St-P.

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Je retourne à mon laboratoire à Westech pour récupérer mes outils et quelques affaires. Les autres me regardent bizarrement, comme d’habitude. Je ne suis pas leur leader ou quoi que ce soit. Eux se croient créateur ou auteur au lieu de simple dessinateur de structure. Ils regardent d’un mauvais œil mon style ésotérique. Et ils se méfient de moi depuis que les Chevaliers de l’Apocalypse s’intéressent à mon travail. Je devrais leur annoncer mon absence prolongée mais je n’ai rien à leur dire et je ne vais sans doute pas revenir. Je fais les aller retour jusqu’à ma navette. Je m’arrête un instant dans le couloir où je regarde les photographies des promotions. Je trouve la bonne. Section astrophysique. Elle est là, devant, à la place du major, à la droite du professeur Bang. Mon collègue des structures suspendues vient me parler :

  • Artémis, j’ai retrouvé un exemplaire du livre de cette promo. Tu veux la voir ?

Il ouvre à la bonne page. Il y a son portrait officiel. Je regarde de plus près. Elle avait de beaux yeux ocres qui tiraient sur l’orange.

  • Elle a les yeux bleus maintenant. Au fait, ils n’ont pas l’air très au point sur les fondations de l’E.C. Tu peux venir nous aider ?
  • Je fais plutôt des ponts, pas des cathédrales.
  • Justement, ils vont la poser au dessus du Jourdain. En fait, c’est un pont. Je t’envoie le dossier.

Je lui donne mon carton et je prends mon Monolithe pour lui transférer ce que j’ai sur la partie basse. Je reprends mon carton et il commence à regarder sur son mono. Je l’abandonne à sa lecture. Quand je reviens il est encore là avec son livre à la main :

  • Ils ont une approche classique, inappropriée pour un tel poids. Il vaudrait mieux la poser sur deux ponts surélevés.
  • On a une réunion de chantier demain. Je t’envoie l’invitation avec le protocole d’accès.

Philibert. Mais il signe FL. Alors on l’appelle Eiffel.

Une fois rentré je demande à Lou :

  • J’ai vu ta photo à Westech, tu avais de beaux yeux oranges. Que s’est-il passé ?
  • C’est depuis ma rencontre avec Greta. Elle a laissé un peu d’elle en moi. C’est pour ça que je suis plus audacieuse et agressive qu’avant aussi. Sans elle, je ne t’aurais jamais sauté dessus. Elle a changé ma vie, et la tienne du coup. Mais on est toujours nous, non ? Paul, je me demande si tu m’aimeras toujours lorsque je serai redevenue moi.

Je ne lui ai jamais dit que je l’aimais. C’est elle qui l’a décidé. Comme mon prénom. En fait j’ai hâte de connaître l’ancienne Lou. Celle-ci ne me laisse pas de place dans le couple. Pour l’instant, ça va, c’est du zob in job. Mais après, on verra bien si il y a un nous. En attendant, je me sens un peu sous mauvaise influence.

*

Elle me met un bracelet argenté avec mon prénom de baptême.

  • C’est une gourmette.

Elle l’embrasse.

Elle me met une fine corde noire autour du cou avec un pendentif de sa croix en plus au design celtique et de couleur nacrée orange et ocre.

  • C’est la nouvelle croix de la B4.

Elle l’embrasse.

  • Elle est belle. C’est la vraie couleur de tes yeux. J’aimerais les découvrir.
  • Pas tout de suite. Un jour, si tu restes assez longtemps avec moi. Mais pour l’instant j’ai besoin de la potion magique de Greta.
  • C’est quoi cette histoire d’alcool ?
  • La plupart des filles ne peuvent plus en consommer. Toutes celles qui sont en couple avec un garçon. On est toutes fertiles et enceintes, en latence. On peut déclencher le processus quand on veut. Soit pour l’annuler. Soit pour le lancer. Par un acte médical.
  • Et si il y a plusieurs partenaires ?
  • On peut choisir.
  • Et les filles entre-elles ?
  • En général, ce n’est possible qu’avec le Brisim, même si il y a quelques exceptions beaucoup plus compliquées.
  • Est-ce qu’on peut choisir le genre ?
  • Il n’y a plus de garçons. Il reste quelques filles. Pour le reste ce sont des iel. Les jumeaux mixtes, c’est terminé aussi. L’avenir de notre civilisation immortelle passera par la stérilité ou par les Chevaliers de l’Apocalypse. Ils ont leur rôle à jouer. Ils sont importants. C’est pour ça que je les veux pour l’E.C.
  • C’est pour ça que tu es avec moi. Parce ce que je peux te les amener.
  • L’idée est excitante. De me donner à toi pour les avoir. Mais je te l’ai déjà demandé, avant tout ça. Après, si tu veux un bébé en échange de ce service, c’est maintenant possible.
  • Je veux juste connaître la vraie Lou.
  • La vraie Lou est sérieuse, studieuse, prétentieuse et perdue dans un chemin où elle ne se trouve pas.
  • J’ai hâte de la rencontrer. Je l’aime déjà.
  • En attendant, tu es condamné à profiter de moi, pendant que je te distrais.

