Le froid commence à se glisser sous mon grand manteau. Les flocons fondus sur mes épaules y contribuent fortement. Ils continuent de se poser délicatement sur moi, un à un, comme les caresses de mains me poussant à aller plus loin. Ou me demandant d’arrêter ? Comment savoir ? Je ne sens plus mes genoux, depuis trop longtemps plongés dans cette épaisse neige. Mes doigts ont pris la forme de l’arme que je tiens, fixés par cette bise mordante. Mon sang se glace et mon cœur également. Les engelures ne tarderont pas à se montrer.
Mes gestes vifs demeurent répétitifs, sans jamais perdre en intensité. Planter, planter et replanter. Le bruit des os qui craquent et de la chair tailladée rompt le silence de façon rythmée. Je n’entends pas le vent souffler dans les arbres, signifiant l’approche de la tempête. Je suis concentrée sur mon œuvre.
Le froid et cette odeur d’herbe humide laissent place aux effluves de sang chaud. Le manteau blanc immaculé se teint peu à peu de rouge, dessinant bientôt un immense cercle autour de ma victime immobile.
Je me redresse et prends une profonde inspiration. Le calme revient dans la forêt et je lève les yeux vers le ciel. Les chutes de neige s’intensifient. Chaque flocon qui se dépose sur mon visage me lacère désormais la peau, comme ces trente-six coups de couteau que je viens d’assener.