Quelques vers de plus

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Marie…

Tu serais là si calme, si sereine que le vent,

Craignant de déranger, cesserait d'agiter

Tes longs cheveux soyeux qui ce matin d'été

Jaillissaient de ton châle, comme des flots turbulents.

Jouant à saute-mouton parmi les blancs nuages,

Le brillant Apollon illuminerait cent fois

Ton visage d'albâtre dans son écrin de soie

Afin de s'admirer dans tes grands yeux sages.

Et puis repartirait pour ne pas t'éveiller

Tu dormirais si bien. Un oiseau malicieux

Qui oserait émettre un sifflement joyeux

Sur l'heure assurément se ferait rabrouer.

… Marie

Il y a comme ça des matins où on se sent bien.

Pas de ces matins blêmes, de ces matins chagrins

Où tout ne semble rien, et femm’ rim’ avec catin

Travail avec torture et vie avec chien.

Mais des matins sympas où l’air est parfumé

Et le ciel lumineux, où les voisins sourient

Et où les oiseaux chantent comme un hymne à la vie

Comme un hymne à Marie, au plaisir, à l’été

SATIEH

Dans le palais somptueux où vit Satieh la belle,

Quand, le souffle des Dieux parfumant Srinagar,

Les pics majestueux brillent dans son regard,

Je suis, larve putride, allongé dans la ruelle

D'une geôle profonde où, condamné par celle

Que je croyais atteindre, je souffre de n'avoir d'elle

Que l'image incertaine d'une grande solitude,

Sans âme et sans désir d'atteindre enfin le port

Diaphane caravelle voguant par habitude,

Où nul ne l'attend plus. Le capitaine est mort !

C'eût été pourtant magnifique de relier

Enfin le prophète et Brahmâ. D'habitude,

Ils s'opposent ou s'ignorent et, c'est cette ternitude

Que, peintre illuminé, je voulais éclairer.

Je n'avais pas compris que ce jardin sacré

Focalisait des forces que nul ne contrôlait.

Elles furent mises en œuvre en des temps très anciens,

Afin de réguler harmonieusement,

Les rapports entre l'existence et le néant,

La pensée et la matière, le Dieu et l'humain.

Mais l'homme qui lassé par les jeux de ses Dieux,

Voulut alors transmettre à ses pairs la lumière,

Oublieux qu'il était, sublime Lucifer,

Qu'leurs esprits trop étroits, trop éloignés des cieux,

Attachés à la terre, à la chair, à la vie,

Liés les uns aux autres par l'émotion, l'envie,

Quelquefois par l'amour, mais alors passionnel,

Plus soucieux de bien-être ou de vie éternelle,

Que de compréhension de leur propre univers,

Prêts aux compromissions pour ne pas faire d'efforts,

Désireux de rester dans le ventre de leur mère

Pour ne pas affronter le réel au dehors,

Ces esprits trop étroits exploseraient sûrement

S'ils n'étaient aveuglés par leur non-conscience,

Le médium ne pouvant par sa seule présence

Absorber l'énergie de tout ce feu ardent.

Lucifer je ne suis, pas plus que Prométhée !

J'eusse aimé les convaincre, ils en valaient la peine,

Mais encor' attaché à l'amour de ma reine,

Il m'a fallu dans une caravelle m'enfermer

Et, comme l'insecte fragile, attiré par l'éclat

D'une lumière dans la nuit, se consume dans la flamme,

Oserais-je, Empédocle imparfait, pour cette femme,

Abandonnant la vie, me jeter dans l'Etna ?

Alors peut-être, redevenu nuage d'atomes,

Aurais-je des regrets de n'avoir été qu'homme,

Incapable de comprendre ce qui fut contemplé

Pour devenir, non pas aveugle, mais aveuglé.

Dans le palais rêvé où tu vivais Satieh,

Quand le souffle divin embaumait Srinagar,

Que les cimes lointaines brillaient dans ton regard,

J'ai cru pouvoir t'étreindre, mais je fus châtié.

Du fond de ma prison j'implorai ta pitié,

Mais n'obtins nulle grâce. Tu ne sus pardonner.

J'ai dû songer longtemps aux voiliers transparents

Que nous faisions voguer sous toutes les latitudes,

Fragiles souvenirs peuplant ma solitude,

Troublantes réminiscences venues d'un autre temps,

Humbles papillons d'or collés sur la rétine

Comme d'avoir trop fixé la lumière divine,

Incapable de comprendre ce qui fut contemplé

Et revenir, non pas aveugle, mais aveuglé.


JI 2008

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