Et elle descend soulager mon désir et absorber mes fluides comme elle boit celui de Greta. C’est notre première nuit chez nous dans notre maison, ma conscience s’éteint au fond de sa gorge et je perds connaissance.

*

On se réveille sous la douche. Elle a l’air plus calme, plus détendue. J’écarte sa frange pour regarder ses yeux. Je vois enfin sa vraie couleur, mais que sur un œil. Elle est toute douce, toute câline. Elle ne se coiffe pas, elle ne s’habille pas correctement.

  • J’ai la flemme. C’est mon day off. Je ne crois plus en rien, même pas en moi. Mais qui es-tu, beau gosse ? Qu’est ce que tu fais là ?
  • Je suis ton prisonnier, ton esclave sexuel aussi. Tu m’exploites pour construire la maison de Dieu.
  • Ah oui, ça y est, je me rappelle, je t’ai torturé à petite mort. Tu va voir, Paul, tu vas bien t’ennuyer avec moi.
  • J’espère bien.

On finit par s’activer, on s’habille et on range la chambre. Elle me fait un bisou ou un câlin de temps en temps. On prépare le petit déjeuner.

  • Ton œil gauche est resté bleu.
  • Il va peut-être le rester. Ma mère a les yeux bleus.

On sort, emmitouflés, on flâne, je lui raconte l’architecture de la ville, elle m’explique les lieux de culte. On traîne dans le parc vers le terrain de jeu, tyrolienne et balançoire, ensuite on joue au ballon ovale avec d’autres jeunes. On gagne, ils ont fait Westech aussi, la coupe des écoles est toujours là-bas. On rentre préparer le déjeuner.

  • C’est vraiment bien d’avoir un jour de récupération après le dimanche. Demain on se remet au travail.
  • Mais sans ton dopant, juste une semaine paisible sans conflits, tout en douceur, tu veux bien ?
  • Oui mais on va pas avancer beaucoup alors.
  • Non, mais on a l’éternité.

L’après-midi on reste au chaud, cocooning. Les voisines viennent nous voir, on fait une partie de cartes. Lou est un peu intimidée par Énola. Marielle m’ausculte, elle me trouve un peu raide. J’ai quelques courbatures à cause de la vigueur de Lou. Autour de la table, tout le monde aspire à une vie simple. On se donne rendez-vous lundi prochain et on se couche tôt pour affronter les jours de travail qui nous attendent. Et cette nuit dans le lit c’est beaucoup moins sauvage, c’est beaucoup plus tendre. Elle est enfin elle-même.

  • Alors voilà qui tu es, une vraie Lou, une Lou plus.
  • Tu es aussi mon plus, Paul. On va être heureux, pour l’éternité.

Et elle colle sa croix contre la mienne. Plus + plus = plus.

*

Sur le chantier, FL reste dubitatif :

  • On a combien de temps ?
  • Dans leur religion, il y a une échéance qui approche. C’est la fin de la B4. C’est la quatrième version de la Bible, le livre de référence. Les deux premières ont eu lieu sur Terre. La B3 est la première version locale. Chaque génération aura sa version. Une B5 et une B6 sont prévues. Mais pour notre cathédrale, on est pas liés à cette échéance. On sait juste que c’est là que le couronnement du Roi et de la Reine sont prévus. Spencer et Clémence. Mais ils ne sont pas pressés et nous non plus.
  • Tant mieux. On peut donc faire du bon travail.

