3 - Les mirages - Recto - L'apparence de la Chimère

14 minutes de lecture

Livre III: Les mirages

Octaf

Je me souviens de la brume. On y traînait comme dans un mirage. Du goût du sang sur ma langue - le froid avait fissuré mes lèvres en profondeur. Et puis, des échos paisibles de vagues caressant la barque avec la tendresse d'une mère engourdie par le sommeil. Pourtant... l'essentiel, oublié. La brume: claire. Le reste n'est plus très net. Je ne sais même pas s'il l'a jamais été... Déjà, sur l'instant, je me rappelle que j'avais l'impression d'arpenter le souvenir d'un étranger : je n'avais rien à faire là, et personne ne m’avait invité.

J'aurais dû rentrer à Séclielle, rejoindre l'Orchestre - Donner mon rapport à l'Avalion, bref, m'impliquer dans les choses de ma condition. J’étais un maestro, n’est-ce pas… Mais plus maintenant. Car je venais de croiser Dieu, en pleine nuit, sur la mer d'Or; Et la Chimère m'avait désigné. Pourquoi moi? Qu’avais-je fait, pour mériter ça? Etait ce parce que j’avais livré ces informations à l’étranger…? Qui sait, au fond. La Chimère ne s’explique jamais… Le bateau du roi de Tourmence reposait maintenant sous les abysses avec son équipage, colosse assassiné par son propre coeur ... Les moteurs ayant explosé, on avait évacué le navire comme on avait pu, et, à présent, moi, le souverain de Tourmence et un mort dérivions tous les 3 vers notre destinée.

Le mort, c'était le marin sensé ramer pour nous - maigre et unique escorte qu'on avait bien pu se garantir pendant le chaos du naufrage. Une douleur horrible lui avait pris la jambe pendant la deuxième nuit, et s'était propagée dans son corps entier avant de finir par l'emporter vers l'autre monde. Sa carcasse atrocement figée dans la souffrance nous terrifiait tous les deux - On avait fini par le cacher sous le plus fin des tissus humides qu'on avait pu trouver…

Je pensais sincèrement que j'allais y passer, moi aussi. J'espérais que la mort arriverait vite, et qu'elle serait aussi douce que possible. Je n'avais plus nulle part où aller: je venais d’être désigné, et je désirais en finir. Si Dieu m’avait déclaré impropre… Ou était l’intérêt de vivre?... Je n’aurais jamais dû parler de la carte incertaine au roi. C’était sans doute ça, qui avait fait enrager la Chimère… En tout cas, c’est que je me disais alors, plongé dans un silence profond, me détachant du monde pour me confronter à mes regrets les plus douloureux.

Je me souviens donc très mal de l'île. Presque seulement du brouillard infernal qui bouffait l'horizon, nous cachant les possibles naufrage et les récifs certains.

Pourtant, ce n'est pas un écueil qui surgit devant nous, ce soir-là. Je l'entendis d'abord, l'île des morts: il y avait quelque chose de massif, dans l'eau. Les ressacs avaient changé de ton. Mon imagination créa l'horreur d'un monstre désincarné guettant dans la brume, et le réel exauça presque aussitôt cette création de mon esprit.

Je cru d'abord être tombé dans la gueule du Léviathan. Il fallut un moment pour que je discerne clairement ce que je voyais: Deux vastes rocs blancs encadraient le gouffre d'une crique étrange. La barque se rapprochant, je constatais que, loin d'être tout à fait sauvage, ces deux immenses blocs de marbre étaient criblés de symboles et de caveaux anguleux. Entre les deux mâchoires de pierre, des cyprès savamment alignés nous dissimulaient la gorge de l'île, comme une glotte monocorde cachée derrière le croc des tombeaux.

Car, plus nous avancions, plus il devenait clair que nous pénétrions dans un cimetière. Je pouvais presque sentir les regards de centaines de spectres rivés sur moi; Rien ne rendait la présence de tombes évidentes, et pourtant il était évident qu'elles étaient là. Ce mausolée marin éveilla en moi une sensation très particulière : Je me demandais ce qu'il faisait là, au beau milieu de la mer, et à quelle nation malade ce caillou avait bien pu appartenir. C'est alors que le roi murmura:

"La voilà… l'île des morts. Nous sommes sauvés, Octaf."

