Le lendemain, nous débarquâmes à Cacum. Le petit village de pêche connectait la mer thyrénique à la grand-route des Tan, avant que celle-ci ne s’élance vers le Nord. Pator et Calux tirèrent la charrette jusqu’à Darion, une ville déhlienne lovée là où le fleuve Nephrate se scindait pour enfanter le Saphrate.

La vaste plaine qui entourait la ville était recouverte de vergers et de champs. Le soleil y dorait les épis de maïs et les feuilles du blé. Des hommes et des femmes y travaillaient, nous saluant sur notre passage, le front perlé par l’effort. Des enfants surgissaient parfois des champs pour traverser le chemin en courant et en riant.

Notre route nous porta devant une petite chapelle, où un cheval de bois était allongé. Sa crinière ciselée semblait être faite de blé, commeles champs alentours. Une femme déposait quelques fruits dans une jatte aux pieds de l’idole. Mon père m’expliqua plus tard qu’il s’agissait du dieu Lator, père de la civilisation, sous sa forme animale. Notre peuple l’honorait également et lui consacrait des temples dans la Cité, même si nous représentions la divinité différemment.

Arrivés à Darion, mon père vendit quelques marchandises à ses connaissances : des étoffes et des poteries essentiellement. Tout en l’assistant j’observais la ville et ses habitants. Les gens d’ici avaient le teint plus clair que le nôtre et leurs cheveux d’ambre brillaient dans la lumière de la fin d’après-midi. Ils étaient grands, à tel point que mon père et moi aurions pu passer pour des nains, si nous avions eu plus de barbe !

Nous passâmes la nuit dans la ville. Le lendemain, nous devions prendre la direction du Sud et longer le Saphrate jusqu’aux montagnes de cristal, où vivait les nains du Rhon. C’était la première fois que je dormais à l’extérieur du territoire laniochais.