Je le regarde faire ses prévisions au tableau. Si on additionne toutes les durées, on arrive à deux siècles. Ça couvre au moins la B5 et la B6.

  • Quand je disais pas pressés, c’était deux ans pas deux siècles.
  • Deux ans ? Ce sera déjà habitable, mais en travaux.
  • Ça marquerait un début de règne, un couronnement dans une esquisse, l’évolution de la cathédrale sera le symbole de la progression de leur royauté. Bonne idée.

Sœur Fiona prend pour une punition de nous chaperonner sur le chantier. Ce n’est pas son milieu ni son style. Elle s’est faite des grosses nattes pour protéger ses longs cheveux blonds et ne quitte plus ses bottes et sa grosse parka orange fluorescente. FL la taquine et elle reste de marbre :

  • Bonne idée ma Sœur, c’est assez lourd pour les fondations.
  • C’est toi qui est lourd et je ne suis pas ta sœur.

Une réponse qui peut paraître agressive mais on voit bien qu’elle est intéressée. On essaye juste de la distraire. Pour lui montrer qu’elle fait partie de l’équipe, FL lui fait des blagues. Il marque discrètement un énorme plus noir sur le dos de sa parka. Quand elle s’en aperçoit, elle est furieuse.

  • Qui a fait ça ? FL, donne moi ta bombe.

Il s’exécute. Elle prolonge le plus pour faire une croix chrétienne et explique :

  • Je ne suis pas une Novice.

Et elle remet sa parka en jetant la bombe à la tête de FL qui accuse le coup en se tenant le front. Désolée, elle se précipite sur lui et il y a comme un court circuit dans l’air, le premier contact entre les deux. Ça promet… L’ambiance redevient studieuse jusqu’au casse-croûte du brunch. FL pose ses conditions :

  • On avance trop vite. Je propose de venir sur le chantier que le matin. L’après-midi on reste au chaud au cabinet pour mettre en pratique le projet. Fiona, n’hésite pas à nous interrompre ou nous arrêter dès qu’on fait fausse route dans les codes établis. On ne maîtrise pas du tout les symboles de votre spiritualité et Lou n’est pas toujours là, elle n’est pas non plus la seule sur qui on doit compter.
  • Moi non plus, j’ai à faire. Je vais demander à Marion de me remplacer de temps en temps. C’est ma Sœur supérieure. Il faut qu’elle participe aussi.

FL semble déçu. Il commence à apprécier Fiona mais elle ne sera pas toujours là.

*

  • Paul, ta famille sait que tu es à Sylvania ?
  • Non, ils sont quelque part dans les îles à préparer l’exode des jeunes qui n’aura pas lieu. Et les tiens ?
  • Ils sont au courant de tout, ils travaillent à l’Octogone. Mais je ne peux pas te les présenter non plus.
  • Et toi, tu n’étais pas apte à être une agente ?
  • Qui sait ? Je suis peut-être une agente reproductrice ou alors je suis en mission pour infiltrer le Vatican, ou les deux. Les choses n’ont pas tourné comme prévu. Même les terriennes ne parlent plus de conversion. Tu as déjà connu une terrienne ? Intimement. Non ? Je peux te présenter Greta.

Je regarde ses yeux pour vérifier. Son œil droit est toujours ocre.

  • Ça va Lou ? Tu as l’air contrariée.
  • C’est rien, c’est mes hormones, ou un back trip, ou alors je suis en manque.

Je la prends dans mes bras et je la serre. Elle est juste perdue. Il lui faut de l’affection. Je lui fais plein de bisous. Je lui fais un massage et ensuite je lui prépare une boisson chaude et relaxante. J’en profite pour mettre une musique de fond et supprimer ce silence oppressant. J’allume même la cheminée, avec du vrai bois qui était en stock dans le garage. J’éteins les lumières et on se blottit devant les flammes, je lui chuchote des mots doux et elle commence à cligner des yeux avant de s’assoupir. Je m’assure que ma main est bien chaude avant de la plonger dans sa culotte. Je l’entends expirer plus fort, elle garde les yeux fermés et de petits gémissements se font entendre. De mon autre main je passe sous son pull pour caresser ses seins aux tétons pointus d’excitation. Je les pince doucement en accélérant le mouvement dans sa culotte pour faire diversion. Elle tresaille quand je la surprend en variant les mouvements et puis j’ose entrer un doigt en elle en lui léchant l’oreille pour la concentrer ailleurs. Le feu craque et elle commence à se tortiller. Comme je ne suis pas assez efficace, elle prend le relais et poursuit son plaisir qu’elle fait durer jusqu’à ce que les flammes s’éteignent et que la braise orange rayonne sur nos corps en effervescence. Quand elle ouvre enfin les yeux, je ne vois plus de bleu, elle est enfin elle, elle-même, dans mes bras.