Je me suis retourné vers lui et l'ai regardé longuement. Je le trouvais fascinant, ce roi étranger, ce marin audacieux et triomphant qui n'avait pas perdu espoir une seule fois depuis le naufrage de son vaisseau. La force de son caractère me complexe encore un peu sur le mien, je l’avoue: Dire que je ne le croyais pas… J’avais tout abandonné, jusqu’à mes tours de rame, alors que lui... Il m'avait dit qu'il savait où nous allions, et l'avait répété inlassablement pendant les 5 jours que nous avions passés en mer, comme une invocation ou comme une prière, qui se voyait maintenant exaucée. C'était lui qui faisait avancer la barque, sans se plaindre: Lui qui avait donné les derniers sacrements à son mousse agonisant; Moi qui frôlait déjà la mort. Ma constitution fragile a dû lui inspirer un certain mépris, mais s'il en a jamais éprouvé, il ne me l'a pas fait ressentir une seule fois pendant que nous dérivions sur la barque.

"... Où sommes-nous ?... Demandais-je, me surprenant moi-même de ma curiosité.

  • À l’est des îles de feu, répondit négligemment le roi. À 300 kilomètres au sud de l'île d'or.
  • Si loin…?
  • Oui. Il n'y a aucune terre habitée, dans les environs. Cette île n'est connue que de quelques initiés.

Je n'ai pas demandé ce qu'il voulait dire par là. Bien que cette île ait soulevé tant de questions, je suis resté muet jusqu'à ce qu'on y débarque. Si le roi avait gardé espoir, sans doute y en avait-il un: En tout cas, toucher terre me fit le plus grand bien: C'est la dernière sensation de laquelle je me souviens clairement: Enfin, un sol stable!

J’ai oublié ce que nous nous sommes dit en débarquant. Je me souviens simplement que, le lendemain matin, sans qu’il accepte de m’expliquer comment nous avions fait pour nous retrouver là, nous nous sommes réveillés dans les appartements du roi de Tourmence, à des milliers de kilomètres au Sud; C'est ce jour là que j’ai promis à mon sauveur que je lui ramènerais l’une des Brises.

--

Et aujourd’hui, j’en dirige une. C’est la Blanche: La plus rapide d’entre elles. J’étais là, à sa fabrication, mais je n’aurais jamais pensé avoir l’honneur d’en diriger une un jour. L’équipage est démoralisé. Aeqa a tenté de se jeter à la mer deux fois - il ne nous crois pas, pense que Ma’ek est encore là, et espère retrouver sa famille… Même le très brutal Daïn semble à deux doigts de fondre en larmes. Ils ont perdus leur nation; Le volcan a englouti leurs familles et leurs amis, et leur douleur a plongé le navire dans une autre sorte de brume, plus dense encore que celle de mes souvenirs. Pourtant, je me dois de ressembler au roi qui m'a sauvé, il y a si longtemps - je regarde l'horizon, et leur assure que nous arriverons à bon port.

Patmé s’approche en souriant. Il n’a pas l’air perturbé, lui: Il s’approche de moi, sur le pont, et dit:

“Ce bateau est incroyable. Ce matin, on voyait encore les rives de l’île de la Lune… et maintenant, on arrive déjà à l’île d’or. Ç'aurais pris deux semaines, même avec le plus rapide des navires des colons… Je comprends pourquoi tu voulais faire débarquer une Sot’ka à Séclielle, maintenant… Si c’était pour voler ça, alors…!”

Il m’explique qu’il a hâte d’arriver à l’île d’or, que nous allons pouvoir recruter un nouvel équipage. Sa joie de vivre me glace les sangs. Il a tout perdu, lui aussi: Mais on dirait qu’il n’avait rien. Je l’apprecie un peu, ce jeune homme: Pourtant, c’est lui que je dois emmener en Tourmence avec moi. Une Brise n’a pas besoin d’équipage, mais j’ai besoin de lui. Je sais qu’il conviendra au roi.

