Chapitre Quatre

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Le lendemain, je fus réveillée par une furie rousse. Ornélia s'agitait dans tous les sens, d'humeur joyeuse et avec de l'énergie à revendre.

« J'échappe à mes corvées pour te faire visiter le village ! » me confia-t-elle.

Je n'étais pas sûre que cela soit d'une quelconque utilité. Dès que les secours m'auraient retrouvée, je n'avais pas l'intention de m'attarder, ni même de revenir.

« Mais avant, je t'emmène aux sources chaudes. Tu vas adorer. »

Adorer, je ne savais pas, mais j'avais effectivement besoin d'un bain. Je la suivis docilement, alors qu'elle m'entraînait à travers un réseau complexe de ponts et d'échelles. Je renonçais très vite à essayer de me repérer. Pour moi, tous les arbres se ressemblaient. Ornélia marchait sans marquer la moindre hésitation, en sachant parfaitement où elle allait. Très vite, l'air devint plus humide, plus chaud.

Les arbres se faisaient plus rares à mesure que nous marchions entre d'immenses masses rocheuses. J'étais soulagée de m'éloigner du village, parce que les regards étaient restés braqués sur moi. On chuchotait sur mon passage, j'avais l'impression d'être une bête curieuse. Ils ne devaient jamais avoir de visiteurs étrangers, ce qui avait tendance à m'inquiéter. Quelle serait leur réaction lorsque l'équipe de secours arriverait ? Et surtout, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'un tel endroit, encore intact et avec tant d'arbres à disposition, attiserait forcément la convoitise.

Nous connaissions tous l'histoire de notre planète en déclin. Les hommes avaient utilisés les ressources naturelles de la planète jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une miette, les obligeant ensuite à se terrer dans des villes-dômes où tout était artificiel. Je songeais à ces immenses contrées désertes et inhospitalières, et je pensais à tous ces gens qui vivaient pauvrement, dans des villes-dômes bas de gamme, avec un système d'épuration de l'air qui fonctionnait mal. Une telle quantité de bois se vendrait une fortune et pourrait permettre à beaucoup de monde de vivre plus confortablement. Car nous n'avions pas appris de nos erreurs, loin de là. Sitôt que cet endroit serait découvert, les bois seraient rasés.

« A quoi tu penses ? »

Ornélia m'observait en marchant à reculons.

« A rien. »

Elle me lança un regard compatissant : « Ça va aller. Tu vas vite te remettre. »

Elle se méprenait. Je ne m'inquiétais pas pour ma santé, mais plutôt au sujet de cet endroit. Je ne comprenais toujours pas comment il pouvait être inexploré de nos jours. Et j'avais peur que personne ne me retrouve.

Nous arrivions enfin aux sources chaudes. Nichée au milieu des rochers, une étendue d'eau fumante nous attendait. La brume s'élevait en volutes délicates, et le bassin était alimenté par deux ruisseaux d'eau chaude. Un troisième ruisseau disparaissait dans les buissons, garantissant ainsi un renouvellement continu de l'eau.

Après m'être soigneusement lavée dans une eau délicieusement chaude, je me retrouvais affublée d'une tunique verte grossièrement assemblée dans un tissu épais, que je trouvais vraiment très laid. Mes propres vêtements étaient couverts de sang et avaient grand besoin d'être lavés. Quand à ma valise, j'ignorais où elle se trouvait. Peut-être près de l'endroit où ils m'avaient découverte.

Ornélia parlait sans discontinuer depuis que nous avions quitté les sources chaudes.

« Je crois qu'il y a une chambre vide près de celle de mon frère. J'aurais aimé que tu t'installes près de ma chambre, mais tout est occupé. »

Je la forçais à ralentir l'allure. Pleine d'énergie, elle m'entraînait à sa suite, et semblait incapable de s'arrêter, pointant de temps en temps des lieux.

« Là-bas c'est la Salle des Célébrations, à côté la Salle des Naissances. A l'Est nous avons nos cultures, elles sont alimentées par l'eau que nous récupérons lorsqu'il pleut. Tu verras, nous avons installés des ruches il n'y a pas longtemps. Et là-bas... »

Elle était apparemment incapable de s'arrêter plus de quelques secondes. Je lui tapotais le bras.

« J'ai besoin d'une pause. »

Aussitôt elle me jeta un regard coupable.

« Tu es fatiguée, supposa-t-elle d'un ton plein de remords.

- J'ai surtout envie que tu te calmes. » rétorquais-je. Je n'avais plus envie de jouer les gentilles rescapées reconnaissantes. « Tu agis comme si j'allais m'installer parmi vous. J'ai eu un accident ! Mon dirigeable s'est écrasé, et des gens sont morts ! Je ne suis pas ici en vacances, ce qui s'est passé est très grave. »

Elle me fixait avec ce même air triste, et je m'en voulus de lui crier dessus. Ce n'était pas de sa faute si le ballon dans lequel je voyageais s'était écrasé.

« Je ne vais pas rester. Des gens vont venir me chercher. »

Elle se mordit la lèvre.

« Oui, bien sûr. J'aurais juste voulu que tu restes. » s'empressa-t-elle de répondre.

Je lui souris.

Mais moi, j'avais vraiment envie de partir.

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