5 - La bureaucratie du consommant
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Que le pouvoir soit le spectacle de la domination, le consommant ne peut le concevoir, cela lui demande trop d’analyse, cela pose trop de question sur lui même. Ainsi, sa conception d'un point de vue sociétal se résume en sa caricature : le pouvoir de la bureaucratie.
Au fond, quelle gouvernance est possible pour le peuple du libre arbitre ? Aucun si ce n’est celui de la contrainte – et comme tout chez les consommants, elle est désincarnée. Le consommant ne parle que de loi ou d’argent, que de décret, de parlement, d’impôt : jamais la question de la domination, de la culture, de la structure, du progrès ne se pose – cela demande trop de hauteur. Chez le consommant, le problème se résout par le vote, par un papier pour un costume cravate – c’est là l’extrême limite de son implication politique.
Le reste, son analyse, ce n’est qu’un tas de maximes, qu’une morale basée sur de petites phrases et rien d’autre. En cherchant dans l’analyse, c’est toujours une petite phrase qui revient : quelques mots et une violente sensation de danger, d’emportement, de colère, de fuite. Jamais le consommant n'est capable d’un débat serein, il est en conflit d’intérêts : il ne peut admettre la violence de son système, donc la rationalité : seul la passion lui permet de sortir de tels échanges.
Le consommant est un enfant politique, il ne veut percevoir la complexité, il délègue à des mythes, à des images, il fuit la responsabilité – mais bien sûr, celui-là même permet le système marchand dont il dépend intégralement. Voilà pourquoi aucune révolte ne survient quand absolument chaque enjeu majeur ou mineur pousse à la réaliser dans sa radicalité.
On ne parle plus de nation, encore moins de lutte des classes. Rien ne doit exprimer de telles dominations. Pas de contrainte identitaire ni structurelle car, bien sûr, rien n’influence le consommant si ce n’est encore l’argent. On rapproche l’ensemble de la politique à des concepts simples : des projets, des allures, des discours. De toute façon, le consomment pardonne le mensonge, la trahison, le vol, le meurtre. Le rôle des politiques ne se trouve pas dans la vertu, mais dans l’entretient de faux débats et dans la préservation du spectacle. Le consommant est rancunier d’un politique lui rappelant sa responsabilité et ses devoirs face au monde. Il faut un président affirmant à la fois sauver la planète, mais ne mettant aucune contrainte au capitalisme pour y parvenir : comme ça, le consommant peut se mentir et être rassuré quant à son mode de vie. Dissonance cognitive, oui, mais pour ceux-là seuls capables de le penser – le peuple se préserve d’un tel jugement.
Même sa critique envers le politique est stérile : c’est un jeu, il adore cela en réalité, il a besoin de déléguer et conspuer son délégué, pour lui donner bonne conscience et illusion de contrôle. Il aime cela à tel point d’élire encore et encore ceux-là même qu’il dit détester. Qui peut alors croire en de tels mensonges ? Le consommant est un enfant.
Rien dans les mots ne doit évoquer la responsabilité collective, la grandeur. Le politique doit rendre léthargique et donner une image de la société que seule une faiblesse peut comprendre, celle blessant le moins l’ego : la bureaucratie comme pouvoir de l’anonyme, comme anti-démocratie parfaite, comme négation des forces agitant un peuple, comme affirmation que rien en réalité, ne peut être fait ou ne doit être fait.
Bref : la bureaucratie, c’est la décadence politique.
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Il est curieux de voir le consommant chérir son « droit à la liberté », son sacré suffrage universel en dénonçant par opposition les autres peuples décidés à ne jamais rentrer dans un tel culte. Il faut croire que certains résistent et continuent à croire que la culture, la tradition et la fierté populaire est plus importante et réelle que l’état ou la liberté dont on a encore jamais vu trace d’accomplissement humaine dans les sociétés occidentales.
Mais la valeur de la condamnation des consommants n’a jamais de valeur en tant que telle : elle est toujours intéressée et impersonnelle – sa morale entière n’a aucune valeur…
Le consommant n’a aucun sens communautaire : il est le premier à penser que ce sont les lois qui forment une société, et non la culture et les dominations. Tel un bureaucrate, il rejette la tradition et lui préfère le progrès, c’est-à-dire le non-controle et la destruction de ce qui fut un jour son identité, sa société. Il oppose dès lors le passé et l’étranger à sa société à lui – ne remarquant jamais que c’est bien sa civilisation qui s’exprime le mieux dans la génération des névroses, de la faiblesse, de l’esclavage et de la destruction globale.
La communauté répond à la décadence en lui opposant une culture et une tradition – la société moderne, elle, répond à la puissance un système entier pour armer la conservation contre toutes formes de manifestations naturelles. En cela, la modernité est la forme la plus aboutie de la décadence, elle est l’accomplissement historique de l’humanité.
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