Mais, alors qu’il continue de parler du futur, le passé réapparaît devant moi. Je la vois surgir dans un recoin de l’horizon. Ses deux faces blanches sont sorties de la brume; les cimes des cyprès remuent doucement sous le vent. Une barque brisée est échouée sur la berge. Patmé se retourne pour voir ce qui me sidère, et s'exclame:

“Depuis quand est ce qu'il y a une île, ici?”

Mirages (I)

Il y a dans chaque homme 1000 humanités

Et nous sommes l'aveugle et le clairvoyant.

Les mêmes fois, les même vanités

Les lents nuages, les éclairs foudroyants.

J'envisage chacun comme une étrange nuée

Dans un seul être, le lointain, les parages!

Je ne pardonne pas, j'oublie: celui qui frappe est déjà décédé

Puisque le temps fait de nous des mirages.

Lymfan

"Comment va ma petite Lymfan?", as-t-il demandé! Après ça, il s'est présenté. Il m'a expliqué que les tableaux de l'antichambre étaient des gardiens: Que l'hallucination que j'avais vécue était due à un sort, mais que j'étais une intruse très particulière. At Sahis m'as dit qu'il voulait que j'assiste à la réunion, qu'il avait voulu me rencontrer depuis mon arrivée à Séclielle. Il m'a donné pour instructions d'entrer dans la salle et de tendre l'oreille… Je suis sortie du tableau, et j'ai obéi. Puis, il m'a trahie, et condamnée au Fantasme.

Le Méniant me jette aux pieds d’Etius. Il m’a ramené dans ma chambre, où deux autres de ses semblables nettoient ce qui ressemble à de vagues traces de sang. Telema Feleis me dévisage avec insistance depuis un divan à l’autre bout de la pièce. Elle n’est pas apprêtée, et de larges cernes couronnent son regard: Etius, lui, semble plus en forme que toutes les autres fois ou je l’ai vu, comme si la nuit était son plus beau vêtement. Ils me pressent tout deux, me demandent de leur expliquer pourquoi un homme a pénétré l'enceinte du Kymérion, ce qu'il faisait dans ma chambre et pourquoi je n'étais pas dedans. J'essaie de répondre que je ne sais pas, mais aucun mot ne sort de ma bouche: d'autres questions fusent de la leur. Où est-ce que j'étais? Qu'est ce qui me prend, de traîner dans les couloirs, et, pourquoi est-ce ce que je ne leur répond pas?

  • Elle a été assignée au mauna, le saint silence, précise alors l'un des Méniants. Il lui est désormais impossible de communiquer...
  • … Pardon?

Telema se rapproche de moi, et plonge ses yeux dans les miens. Leur beauté m'impressionne un peu, et je fais un pas en arrière.

  • Ma pauvre… minaude-t-elle. Toi, tu as vraiment fini par croiser At Sahis… Elle détourne le regard, et semble réfléchir un instant. Je savais bien que Rhéon et Néron ne pouvaient pas avoir fait le voyage depuis Vertigo sans raison valable… Tu as surpris une... discussion, Lymfan? C'est ça?

Je n'ai pas confiance en cette femme. Pourtant, ma détresse me pousse à attraper ce qui ressemble à une main charitable: Je veux hocher la tête, mais elle tangue de manière incontrôlable et je tombe presque à la renverse.

  • Le mauna est un silence forcé, qui ne s'applique pas qu'aux mots, regrette Telema. C'est une condamnation qu'on réserve aux désignés… Une chose est sûre: si tu y as été contrainte, c'est qu'At Sahis t'as renvoyée du Séminaire.
  • Il l'a renvoyée? répète Etius. Il n'a pas le droit de faire ça. C'est l'apprentie de ma sœur...
  • Il a tous les droits, retorqua Telema du plus profond de sa morgue. En l'absence de Suprêmain élu, c'est l'électeur de Séclielle qui est en charge du Séminaire: par conséquent, c'est lui qui contrôle les auditeurs. Le chef du clan des Sahis, At… le court… rajouta-elle avec une ironie fatiguée.
  • Leïa ne laissera pas passer ça, avertit Étius.
  • Tu surestimes le poids politique de ta sœur... Je te rappelle qu'en dépit de ses talents, elle reste une femme, et ne seras jamais éligible au titre suprême.

