et je leur confirme :
- Je serai toujours de votre côté. Pour quoi que ce soit. Soyez heureux.
Willem me raccompagne dehors et nous discutons entre le perron et la clôture blanche :
- Elle a le syndrome de Thomas. Son histoire se répète, avec toi.
- Je suis son histoire. Elle est mon histoire. Nous sommes notre histoire.
Il parle comme un gémeau de sa jumelle.
*
- Maëlle ? Qu’est ce qui se passe ? Pourquoi tu fais ça ?
- De quoi s’agit-il ?
- Ah parce qu’il y a plusieurs choses ?
- Comment tu l’as su ?
- C’est elle qui m’a convoqué pour me le dire et me demander mon absolution et plus encore. Elle veut un mariage et un baptême.
- Tu plaisantes ? De qui tu parles en fait ?
- Et toi ?
- Je n’ai pas le droit de te le dire.
- Moi je te parles d’Aline, ta mémé veut se marier avec ton jumeau, elle est enceinte et elle veut un baptême pour le bébé.
- J’ai perdu le contrôle. Il a sa propre vie maintenant, Willem.
- Et pour le reste ?
- Énola peut peut-être te le dire. Tu es une autorité spirituelle. Mais tu as aussi un secret, non ?
- Je n’ai pas le droit de te le dire. Et pour Vincenzo, tu vois les choses comment ?
- Je ne vois rien, c’est à lui de voir.
J’arrête là avec elle. Trop énigmatique. Je n’ai pas le niveau. Puisque c’est comme ça, qu’ils se débrouillent, ce n’est plus mon problème.
*
Elle me reçoit chez elle, en voisine.
- Bonjour Énola.
- Patrice, tu sais que je ne suis pas vraiment Dieu n’est ce pas ? C’est juste un pouvoir que Greta veut bien partager avec moi. Mais on m’a signalé que les maîtres de l’Invisible ne parvenaient pas à lire en toi. Et je le constate de moi-même à l’instant. D’où te viennent tes pouvoirs ?
- C’est juste un sortilège pour me préserver de mes patients pendant l’exorcisme. Je ne savais pas qu’ils fonctionnaient aussi sur les déesses ou apparentées.
- Ça alors, en fait je ne suis pas Dieu, je suis juste envoûtée par Greta et tu peux m’exorciser. Patrice, avec tes cérémonies occultes, tu as le pouvoir de supprimer Dieu.
- Oui, si ça se trouve je suis le Diable.
- Et c’est à toi qu’on demande de construire une cathédrale à Sylvania ?
- C’est pour la B5. Toi tu n’es que dans la 4.
Elle reste sérieuse. Elle n’a pas l’air de blaguer. Ça me stresse. Surtout après Maëlle qui m’a mis la pression aussi. Je suis tendu. Mal à l’aise. C’est le silence, hostile.
- Tu es venu me parler de Lou ?
- Non, on ne parle pas de Lou. Elle n’est pas d’actualité. Je viens te parler de Willem et Aline, ils demandent le mariage et le baptême. En tant que Père Supérieur par interim, je viens te demander d’assister les Sœurs pour ces offices.
- C’est quoi mariage et baptême ?
- Des sacrements, à faire devant Dieu.
- Elle était nerveuse, Maëlle.
- Oui, je crois qu’on ne parlait pas de la même chose.
*
Et pour finir, Greta, dans son salon privé et discret du Palace. Elle rigole tout le temps en me voyant. Avec bienveillance :
- Elle m’a demandée d’être la marraine.
Je soupire. Je m’affale sur le canapé de son salon privé. Elle vient se blottir contre moi en souriant. Elle rayonne. Pour éloigner le sujet, je demande :
- Et toi ? Comment ça va ?
- Je suis libérée. Mona va bien. Elle ne fait que dormir et me vider la poitrine.
- Oui tu as l’air plus forte et voluptueuse, pleine d’énergie pour ton bébé.
- Et pleine d’amour aussi.
- Oui je sens ton odeur sur Aurélie, presque tous les jours.
- Et pour Aline, ça a l’air de t’affecter.
- Je me suis toujours inquiété pour elle. À juste titre, non ?
Elle m’embrasse sur la joue.
- Ça va aller Patrice, ne t’inquiète pas.
Les portes du salon se ferment doucement et se verrouillent. La lumière baisse. De la musique languissante commence même à se faire entendre.
- C’est ça tes séances privées ?
- Non on fait ça dans ma chambre avec les copines.
- Dans la couche de Victor ?