  • Enchanté, Lou.
  • Enchantée, Artémis.

On va pouvoir commencer à apprendre à se connaître.

*

Je sonne à la porte de la Caserne. Greta est souriante, belle, splendide, un vrai soleil.

  • Bonjour Greta, je suis Paul Artémis, je suis monsieur Lou. Elle m’a trouvé à Westech, je suis spécialiste dans la construction des structures, notamment des ponts, elle a besoin de moi pour l’E.C. qui va être construite sur le Jordania.
  • Bonjour Paul. Je suis au conseil de sécurité de l’ouest. Sa directrice, Gaby, m’a donné accès aux dossiers qui me concernent, notamment la procédure pour me faire venir sur la planète C depuis la Terre. Dedans il y a un protocole qui porte le même nom que vous. Ce n’est pas une coïncidence, n’est-ce pas ?
  • Non, je travaille sur toutes sortes de ponts, pour passer d’une rive à l’autre, d’un endroit à un autre. Mais ça, Lou ne le sait pas. En fait personne ne le sait, à part Alice et le C.S.O.
  • Bien, Paul. Qu’est ce que je peux faire pour vous ?
  • Lou. Elle est jeune. Elle est fragile. Elle supporte mal votre… traitement.
  • Ce n’est pas un traitement, juste un allumage. Mais vous avez raison, il y a sans doute une séance de trop. C’est bien que quelqu’un s’inquiète pour elle, en dehors de l’Invisible. Vous allez lui raconter ce que vous avez fait, pour moi et les autres terriens ?
  • Greta, je n’ai pas le droit. Tout comme je ne vais pas vous demander ce que vous avez lu sur Lou dans vos dossiers du C.S.O. Je ne le sais pas moi-même. Je sais juste qu’elle a été major de sa promotion avec le professeur Bang. Alors…
  • Paul, il faut pas se formaliser. Seul le présent compte. Tous mes vœux de bonheur avec Lou. Soyez heureux. Vous le méritez. C’est un réel plaisir de te connaître. C’est bien de pouvoir t’avoir en face pour te dire… merci.
  • C’est à nous de te remercier.

Elle me tend la main et un sourire. Je m’approche d’elle, très près, dans son cercle d’intimité, je mets les mains sur ses hanches pour la rapprocher encore et je lui fais la bise, et elle me fait la bise, et elle rit. Elle me raccompagne vers la sortie. Je m’en vais, elle laisse la porte ouverte pour me regarder m’éloigner. Elle doit penser à un tas de choses, ou pas. En tout cas moi je suis content de l’avoir rencontrée, surtout de cette façon. Je me retourne en souriant et je suis interloqué par la douceur de son regard. Au revoir, Greta.

*

  • J’ai rencontré Greta.
  • Et alors ? Vous avez fait quoi ?
  • On a juste parlé. De toi. Je lui ai demandé de te laisser être la vraie Lou. Tu peux y arriver en restant toi, Lou.
  • D’accord, et ensuite ?
  • Ensuite je lui ai fait la bise.
  • Ah ? Et…
  • Et c’est tout. Elle est très impressionnante.
  • Oui, tu verras, la prochaine fois.

On sonne. Je ne savais pas qu’on avait une sonnette. Je vais ouvrir. Derrière les fleurs et une bouteille de vin, un regard bleu apparaît. Je sens les bras de Lou m’enlacer par derrière et elle me susurre à l’oreille :

  • Surprise !

Greta entre avec sa bonne humeur et sa joie de voir un vrai feu. On s’installe tous les trois devant et on admire le spectacle. Je vois les flammes danser dans les yeux de Greta. Elle enlève son manteau et se blottit entre nous :

  • Les enfants, je vous préviens, je n’ai plus de lait. J’ai tout donné à Mona-Lisa avant de venir, me ressourcer.

