7 - Notre finalité
La remise en cause de la consommation nécessite une souffrance – une souffrance bien plus violente et transcendante qu’à l’habitude. Le consommant, plongé jour après jours dans des enjeux de surface, à des sentiments artificiels, est alors logiquement dominé, dépassé s’il affronte son mode de vie, dont les racines plongent au plus profond de l’être, dans ses mécanismes les plus inconscients. Lui, l’habitué au presque rien, le voilà affrontant une douleur existentielle !
D’autant plus que les forces du spectacle sont nommées “personnelles” par la structure sociale : il ne s’oppose pas à la consommation, car il croit s’attaquer à son soi, à la légitimité de son être. Perversion ignoble et violente de la volonté identitaire : elle est aujourd’hui utilisée pour la préservation de la décadence, c’est-à-dire la conservation dans l’être et le plein pouvoir à tout ce qui est extérieur à la nature, à ce qu’on peut apparenter comme des erreurs techniques, à des choix de civilisation : bref, à ce qui est en réalité le plus impersonnel dans un être – c’est précisément cela que le consommant appel “je”.
Cette souffrance liée à la nature, à la libération n’est pas innée à la puissance : elle est la réaction à un déséquilibre dans l’existence, rien de plus qu’une réponse – enfin ! – humaine à la décadence. D’où l’importance de l’identifié et de la nourrir. Elle est un moyen et un indice indispensable de santé. Aller vers la grande souffrance, se découvrir au-delà du spectacle, c’est aller contre la morale des consommants, fuyant comme des enfants capricieux la moindre souffrance – c’est pour cela qu’elle est la marche à suivre.
Que le développement personnel de la légèreté implique nécessairement une grande souffrance, c’est là une contradiction d’apparence qu’il faut apprendre à surmonter. C’est un enjeu de transvaluation des valeurs modernes à un long processus permettant d’accepter la douleur, la perdition, la destruction, d’accepter de frôler le nihilisme pour un temps, de considérer ce mal comme impersonnel donc extérieur à soi. C’est un processus de destruction subtil, violent, puissant : comme une promesse de l’avenir – car enfin, c’est un autre qui est détruit et toi-même qui te découvre :
« Deviens ce que tu es », c’est la maxime de la libération – encore faut-il se rendre capable de lire et de comprendre Nietzsche : là est le premier des besoins vitaux du surhomme moderne.
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Il n’y a plus aucune personne saine autour de nous : aucun individu n’a pu se garder intact de la société moderne. Nous voilà entourés du produit de l’histoire humaine, l’inaltérable loi de la décadence stipulant que dans le temps et la concurrence, la faiblesse est toujours la dominatrice de la noblesse. La loi a affiné les civilisations humaines jusqu’à un état de perfection rendu possible par la mutation des moyens de productions et de la technologie. Aujourd’hui, aucune nature ne peut se dresser face à la décadence – il ne reste qu’a attendre son dernier sursaut : quand les contradictions et l’incompétence de l’économie capitaliste auront suffisamment saccagé les ressources pour provoquer l’effondrement général de la société moderne.
Qui donc aujourd’hui a encore la force de s’extraire d’une telle décadence ? Comment s’en sortir et sauver l’avenir ? Il nous manque une défense contre la décadence. Jusqu’à aujourd’hui, nos camarades ont été incapables de la prévenir, ils ont été au mieux un antidote d’un mal qui avait déjà frappé l’humanité. De leurs fragments, il faut encore travailler, encore étudier le monde inédit nous entourant, profiter de cette fenêtre unique de décadence, pour encore se libérer et aller conquérir la connaissance finale, la dernière œuvre majeure avant l’éternel retour : la science de la décadence et de l’avènement de son nouveau et dernier Antéchrist.
Voilà aujourd’hui, la finalité de nos actions – tout autre chose n’est que fuite.
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