- Oui, c’est plus excitant, mais pas autant qu’avec Spencer. Il a quelque chose de Royal, ton petit fils.
- Oui, c’est sûr, il tient plus de Frances que de Gabriel.
- Jusqu’ici je n’avais jamais pensé remonter la lignée. Jamais eu d’occasion non plus. Et voilà que les malheurs d’Aline ricochent sur Maëlle, Enola pour arriver jusqu’à moi. C’est un signe. Et je sais que tu crois, aux signes.
Je la regarde, elle est belle, elle sent bon, elle me regarde avec douceur, pas d’hypnose, pas même de philtre, juste elle, la nouvelle Greta, moins torturée par ses pouvoirs depuis qu’elle les transmet. Je lui souris. Elle me prend doucement la main et elle la porte à sa bouche, elle gobe mon majeur et elle le fait glisser le long de son cou, entre ses seins, sur son ventre, jusqu’en bas, elle se met en position et prend mon visage pour m’embrasser. Quand sa langue entre dans ma bouche, mon doigt entre en elle et elle se redresse pour coller son sein contre mon visage, il glisse jusqu’à trouver ma bouche et je goûte à son lait. Mon majeur ressort pour aller entre ses fesses et mon pouce le remplace. Elle se cambre et me chevauche. La musique d’ambiance change. Je demande :
- La symphonie pastorale ?
Et elle rit de plaisir et d’amour en me caressant tendrement et en dégrafant mon pantalon pour sortir mon grigri qu’elle développe pour mieux l’envelopper entre ses cuisses et descendre doucement pour remonter de plus en plus vite dans des secousses où une pluie de lait me tombe sur le visage. Et puis elle ralentit au rythme de la musique. Et elle m’inonde de caresses affectives. Elle me chuchote des petites phrases dans une langue étrange, comme si elle se parlait à elle-même, en suédois sans doute. Je ne comprends pas mais je me sens tellement bien tout d’un coup, avec elle, en elle et elle s’arrête un instant pour me regarder avec solennité.
- C’est la symphonie n°6. Parce que c’est aussi loin que je vois et je te vois toi.
J’ai l’impression que nous ne faisons qu’un. Et c’est une sensation merveilleuse. Une larme coule sur ma joue et elle vient y goûter. Greta, la Déesse de l’Amour.
- La musique s’est arrêté.
- Non, oui, le temps s’est arrêté. C’est la petite mort. Ça m’arrive souvent. Et on peut errer longtemps entre ces deux temps. Mais c’est la première fois que mon partenaire vient avec moi. D’habitude il est arrêté aussi. Mais qui es-tu donc, Patrice ?
Et la musique reprend. Elle pose ses mains sur mes joues et me regarde de très près. Elle respire l’air que j’expire. Ses seins fuient en goutte à goutte sur mon ventre. Elle ferme ses yeux sombres et ouvre ses yeux bleus profonds dans mon âme.
- Greta.
- Patrice.
Et on s’embrasse. Et elle me lave, et elle me renvoie chez moi. Quelle journée. Overdose de Dieux. Je retrouve Aurélie et Pierrick dans notre vie normale. Mais cette nuit avec Aurélie nue sur moi j’ai des flashs, de Greta, des moments, des sensations, ses chuchotements, ses gémissements, ses soupirs, son odeur, son goût, la douceur de sa peau et Aurélie se tortille pour me soulager.
*
Je vais la voir à la Caserne, en terrain neutre d’intentions :
- Je te vois en flashs. C’est comme une obsession.
- La meilleure façon de supprimer une tentation, c’est d’y succomber, mais ce n’est pas vraiment le lieu. Tu ne veux pas succomber de moi, avec moi ? Comme j’apporte une réponse à chacun de mes visiteurs. Voici la mienne : je peux venir chez toi, avec Aurélie. Patrice, j’ai beaucoup d’amour à donner, et je ne peux plus enfermer l’exclusivité dans un couple. Le couple n’est pas une structure ou un fondement social, d’ailleurs il s’écroule à chaque fois ou presque suivant les concessions de chacun. Quel couple peut survivre à l’éternité ? Je ne sais pas ce que raconte ou conseille la B4 mais les relations humaines, sociales, sexuelles, c’est autre chose que le couple, surtout dans l’Invisible et dans l’Amour. On n’en est plus là. On a dépassé ça. Patrice, à toi de voir si tu veux me vivre en solo ou en duo avec ta légitime.
- Tant que ce n’est pas avec ton légitime, ça me va.