Et elle embrasse Lou et elle m’embrasse. Et on s’embrasse. Et on se mélange. Et elle expose ses fesses au feu avant de me les offrir, toutes chaudes et je réchauffe mon ventre dessus pendant qu’elle lèche celui de Lou. Je fais de lents et profonds mouvements d’aller et venue et puis elle s’agite et je suis le rythme mais les sensations sont trop fortes et je m’écroule vite de plaisir. Elle prends mes bras qu’elle appuie sur ses seins dans une tendre étreinte avant de se retourner et me serrer dans ses bras pour m’embrasser et me dire à voix basse :

  • Je suis ta première et ta dernière, je t’appartiens pour toujours et à jamais.

Et elles se mélangent à travers moi, je ne sais plus qui est qui, comme si on était un nous. Au lever du jour, Greta doit partir.

  • Mona-Lisa a faim, je dois la rassasier.

Je vérifie les yeux de Lou. Ils ne sont pas devenus bleus. Elle nous prend les main et annonce :

  • Je vous aime.

Elle est tellement pleine d’amour. Le distribuer, c’est sa façon de faire connaissance. Dès qu’elle est partie, Lou se place sur moi et on se reconnecte pour faire connaissance aussi. Et c’est à ce moment là, avec ses yeux oranges à elle qu’elle me dit quand même :

  • Ça y est, je te l’ai présentée. Maintenant, est-ce que tu m’autorises à la revoir, seule, et à boire de son lait ?
  • Maintenant que je connais la vraie Lou, oui.
  • Paul, toi aussi je t’autorise.

Et elle m’embrasse langoureusement en tortillant son ventre pour le réveiller et me stimuler. Ma vie avec Lou : nuits de plaisirs, jours de loisirs et un peu de travail pour l’éternité.

*

Je ne pensais pas que ça allait être aussi rapide. Elle me reçoit secrètement dans un endroit très discret : la Suite Royale du Palace. Dès qu’elle ouvre la porte, la chaleur de sa lumière m’envahit déjà. Je commence par lui faire la bise mais ça se transforme en bisous et elle se jette sur moi, je la soulève pour l’appuyer contre le mur et une passion violente s’empare de nous. On parvient tout de même à atteindre le lit dans nos habits déchirés et je me retrouve sur elle, ses jambes écartées m’entourent la taille et je la secoue à mon rythme en admirant ses seins juteux qui ne demandent qu’à être goûtés mais elle met ses mains sur mes joues pour orienter mon regard dans le bleu profond de ses yeux et me dire :

  • Nourris moi d’abord de ta semence.

Alors j’accélère, de plus en plus vite, jusqu’à l’extase et je m’écroule sur son oasis de bonheur. Ma bouche erre sur ses dunes jusqu’à trouver sa fontaine de Jouvence. Et je bois au lait de Dieu. Elle fait de moi son disciple. Son énergie pénètre mon corps. Elle relève mon visage et ma bouche pleine finit dans la sienne. L’amour nourrit l’amour, elle en déborde et je m’y noie dans une petite mort qui paraît tellement grande. Mon désir se réveille déjà et je recommence à me déhancher en soulevant ses cheveux pour mieux me plonger dans son grand bleu, encore et encore. Elle passe par dessus moi pour diriger la manœuvre, elle ralentit, elle reprend sa respiration, elle transpire, elle suinte de partout. Et elle s’arrête.

  • Paul ?
  • Greta ?

Elle a l’air perdue. Je me retire et je la prends dans mes bras, je la berce. Elle m’agrippe.

  • C’était tellement fort, trop fort pour moi.
  • Je t’ai fais mal ?
  • Non, c’était juste trop intense. J’ai eu peur. Qui es-tu donc, Artémis, pour me mettre dans un état pareil ?
  • Je suis monsieur Lou.
  • Ça doit être ça.

Et elle descend son visage dans mon bas-ventre pour terminer notre entrevue. Quand je reprends conscience, sa tête est appuyée sur mon torse et elle dort en gémissant doucement. Je la réveille et on se tient l’un à l’autre pour aller sous la douche.

  • Paul, je t’ai fais venir pour parler de choses importantes mais j’ai tout oublié.

Je la lave et je me lave. Je la sèche et je me sèche. Pendant que je la coiffe elle continue :

  • C’est une info du C.S.O. Mais laquelle ?

