Ma fille
Auxane,
Je ne serais pas très long, je te sais occupée, et puis, j'ai encore le salon à nettoyer. Auxane, je t'écris cette lettre pour te dire les mots qui ne me viennent pas. Je suis fier de toi et je reconnais mon tort de ne pas te l'avoir dit avant. Les parents devraient toujours encourager leurs enfants, mais je te tourne le dos malgré tes premiers pas dans la vie d'adulte et l'angoisse engendrée. Je suis passé par-là moi aussi, dans cette vie froide d'injustices, où l'on doit sans cesse sortir les crocs. Je vais te donner un conseil : montre ce que tu vaux vraiment. Ne te pense pas inférieur et n'abaisse jamais ta garde face à tes "collègues". Je ne pense pas ce mot adapter à ton corps de métier, mais tu me comprends. Si tu le fais, il te voleront tes réussites. Tu ne me crois pas, je le vois dans tes yeux, et pourtant, tu dois me croire. Ta générosité ne te perdra pas autant que je te le fais entendre, cependant, n'oublie pas de surveiller tes arrières. Mes parents sont restés discrets eux aussi dans ces moments-là de notre vie, alors je ne sais pas si je m'y prends bien.
Ma chérie, si quelque chose te tient à coeur, fonce. Ne fais pas comme moi. Oublie ta peur et la jalousie de ceux qui peuvent se trouver à ta place. Surtout, ne te laisse pas amadouer. Crois-en toi et en tes capacités. Oui, tu peux trouver cela étrange de ma part, mais je sais que tu en as. Tu es douée. Tu débutes, certes, et je ne t'ai jamais vu jouer, mais j'ai eu des échos de ta mère.
Je voulais aussi te dire que je regrettais beaucoup de ne pas t'avoir parlé du mois d'avril. La peur de te perdre m'a volé tous mes mots, mais pas les autres. Je ne veux plus que tu fasses ça. Tu m'as beaucoup posé de questions sur notre passé juste avant. Je ne te répondais que vaguement parce que c'est encore trop douloureux pour moi d'en parler. Mais si tu reviens vers moi, alors je t'écouterais et tâcherais de garder mon calme. Ne m'en veux pas si l'exercice est trop compliqué. Mes nerfs, tu en témoignes, lâchent facilement. Je n'ai pas eu une enfance facile moi aussi, alors les douleurs et la colère remontent. Bref, je t'écouterais jusqu'au bout cette fois-ci.
S'il te plaît, n'aie pas de rancoeur envers tes parents, si bancals sommes-nous, ni envers tes anciens camarades. L'école n'a jamais été simple pour toi et je regrette tant que nous ayons divorcés dans vos pires moments, à toi et à ta soeur. Ballottées ainsi ne vous a pas aidé à vous construire. Quant à toi, tu devais continuer tes analyses avec ce docteur Bernard, mais ta mère ne trouvait pas cela utile et moi, je ne devinais pas son utilité. Il nous racontait ce que nous savions déjà. Et puis, il nous en demandait trop. Oui, Auxane, il nous en demandait trop. Avec le travail, je ne pouvais pas m'occuper de toi autant qu'il le fallait et ta mère ne semblait pas concernée. Je t'ai abandonnée une première fois. Me pardonneras-tu ? Alors, comme pour combler ce manque, je me suis battu comme un diable pour te récupérer lorsque tu en fit la requête. T'en es-tu aperçue ?
Cette séparation me fais souffrir. Je ne te rejette pas la faute. Tu me ressembles beaucoup. Je ne peux pas te reprocher de vouloir partir suivre tes rêves. Je ne peux que te prévenir des embûches que tu rencontreras. Tu les connais, tu appréhendes les échecs. Je le voyais bien le jour où l'on s'est disputé une dernière fois. Tu es incertaine, comme je le suis, quand quelque chose tarde à venir et quand on craint rater la marche pour entrer dans le train de la vie.
N'aie pas peur. Je te le dis, j'ai peur pour toi, que tu sois encore déçue par les autres, que tu ne puisses pas réaliser tes projets, que tes brouillons restent dans leur état, mais saches que j'ai confiance en toi. Puis, tu es magnifique dans tes costumes. Je te fais confiance. Si par malheur, tu te rates et ne te trouves pas de place, saches que tu auras toujours mon soutien.
Je suis fier de toi.
Je t'aime.
Ton papa toujours derrière toi.
Miguel.
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