Je ne peux rien dire: De toute manière, je serais probablement restée bouche bée. Je pensais qu'être Maestria avait du sens… que celles qui arrivaient à ce stade… Mais j'étais naïve. Je pensais que ma vie allait changer: Mais on va me renvoyer d'où je suis venu, là haut, dans les mornes glaces de l'Imbrie, et je ne verrais plus Séclielle.

Là bas, je vivais comme une reine et comme une esclave. Et j'ai vu le Fantasme. Je me rappelle des grands flambeaux qui jaillissaient des tours surplombant le pont des regrets, des cris de joie que poussait la foule quand les juges condamnaient un désigné à être jeté dans le gouffre…

J'étais heureuse, alors. Mes parents m'emmenaient régulièrement à ces célébrations, depuis mon plus jeune âge - Nous faisions le voyage jusqu'à Méandres, l'ancienne capitale du plateau de l’Imbrie, et nous arrivions généralement peu de temps avant les rites. Un maestro s'avançait sur le pont antique, saluait les croyants frigorifiés que son discours réchaufferait. Puis, on amenait les désignés devant lui.

Ils étaient entravés dans le fer et la jyste, et de la manière la plus inconfortable qui soit. Leurs faciès terrifiés nous semblaient très comiques. Le prêtre s'avançait, rendait hommage à la Chimère et à l'Orchestre, célébrait le début des jeux, et tout commençait. Les condamnés commençaient à jouer leur rôle crucial : victimes de la vindicte populaire. Je participais déjà moi-même à la fête, car les enfants étaient encouragés à jeter toutes sortes de choses sur les marqués... Un jour, mon frère creva l'oeil de l'un d'entre eux avec un caillou, et s'en vanta pendant de nombreuses saisons; Plus modeste, je me contentais généralement de leur jeter des œufs pourris que ma mère m'avait préparés elle-même.

Puis, c'était au tour des croyantes de punir les désignés: Si c'était des hommes, le son claironnant de leurs rires suffisaient généralement à aggraver le passage à tabac violent auquel ils étaient soumis - mais si les désignés étaient des femmes, alors, elles profitaient pleinement du rite. Les croyantes se rangeaient en file, dans une ambiance froide et malaisante qui jetait un long silence sur cette foule massée devant massacre. Puis, une à une, méthodiquement, elles décrochaient les longues aiguilles retenant leurs chevelures, et, après une courte prière, les enfonçaient dans le corps de la condamnée. Chacune choisissait un endroit différent, comme si c'était une partie haïe de leur propre chair qu'elles poignardaient dans celle de cette victime coupable, car désignée par la Chimère.

Enfin, après que la foule ait fait tout ce qu'elle pouvait pour annihiler les désignés, le maestro la bénissait. Et l'on traînait leurs carcasses jusqu'au bout du pont des regrets, là où l'océan se crève et où je vais devoir finir ma courte existence.

Ces souvenirs de condamnations rituelles auraient pu m'être simplement agréables, comme il est normal qu'elles le soient pour ceux qui y ont participé.

Mais le jour où ce fut ma mère, qu'on jeta au Fantasme, demeure fiché dans mon esprit plus profondément que les aiguilles ne le furent dans son ventre.

Notes du Premier Registre

Le Registre estime qu'il n'existe aucun moyen de se laver de la marque de la Chimère. La mort, quand elle est possible, semble bel et bien être le seul et unique antidote à sa malédiction.

Antar

J’ai regardé mon père pendant quelques instant. Puis, j’ai levé la main, et je l’ai imité: Il a semblé étonné et ravi. à 11 ans, je maîtrisais déjà Brectae; j’avais compris l’essence de la Musique, et je rattrapais déjà Leïa, malgré ses nombreux exploits militaires. Tahar Gin, l’Avalion régnant, mon père, m’as sourit et m’as libéré des exercices. Si j’avais su que, le soir même, la Chimère le désignerait, peut-être alors ne me serais-je pas précipité si vite en dehors de la pièce. Peut être lui aurais-je demandé: “Papa, qu’y a-t-il au fond du Fantasme?”