- Ça viendra, dans l’éternité tout est possible. Et tu sais, si tu vois ces flashs, c’est parce que tu as envie, tu as besoin de les voir. Alors approche toi, mets ta main dans ma culotte et embrasse moi.
Je m’exécute. Elle a une montée de lait.
- Maintenant je peux aller nourrir ma fille Mona-Lisa, de ton amour.
Et elle s’en va.
*
Marion s’éloigne, elle est de moins en moins disponible, elle est toute à sa tâche de seconder Scarlett à la Basilique maintenant que Adé en est partie. Je passe sur le pont qui traverse le Jordania, c’est de là que l’Eastern Cathedral va s’élever. Je vois au loin au bord du quai de la lumière dans la péniche de Hilde. J’envoie un code sur la ligne rouge de mon monolithe pour demander à Adé si je peux lui parler maintenant en présentiel. Il passe en vert. Je peux passer les voir.
- Il reste de la soupe.
- Volontiers Hilde, comment va ?
- On commence à ressentir des choses, Adé a des nausées et des envies bizarres, je dois pimenter tous les plats. Elle est un peu relevée aujourd’hui, la soupe.
Et elle me laisse avec Adé qui reste assise pour me recevoir. Elle a l’air fatiguée.
- Soulagée surtout, de ne plus avoir à me lever pour l’office, ou le pasteur. Tu devrais raccrocher aussi, laisser la place aux jeunes et vivre pleinement ton éternité avec Aurélie.
- Avec Aurélie ça fait déjà une éternité. Je viens te voir pour autre chose, Lou, elle va m’aider à construire la Cathédrale.
Elle sourit.
- Bon choix, elle est la meilleure d’entre-nous. C’est pour ça qu’on la mise à la fin de la hiérarchie.
- Et Greta m’envoie des flashs de très loin dans le futur. On aura notre rôle à jouer, toi et moi, dans la B6.
- Sans doute. Je m’accorde une pause existentielle mais je sais que je ne peux pas y échapper, à l’Invisible, à mon destin, au tien.
- En attendant, on a le temps, notre tour n’est pas venu, on va laisser la main à d’autres. Tu as raison, dès que l’E.C. est terminée, je m’accorde une pause aussi. Et ton ventre ?
- C’est une fille, Mathide. On peut échapper au iel quand on est une terrienne. J’espère qu’elle s’entendra bien avec Rafa. Mais au fait, les flashs, de Greta, ça veut dire que tu as eu un contact rapproché avec elle. Tu as bu de son lait ? C’est pire que le philtre. Mais tu as de la chance, les effets sont moindres et durent moins longtemps sur les garçons.
- Je ne vais pas t’embêter avec tout ça. Je voulais juste te prévenir. Pour que tu profites encore plus et encore mieux de ta pause.
- Merci Pat. Toi aussi, profites-en bien, de toutes, mais pas de Lou !
- D’accord, promis. Sur la croix. Je jure. Je crache ?
Elle rigole.
- Dégage de ma vue, homme de Dieu.
*
Greta arrive chez nous avec Mona-Lisa. Les deux mamans nourrissent leur bébé. Tel que je les connais, je pense qu’elles ont dû échanger, vu leur tête en sortant de leur pièce intime.
- Victor va passer la nuit avec la grande Kate. Est ce que je peux rester ici ?
- Victor et Kate ? Drôle de couple.
- C’est pire que ça, je crois qu’ils sont devenus amis. Ils ont plein d’activités communes non sexuelles.
C’est une définition de l’amitié originale mais juste. Mais nous on se met au lit et elle se blottissent contre moi, Aurélie à ma droite, je suis à la gauche de Dieu. Greta est maintenant plus grande, plus voluptueuse, plus féminine en comparaison avec mon Aurélie. Et chacune dans son style elles s’attirent et elles m’attirent en descendant mélanger leur bouche autour de mon désir pour elles, jusqu’au bout de ma semence qui jaillit sur leurs visages, elles se nettoient en s’embrassant et rassasient leur soif sur leurs mamelles respectives en attendant que je sorte de ma torpeur et être prêt à nouveau pour que Greta puisse me faire entrer en elle avec en face Aurélie qui s’assoit sur mon visage et je les entends gémir et se respirer l’une l’autre jusqu’à l’asphyxie pour décupler leur plaisir pendant que je goûte au fondement excité de ma femme qui s’agite encore et encore. Quand je reviens à moi, Aurélie et moi sommes de part et d’autre de Greta qui se plaint doucement de la main qui s’agite sur le bas de son ventre. J’en profite pour gober son sein encore gros de toute l’énergie d’amour qu’elle a à nous donner. Et elle déclare :
- On est le 15 janvier 2116, c’est ma nouvelle balise d’amour pour vous.