Je l’embrasse sur la joue.

  • Laisse tomber, je ne suis pas habilité.
  • Qu’est ce qui m’arrive ? Personne ne m’a jamais fait cet effet.
  • Moi non plus.

Et on se met à rire.

  • Greta, j’aime bien être avec toi.

Elle pose sa main sur la mienne.

  • Moi aussi Paul.
  • Faut pas chercher plus loin.
  • Non. Oui, vivre le présent, ça suffit.
  • Bla bla bla.
  • Tu te fous de moi.

Je la chatouille mais elle ne rit pas. Elle se tourne pour m’embrasser :

  • Mon corps non plus ne répond plus tellement tu l’as… honoré.

Je l’embrasse aussi en lui caressant la joue. Elle touche ses cheveux :

  • Tu m’as fait des nattes !

Et je l’embrasse à nouveau et elle rit. Et puis elle me regarde :

  • Et toi, raconte-moi. Quel effet ça t’a fait de boire mon lait ?
  • Je me suis senti en terrain connu. Je l’avais déjà senti sur Lou. Et là je te sens en moi. J’ai les yeux bleus ?
  • Oui, un peu. Et ton esprit ?
  • Je me sens éclairé.

Elle me prend la main, on se lève. On s’embrasse. On s’habille, on se rejoint, on s’embrasse. Je m’en vais, elle me retient, on s’embrasse. Tout plein avant que la porte ne se referme et nous sépare. Je reste là encore un moment à caresser la porte. J’inspire un grand coup et je rentre, à la maison.

*

  • Alors ?
  • À toi de me le dire. Regarde mes yeux. Il y aura peut-être aussi des changements dans mon humeur ou mon comportement. Greta aussi a l’ai pas mal chamboulée.
  • Mettons-nous au lit, je veux la sentir en toi, en moi.
  • Tu es vraiment accroc. Mais essayons autre chose, prends ton Brisim et défoule-toi.

Je me mets en position. Elle prend un peu de temps à faire les réglages. C’est sa première fois. Elle crie de surprise. Et elle comprend tout le sens du va et vient. Et on se retrouve un peu plus tard étendus sur le lit, complètement détendus.

  • À quoi bon construire une cathédrale, on sait déjà où trouver notre bonheur. Tout le reste semble si futile, inutile, dérisoire.

Alors je repense à mes plans. Comment faire passer cette impression là-dedans ? C’est ce à quoi je réfléchis sur place le lendemain devant les grands tableaux du chantier quand quelqu’un me tape dans le dos. Je me retourne et sous son casque je devine le regard bleu de Greta. Même dans cette tenue elle est si belle.

  • Tu as gardé tes nattes ?
  • Oui, mais c’est surtout parce que c’est toi qui les a faites.
  • Alors tu as retrouvé la mémoire ?
  • Justement, non. J’ai regardé les rapports et relu mes notes, rien. C’était sûrement en off, non classifié.
  • Moins on en sait, mieux on se porte. Sauf pour toi. Alors enlève tes gants et donne moi tes mains.

J’enlève les miens aussi et j’attrape ses doigts tous chauds. Je ferme les yeux et je dis la première chose qui me passe par la tête :

  • Ça me concerne, c’est lié à Lou, à notre descendance. Ce sera une iel ou bien ?
  • Oui, bien-sûr, ça me revient. Tu as des pouvoirs Paul ?
  • Non Greta, c’est toi qui a des pouvoirs. Il faut juste que tu crois que ça vient des autres.
  • Belle analyse psychologique. C’est sans doute un effet de mon lait.
  • Alors, qu’est ce qui se dit au CSO en off ?
  • C’était le bon endroit pour s’en rappeler. Il va y avoir une politique de non croissance des villes et des infrastructures. On en a déjà trop. Il faudra de nombreux siècles pour remplir tout ça, même en étant toutes tout le temps enceintes.
  • C’est vrai, cette cathédrale est peut-être de trop. Il y a tellement de structures à rénover déjà. On arrête le chantier ?
  • Pas encore, on a pas voté. Mais on est dans une dynamique d’annulations. L’exode, la conversion, il se passe quelque chose. Et à ton contact aussi il se passe des choses, en moi. Est-ce que tu peux me présenter à tes parents ?