—-

…ça m’aurait évité bien des peines. J’ai beau maîtriser la mer et le ciel, ceux-ci semblent indomptables: me jeter dans l’Océan Impossible n’était peut-être pas une si bonne idée… Je l’admet. Les courants qui me jettent contre les rochers sont des adversaires bien plus formidables que les maestros carapaçonnés qui m’ont attaqué à Méandres - Qu’importe, je les vaincrais quand même. Dans ces abysses noires, je ne vois rien; Mais j’entend la Musique, et je bouge en conséquence. Mes mouvements s’Accordent; Je n’ai même pas besoin d’invoquer de Note. Des gestes très simples orientent mon corps dans les torrents; Je bouge à peine, mais comme il faut. Puis, tout à coup, je suis projeté en dehors de l’eau; il me suffit de quelques fractions de secondes pour comprendre que j’ai atteint le gouffre, et que je tombe désormais dans le Fantasme. Je colle mes bras contre mon corps, plongeant dans l’abîme sans craindre ni la chute, ni l’atterrissage.

Un rayon de lune parvient jusqu’à mes côtés, et m’éclaire de moins en moins au fur et à mesure que je tombe. Je suis en tête à tête avec une cascade immense, des milliers de kilomètres cubes d’eau qui s’effondrent en crachant une écume noire et glaciale. Puis, je les aperçois, transperçant les chutes en y ouvrant des rideaux gigantesques: Ces pics rocheux qui hérissent les rebords du gouffre comme les dents de la gorge d’une lamproie.

Je me redresse en pleine chute, et souffle selon un tempo très précis - j’atterris sur un des pics en toute légéreté. Je siffle, impressionné par ce que je vois, mais le bruit se perd dans le vacarme apocalyptique provoqué par le Fantasme. Je ne comprend même pas comment ce que je vois est possible. Un trou, dans une baignoire, ça donne un siphon; Ici, l’eau tombe raide, comme si l’immense océan n’avait été qu’une rivière à un dévers.

Et, ce pic, sur lequel je tiens… Nous sommes à des kilomètres de profondeur, et des milliard de litres d’eau s’abattent dessus dans une violence inouie; Mais il ne vacille ni se fissure, alors qu’il est si fin… Il doit y avoir une sorte de magie que j’ignore, là dedans. Je m’apprête à descendre plus profondément dans le Fantasme - Je ne vois toujours pas le fond, et je me penche pour essayer de voir le plus loin possible, quand je l’aperçois, posée sur un des pics en contrebas. Elle se lèche la patte. Son dos s’arque, et elle se redresse en baillant. C’est un chat noir, avec deux ailes de corbeaux, et une longue queue se terminant par le visage d’un serpent. Ce n'est qu'un petit chat noir, aux yeux blancs, au pelage impeccable. Celle qui griffe, qui mord ou qui pique. Dieu, pour mes ancètres. Juste “La Chimère”, pour moi.

Elle ne m'a pas vu, mais le serpent au bout de sa queue me regarde avec insistance. Je m’immobilise. Je reste un instant comme ça, tétanisé; puis, la peur reprend le dessus, et je m’envole loin du pic, du gouffre et de celle qu’ils appelèrent “coureuse de Vertige”. Je regarde tout de même derrière moi, pour la voir un dernier instant avant de partir; Cette erreur m’est fatale. Malgré moi, je diverge alors légerement de ma trajectoire, et me heurte violemment aux cascades vertigineuses qui tombent dans le Fantasme.

Mirage (II)

Et chaque amour se perd dans les replis du temps;

Les plus beaux souvenirs, remplacés par l'instant.

L'océan refoulé, réfugié dans l'étang,

Je disparaît au moment où je crois me toucher.

Tu ne m'aimes plus, et ça se voit dans tes gestes,

Ton ancien absolu n'est même plus qu'un zest.

Ton amour, un mensonge? Non, un disparu au virage,

Puisque le temps fait de nous des mirages.

Et je traine, ouvert comme un tombeau,

Riche de mes propres carcasses.

Et autrui me fait de beaux sarcasmes,

Certain que je suis ces lambeaux.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sofiane Cherfi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0