C'était un rodomont qui ne manquait pas de sémillance. Il était du genre à férociser tout les hommes qu'il croisait, même les muches. On le connaissait sous le nom de Dragon Noir. On ne savait pas grand chose de lui. Juste qu'il avait la vingtaine, que c'était un abuseur, et qu'il se rendait souvent dans une auberge délabrée vieille de plusieurs générations.

C'est d'ailleurs là qu'il la rencontra.

Elle était seule, frêle, assise dans l'ombre à l'écart du bruit des paltoquets imbriaques. Dragon Noir la remarque et s'avança vers elle. Le tendron était absorbé par les imperfections de la table sur laquelle elle était. La crapule s'affaissa bruyamment près d'elle. La demoiselle se retourna vers lui éplapourdis, le devisagea longuement, avant de retourner à ses pensées. Son attitude énerva fortement l'homme mais alors qu'il allait la brusquer pour lui faire connaître son mécontentement, deux sbires armés firent leur apparition dans l'auberge. Dragon Noir retint un juron et avisa une lucarne par où s'échapper tandis que les deux hommes demandaient au gérant où il se trouvait. Dragon Noir allait sortir de l'endroit lorsqu'il s'aperçut que la jeune fille avait le visage mouillé de larmes. Il était mauvais et vicieux mais ne pût s'empêcher d'avoir de la peine pour elle. Il l'attrapa en vitesse et l'emmena avec lui. Elle tremblottait et ses épaules se secouées sous le coup des sanglots. Pour se justifier à lui-même, il se dit que s'il l'emmenait, c'était seulement parce qu'il avait pitié et qu'il voulait être sûr qu'elle ne le livre pas. Il la pris sous son bras et la fit avancer. Dragon Noir s'enfonça alors dans les bois qui se trouvaient juste à côté.

Lorsqu'il se sentit assez loin de l'auberge et qu'il trouva un endroit propice où passer la nuit, il demanda au tendron de s'asseoir là et de l'attendre. Dragon Noir s'éloigna non pas seulement pour trouver des branches pour construire un abris mais aussi pour trouver un endroit où laisser la pauvrette de manière à ce qu'elle retrouve son chemin mais qu'elle ne le retrouve pas lui. Il ne pouvait pas et il ne voulait pas la garder sous son aile : elle semblait faible et inapte à des aventures comme il en vivait. Cependant, il fait vite trop sombre dans ce bois où les arbres empêchent la lumière de passé. La forêt s'annuite, laissant le sol obombré. Dragon Noir se hâte de retourner là où il avait laissé sa " protégée ". Mais en arrivant à l'endroit, il découvre une petite cabane, certes vulgaire mais utile et optimal. Il était tout ébaudit. La jeune fille, qui était allongée sur une paillasse, semblait déjà dormir. L'abuseur en profita pour s'allonger auprès d'elle. C'est alors qu'elle le repoussa en maugréant : « Tu as une paire juste à côté. Celle-là, c'est la mienne. ». Entendre le son de sa voix fit vibrer son cœur, alors Dragon Noir se décala les sourcils froncés, ne comprenant ni le comportement de la jeune fille ni celui de son cœur.

Cette nuit là, comme beaucoup d'autres, le rodomont dormit peu. Il décida que le lendemain, il partirait avant l'aurore pour laisser le tendron seul, loin de lui.

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Rodomont n.m. Fanfaron qui vante sa bravoure pour se faire valoir et se faire craindre.

Sémillance n.f. Vivacité d’esprit.

Férociser v. Rendre féroce.

Muche n.m. Jeune homme timide.

Paltoquet n.m. Homme grossier, sans mérite, prétentieux.

Imbriaque adj. Ivre, fou, stupide.

Tendron n.m. Jeune fille.

Eplapourdi, ie adj. : Etonné, stupéfait.

S'annuiter : s’obscurcir avec la tombée de la nuit.

Obombré : ombrager, couvrir d’ombre; obscurcir, dissimuler, couvrir.

S'ébaudir : S’étonner grandement.