Elle les convoque en ma présence, à la Mairie, avec Rachel comme témoin hors CSO.

  • Artémis m’a dit que vous étiez des aventuriers. Découvrir et créer des mondes. Ça a commencé comment ?
  • Dans l’espace quand il était à la mode. Maintenant on sait que le plus important est sur la planète C. L’espace est hostile et sans intérêt, la plupart du temps. Si, il y a juste une fois où on est tombés sur un phénomène inexpliqué. On ne l’a pas vu tout de suite. Il n’y avait rien au radar à large spectre. On l’a découvert par déduction, parce ce qu’il supprimait, une sorte de négativité. En le modélisant, ça a donné un parallélépipède rectangle, noir. On l’a surnommé le monolithe. Plus on s’en approchait, plus des évidences disparaissaient, des évidences physiques et psychiques. J’ai eu juste le temps d’appuyer sur « rear » avant de perdre connaissance. Notre vaisseau nous a ramené à notre point de départ. Mais je crois qu’on a perdu des choses dans l’histoire, mais quoi ?
  • C’était avant la naissance de Paul. Je crois que tout est en lui. J’ai eu la même impression, à son… contact. Il y a un rapport avec nos Monolithes ?
  • Oui et non, on a participé à la mise au point de ces trucs. La forme nous a rappelé notre aventure.
  • Vous avez gardé les coordonnées du Monolithe ?
  • Oui mais ça ne sert plus à grand-chose. C’était dans un autre multivers qui a disparu depuis.

Ils se tournent tous vers moi.

  • Ou pas.

Je n’ose plus bouger. Alors je me lève brusquement et je crie :

  • BOUUUH !!!

Tout le monde sursaute. Je ris :

  • Je vois que vous avez encore tous votre cerveau reptilien.

*

  • Tes parents sont sympas.
  • Oui, tu crois qu’ils m’ont conçu sur leur monolithe ?
  • Je ne crois pas à grand-chose mais Lou t’a repéré avant moi.

On les regarde partir vers leur navette. Ils retournent sur leur île préparer l’arrivée d’une exode qui n’aura pas lieu. Gouverner c’est prévoir mais dans ce cas là prévoir c’est se tromper. La jeune génération a repris le contrôle de son présent alors l’Invisible diffuse des fictions. Je suis sûr que Greta y est pour beaucoup dans cette histoire. Elle a sans doute le pouvoir de réécrire l’histoire et de nous offrir à chaque fois la meilleure version.

  • Moi non plus je ne croyais pas à grand-chose. Jusqu’à ce que je boive ton lait.
  • Moi non plus je ne croyais pas à grand-chose. Jusqu’à ce que je reçoive ta semence. Et sans toi je ne serais pas là et les autres terriens non plus.
  • Ça a été un travail d’équipe et tu faisais partie de l’équipe. Et moi j’ai mon monolithe comme toi tu as ta mission G-2003. Notre rencontre est un court-circuit existentiel.
  • Une disjonction sexistentielle.

Elle me prend la main et j’entends comme une électrocution qui me fait bondir. Et je vois Greta étouffer de rire. C’est elle qui a imité le bruit. Très drôle. Je lui cours après mais elle est rapide. J’abandonne. J’accepte la défaite. Bien joué. Un partout.

  • Greta, un peu de sérieux. J’ai encore un peu du bleu de tes yeux, non ?
  • Non, t’es redevenu toi. Bon allez, assez joué, on doit rentrer chez nous dans nos vies.

Et elle s’approche et me fait un bisou. Pas d’électricité dans l’air cette fois ci. J’ai hésité à lui faire mais non, pas sur ses bisous tout doux. Je la prends dans mes bras et je lui fais un gros câlin. Elle arrête de ricaner. Elle me murmure :

  • Tu m’aimes bien ?
  • Non, Greta, je t’aime assez bien.
  • C’est tout ?
  • Tu es tout et je suis rien.
  • Paul Artémis, j’espère que tu seras toujours là près de moi. I need you, I love you.
  • Greta Thunberg, je viens même de te présenter à mes parents.
  • Il ne faudra rien dire à Lou.
  • Ça sera notre secret.
  • Encore un.
  • Encore plein.
  • Vas-y, dis-le.
  • Je t’aime Greta.

On s’embrasse.

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