Et on s’endort. Et je me réveille. Et je me lève. Je les laisse dormir. Je vais à mon bureau regarder les plans de l’E.C. Lou a mis des croix rouges aux endroits des symboles à cacher. Il y en a un qui se retrouve hors structure. Il faudra ajouter une statut pour le dissimuler. Je sens une main sur mon épaule, c’est Greta.
- Comme tu es belle, après l’amour.
- Et toi tu es déjà au travail.
- Et toi tu ne rentres pas dormir avec Victor.
- Je n’ai plus besoin de lui maintenant que j’ai ma Mona-Lisa.
- Tu crois qu’elle faisait partie aussi du programme de la mission G-2003 ?
- Qui sait ? Mais cette nuit, je ne pense pas que c’était écrit. C’est si intense avec vous deux. Je passe mon temps à reprendre le contrôle de mon libre arbitre, hors du programme. J’improvise, comme avec Énola. Après, qui je suis vraiment ?
Je laisse tomber mes plans et je prends son visage entre mes mains.
- Tu es vraiment belle. Tu rayonnes et tu transmets l’Amour. You are Greta. On a besoin de toi, avec ou sans pouvoir, Déesse ou programmée, peu importe. Tu es douce, tu es chaude, tu sens bon et tu nous amène à l’extase de l’existence dans l’éternité.
Je la serre dans mes bras. Elle soupire, elle s’abandonne, je l’embrasse dans le cou et je lui caresse les fesses. On se pose sur le canapé et je lui soulève les jambes, nos regards restent collés l’un à l’autre comme si nos âmes étaient ligotées, et j’y vais tout doucement pour faire durer ce moment de partage absolu et intime dans la passion charnelle éternelle.
- Patrice, lâche-toi, juste un shoot de plaisir et on retourne dormir. On recommencera au lever du jour.
Il n’en fallu pas plus pour libérer mon plaisir, et après un gros câlin, elle se dégage pour aller voir Pierrick qui appelle. Elle va le soulager aussi, au sein, avant de nous rejoindre au lit se glisser entre nous.
*
Et quand elle part avec son bébé dans les bras, Aurélie l’accompagne dehors avec Pierrick dans les siens. Elles se retournent et là je comprends que Mona-Lisa et Pierrick sont maintenant liés pour avoir bu aux seins de ces deux mamans. Ce n’était pas seulement une nuit d’amour et de partage, il s’agissait en fait d’une cérémonie occulte pour la B5. Et Greta propose :
- Ce serait bien de se revoir ainsi, une fois par semaine. Pour les bébés. Et pour nous aussi. Parce que maintenant, on est une famille.
*
C’est ce que je raconte à Adé qui me plie dans tous les sens dans son cabinet de la Clinique Centrale de Sylvania.
- Patrice, il faut ménager ton corps. Sois plus passif, laisse les jouer ensemble. Et tu les ralentis dans leur plaisir alors ça ne sert à rien à t’user comme ça. Il faudrait deux semaines de récupération entre deux séances avec Greta.
- Sinon, tu vois encore la B4 ?
- Tu es le chapitre 14 du tome III. C’est la fin du chemin de croix. Mais pas la fin de la B4. Il reste presque 250 pages à écrire encore. C’est drôle.
- Quoi ?
- La première fois qu’on s’est rencontrés, c’était aussi pour une consultation, à Dijon, en 2035, page 91 de la B4. Là aussi tu voulais savoir des choses, autre chose. Tu consultes tous les 80 ans. Je te donne un rendez-vous pour 2196 ?
- Il faut laisser tomber ce calendrier. Il n’est pas de notre monde. Il vient d’un endroit qui n’existe plus.
- Mais la Terre existe encore en nous.
- Elle n’est pas comparable à la chronologie locale. Mieux vaut s’en tenir aux versions de la Bible. On est en B3. Bientôt en B4. Peu importe les années dans l’éternité immortelle. On est en quelque chose avant Lou One.
- Chapitre 15 de la B 4. La sœurette Lou va se révéler.
- Comment vous l’avez trouvée ?
- C’est elle qui nous a trouvé. Vous travaillez ensemble, c’est à elle de te raconter son histoire. Moi je n’ai plus le droit d’en parler. Même Paulette te dira rien, secret de la confession, même pour toi Pasteur Père Supérieur.
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