Suite du rêve de l'héritier 1 - 4 - La prodige et le raté

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  • Suite du rêve de l’héritier
  • Mon fils, me dit Tahar le Déchu. “Maintenant, écoute bien. Tu vas oublier que tu m’as retrouvé. Mais tu ne vas pas arrêter de me chercher, non. Tu iras au Nord, en croyant me chercher. Mais, là bas, tu trouveras le chemin qui mène à la Vérité.
  • La prodige et le raté

Le jeune homme se réveilla en sursautant, alors qu’un éclair rouge détruisait son rêve. Cette fois-ci, les choses se passeraient différemment. Le détail de chaque mot prononcé par Tahar était resté gravé dans sa mémoire. Etius tenait son rêve. Il se redressa, et nota tout ce dont il se souvenait sur le carnet près de son lit. Au “Nord”? Qu’est ce qu’il pouvait bien y avoir, au Nord? Il se gratta la tête, en tentant de décrypter ce qu’il venait de lire, mais, rien n’y faisait: Il n’arrivait pas à comprendre le rêve, parce qu’il ne se souvenait pas de ceux qui l’avaient précédé.

Des songes de ce genre, avec son frère en vedette, Etius en faisait régulièrement depuis sa tendre enfance. Au début, il avait pensé que ce n’était que des cauchemars.. Jusqu’à ce qu’une nuit, bien des vertiges auparavant, il rêve qu’Antar revenait au Palitana, pour voler l’aigle blanc. Il l’avait suivi dans la volière, l’avait vu assassiner les gardes et s’envoler vers l’horizon. Et le matin, au réveil, avait découvert avec horreur que l’aigle avait bel et bien disparu. Depuis, il était certain que ces images étaient toutes réelles; Il les peignaient souvent, prenait des notes, au point d’en oublier de s’alimenter pendant des jours, obsédés par ses visions. Il était sûr de ces prémonitions: Même si ça semblait improbable, c’était la seule explication possible. Ou bien était-ce une feinte de son propre esprit? Etait-ce parce qu’il n’acceptait toujours pas la défection d’Antar, qu’il rêvait encore de lui? À son grand désarroi, il sentit ses yeux s’embuer alors qu’il écrivait le rêve.

Il était de ces âmes douces et profondes, qui ressentent les choses avec une clarté souvent trop douloureuse. Des larmes lui montaient aux yeux à toute heure et à tout instant; Les raisons qui les provoquaient étaient parfois logiques, mais souvent surprenantes. Il suffisait qu’il fut témoin d’un acte d’amour, ou du passage d’un beau navire à l’horizon, pour sentir des larmes monter aux lisières de ses paupières; Tout l’émerveillait et tout l’attristait. Tous les jours, Etius pleurait, et l'innocence calme de son visage le rendait beau dans les larmes.

Elles lui brouillaient la vue malgré lui, sans jamais qu’il ne l’anticipe; Et il se trouvait ridicule, de pleurer ainsi, malgré le fait qu’on lui ait souvent répété qu’il n’y a pas de honte à pleurer pour un homme.

Il lui semblait toujours qu’il en faisait trop, et il s’en voulait invariablement de ne pas avoir su se retenir; Mais au fond, il n’essayait pas vraiment de changer cela en lui, et il avait fini par accepter sa nature de pleurnichard. Preuve en était tous les efforts qu’il accomplissait pour la dissimuler au regard des autres. Dans tout secret, il y a de l’acceptation, et celui qui veut vaincre son vice doit le dénoncer à l'extérieur, en plein jour et en toute honnêteté, pour qu’en secret le changement commence à s’opérer à l’intérieur de lui. Etius, lui, cachait ses larmes, et par là même il s’y condamnait.

Après avoir fini de retranscrire le cauchemar, l’héritier se leva. Il s'étira longuement. Approcha de son immense fenêtre, qui donnait directement sur le Kymérion. Et aperçut ces deux silhouettes, qui marchaient sur le pont d’Eden. Il reconnut instantanément l’une d’elle comme étant celle de sa sœur aînée, Leïa - Une démarche militaire, souple et dynamique, absolument terrifiante aux yeux du lève-tard. La deuxième, il mit un temps à la distinguer comme étant celle de la vagabonde qu’il avait rencontrée le jour du passage de l’Autre Lune.

Il ne savait même pas que sa sœur était en ville. Il les vit nettement s’arrêter devant la porte. Leïa avait l’air de dire quelque chose… Les épaules d’Etius s’affaissèrent sans qu’il n’y prête lui-même attention.

Bien sûr. Il devinait ce qui était en train de se passer. Son regard perdit tout éclat l’espace d’un instant, alors qu’il réalisait l’évidence. Il n’y avait rien à faire. Leïa était en train de prendre une nouvelle apprentie. Sa soeur, la plus puissante des maestros du Suprèmat, cette femme de fer qui avait à elle seule mis fin à deux guerres civiles, renonçait. A lui. Lui qui n’étais qu’un incapable, la honte de ses ancètres. Lui, pour qui sa sœur était comme une mère, puisqu’il avait tué la leur à sa naissance.

Il vit la traîtresse s’arrêter de parler, et se retourner pour entrer dans le Kymérion. Presque aussitôt, la rivale d’Etius la suivit. Il tremblait à présent. Cette fois-ci, de rage.

Oh, non. Pas comme ça. Il s’habilla de la longue toge blanche des apprentis, et sortit précipitamment de sa chambre. Elles allaient voir.

En dévalant les escaliers, il ignora les vieux maestros outrés qu’il bousculait sur son passage. A la sortie, il passa devant Elena Sahis sans lui accorder le moindre regard. Il se mit même à courir franchement, une fois sorti du Séminaire; Non. On n'allait pas le remplacer. Pas aussi facilement.

Il traversa le pont d’Eden sans accorder d’attention ni aux flots ni aux rayons du soleil qui se reflétaient dans le verre, et pénétra l’enceinte du Kymérion. C’était une véritable cathédrale de verre bleu, dont chaque paroi était un vitrail racontant un des événements majeurs de l’histoire du Suprémat.

Le Trône Bleu était posé au fond de la salle, majestueux et vacant. C’était juste derrière ce symbole du pouvoir abandonné que se trouvaient les escaliers menant aux étages.

Il monta les marches quatre à quatre, et rejoingni enfin les quartiers de son clan. Un long couloir taillé dans le verre bleu marine menait à une multitude de chambres toutes plus luxueuses les unes que les autres; Mais il savait qu’elles étaient forcément dans la toute dernière, au bout du couloir. Il s’arrêta devant la porte, et prit une longue inspiration. Non. Cette fois-ci, ça n’allait pas se passer comme ça.

Notes du Premier Registre

Le Registre estime que la froideur est une maladie controversée, que ni les maestros, ni les alchimistes ne comprennent réellement. Elle ne touche que les enfants de personnes ayant reçu l’Onction; Ceux qui en sont atteint ne parviennent à maintenir l'État qu’avec de grandes difficultés, et voient leur énergie drainée par la moindre utilisation de leurs pouvoirs. Aux yeux de beaucoup des membres du Registre, cependant, la froideur n’est que la marque d’un certain manque de caractère, puisque le Premier Avalion lui-même en aurait été atteint durant sa jeunesse.

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