Chapitre Dix-Huit

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La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Visiblement, il n'y avait pas eu d'intégration dans le village depuis longtemps. J'interrogeais Ornélia à ce sujet.

« Il n'y en a pas eu depuis bien avant ma naissance. Nous avons eu un visiteur, comme toi, il y a quelques années, mais il a préféré partir. Orlan l'aimait bien. »

Il devait s'agir de l'homme qui lui avait appris à lire. Ce n'était d'ailleurs pas étonnant qu'il n'ait pas voulu rester. Depuis mon entretien avec le chef du village, je me sentais légèrement en prison. J'avais hâte de partir. Et je n'étais pas certaine d'avoir des regrets une fois partie.

« Je suis contente que tu aies choisi de rester, me souffla Ornélia en me laissant devant ma chambre. Je n'avais jamais eu d'amie comme toi. »

Et elle me serra dans ses bras, m'enveloppant dans son parfum de fleurs, avant de dévaler les marches vers les étages inférieurs, ses cheveux de feu rebondissant dans son dos.

J'avais tort. Ornélia me manquerait.

J'attendis qu'il fasse noir pour me faufiler hors de ma chambre. Je savais qu'il n'y aurait personne dehors une fois la nuit tombée.

Des souvenirs de mon adolescence me revinrent en mémoire, ainsi que le nombre incalculable de fois où j'avais fait le mur, quand je vivais chez mes parents. Je n'allais jamais très loin, cela dit. Les rues étaient pleines de patrouilleurs qui auraient eu vite fait de m'attraper. Avec les jeunes de mon immeuble, nous nous retrouvions dans la cage d'ascenseur et grimpions sur le toit. C'était interdit, bien sûr, mais tellement grisant de pouvoir bousculer un peu les règles.

Se faufiler là où ils conservaient tout ce qu'ils trouvaient ne fut pas bien compliqué, et j'eus vite fait de revenir sur mes pas avec la trousse à outils. Je me souvenais l'avoir mise de côté en promettant à Ornélia de lui apprendre à se servir de son contenu.

En parvenant à l'étage situé juste sous le mien, une main jaillit soudainement et me tira à l'intérieur d'une chambre. Une autre me fit taire en se plaquant sur ma bouche. Les yeux verts d'Orlan brillaient dans le noir et il me fixait d'un air sévère.

« Je savais que tu préparais encore un sale coup. » Il me dévisageait durement et me jugeait. Il désapprouvait. « Qu'est-ce que tu vas faire avec ça ? » demanda-t-il en désignant la trousse à outils.

Je me dégageais de son emprise et m'écartais en lui faisant signe de parler moins fort.

« Je vais appeler les secours pour leur dire où je suis. Ensuite, je partirai.

- Tu as accepté de rejoindre la communauté, me rappela Orlan avec sévérité.

- J'ai menti. »

Mon aplomb sembla le désarçonner.

« Pourquoi ?

- Parce que si j'avais choisi de ne pas rester, à cette heure-ci je serais en plein désert, à marcher dans le sable sans savoir où je vais.

- Non. Pourquoi tu ne veux pas rester ? »

Dans l'obscurité, à peine troublée par les lampes à l'extérieur, je ne parvenais pas à distinguer les traits de son visage. Il devait penser que je les méprisais, que je me sentais trop supérieure à eux pour les rejoindre. Il devait être furieux. Je soupirais.

« Ce n'est pas chez moi ici. »

Orlan ne dit rien. Un insecte chanta dans la nuit, en rythme. C'était le seul bruit audible. Le village était si calme. Chez moi, il fallait fermer les doubles fenêtres pour espérer occulter le vacarme perpétuel des rues. Ici, tout ce qu'on entendait, c'était la nature.

« Je dois rentrer chez moi, Orlan. »

Je le laissais dans sa chambre pour regagner la mienne, en faisant courir mes doigts sur le bois brut. J'avais envie de pleurer. J'avais envie de rentrer.

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