Chapitre 3 - Trois sœurs de cœur (1/2)

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Sara était revenue à la chapelle Saint Hilarion où elle était attendue. Les bras chargés des fleurs qui lui restaient, celles qu’elle n’avait pas vendues, elle s’était arrêtée un instant devant l’édifice, lui lançant un coup d’œil rapide pour en admirer au mieux l’architecture. Ce n’était pas aussi grand que la Cathédrale Sainte Sophia, mais elle trouvait la chapelle bien plus agréable à l’œil et surtout bien plus chaleureuse. Pourtant, la jeune femme évitait d’y passer le plus clair de son temps. Elle croyait en l’humanité, elle croyait en bien des choses, mais pas à la grande déesse. Elle respectait le fait que les gens aient besoin de dieux pour vivre, et ne se moquaient jamais d’eux. La jeune femme reconnaissait aussi que la religion était une chose bénéfique à l’ensemble de la population. Mais s’ils existaient vraiment, alors pourquoi laissaient-ils tant de misères sur ce monde ? Cette question sans réponse la hantait souvent, bien trop souvent à son goût.

La jeune femme pénétra l’édifice avant de commencer à s’avancer lentement vers le fond du temple. Certaines des fleurs qu’elle tenait toujours dans les bras commençaient à perdre leur pétale, traçant derrière elle un petit chemin. Sara marchait lentement, baissant les yeux dans un soupir. Elle avait l’impression que cela faisait des jours qu’elle n’était pas venue ici, alors qu’elle avait foulé ce sol la veille. La chapelle était vive et silencieuse à cette heure-ci. La prière de l’après-midi avait été dite depuis au moins une heure, et il n’y aurait plus personne avant celle du soir. Seul le bruit léger de ses pas sur les dalles de pierre résonnait dans cet endroit sacré. Elle pensait que ses sœurs seraient ici, ou au moins son père. Mais pour l’instant, il n’y avait personne. La jeune femme soupira, avant d’aller déposer ses fleurs au pied de la statue de la déesse. C’était une offrande comme une autre, mais aucune prière ne l’accompagnait. Les bras enfin libres, elle se dirigea vers la porte qui menait à l’annexe de la chapelle. Peut-être aurait-elle plus de chance et tomberait sur l’un des membres de sa famille.

Il n’y avait aucun bruit dans l’annexe qui servait de maisonnée à la jeune femme et au reste de sa famille. Sara soupira doucement, puis se dirigea vers la cuisine, la tête toujours pleine de ses interrogations habituelles. Sentant son ventre se mettre à gargouiller, elle commença à fouiller les placards de la pièce. La jeune femme était tellement absorbée par ses recherches qu’elle n’entendit pas une autre personne pénétrer dans la cuisine.

  • Encore en train de fouiller partout Sara ? Décidément, tu ne sais pas attendre l’heure du repas.

Sara sursauta en entendant la voix de sa grande sœur, puis se tourna vers cette dernière, bredouillant des excuses.

  • Ce n’est pas ce que tu crois Morgane… Je voulais juste…
  • Grignoter un morceau de pain ? Prendre une pomme ? Voyons Sara, ne joue pas à ça avec moi. Depuis le temps, je te connais par cœur.

La dénommée Morgane attrapa une pomme qui se trouvait sur la table au centre de la pièce, puis la jeta à sa jeune sœur qui l’attrapa au vol. Elle ajouta d’une voix qui se voulait fâchée.

  • C’est tout ce que tu auras. Tu attendras que je fasse le repas du soir si tu as encore faim.
  • Merci !

Sara s’installa sur l’une des chaises en bois, tournant de temps en temps la tête vers la fenêtre sui donnait sur la rue. Elle aimait bien observer les vas et viens des gens au dehors, s’imaginer un tas d’histoires à leurs sujet. Peut-être que cette jeune femme avait un rendez-vous secret ? Et ce vieil homme, peut être allait-il rendre visite à son fils ? Et celui-ci, si bien habillé, était peut être attendu pour une soirée importante ? Morgan s’installa aux côtés de sa sœur, souriante. Ses deux grands yeux bleus étaient dépourvus de méchanceté. Ils brillaient de mille feux, contrastant avec sa peau pâle et ses longs cheveux noirs et lisses qui lui tombaient sur les épaules.

  • Le marché s’est bien passé ?

La rouquine hocha la tête, mâchant ce qu’elle avait encore en bouche avant d’avaler.

  • Oui… J’ai réussi à écouler une grosse partie des fleurs. Elles feront le plaisir des amoureux encore une fois. Ah, et autre chose…
  • Autre chose ?
  • Une vieille femme est venue pour demander des Lys.

Le visage de Morgane était devenu sérieux. Cette dernière soupira doucement, croisant les bras sur sa poitrine.

  • Donc… Père va devoir encore faire quelque chose de dangereux. Et toi aussi.

Sara hocha à nouveau la tête, puis essaya de rassurer sa sœur.

  • Cette fois-ci, on ne se fera pas voir de ces idiots de Chevaliers de l’Ordre…
  • C’est vrai qu’hier soir, tu as bien failli te faire attraper. Heureusement pour toi que tu cours vite.
  • Oui… J’espère que Nicolas a réussi à s’enfuir de son côté. Si nous le perdons, nous perdons tout lien avec les Chevaliers de l’Ordre. Et ensuite, cela risquera d’être compliqué d’obtenir des renseignements.

C’était Morgane qui avait rencontré Nicolas à l’auberge du Rouge-Gorge à Futés. Elle avait réussi à lui faire tourner la tête et lui avait confié ses intentions. Et contrairement à ce qu’elle avait pensé, il n’y avait pas que des monstres parmi les chevaliers de l’Ordre. Comme partout, il y avait ceux qui préféraient se taire et suivre simplement les ordres sans faire d’histoires. Nicolas était de ceux-là. Mais il avait décidé de venir en aide à Morgane et à Sara, malgré tous les risques qu’il encourait. La jeune femme aux cheveux noirs soupira :

  • J’espère qu’il va bien…

Sara haussa les épaules. Elle appréciait le jeune homme, mais sans plus. Elle haïssait les Chevaliers de l’Ordre. Elle détestait leurs manières de faire. Hier soir encore, après avoir semé ses poursuivant, elle n’avait pas pu se rendre au lieu du rendez-vous et une innocente en avait payé le prix fort. La rouquine croqua rageusement dans la pomme.

  • Sara… Ils ne sont pas tous mauvais.
  • Je m’en doute.
  • Tu ne peux pas tous les haïr sans distinction.
  • Je sais mais… Je ne peux pas m’en empêcher. Tu sais très bien qu’ils adorent torturer les gens qu’ils attrapent. Il les torturent et ensuite, ils... Ils...

La jeune femme ne termina pas sa phrase, enchainant quelques secondes plus tard :

  • J’ai entendu des rumeurs au sujet de leur bourreau… Il parait qu’il fait des choses encore pire que ce que l’on peut penser.
  • Ce sont des rumeurs Sara. Je ne pense pas qu’un homme puisse faire pire que les autres.
  • Mais Morgane…

La grande sœur posa un doigt sur la bouche de sa cadette pour l’inciter à se taire. Son regard bleu fixait intensément celui de Sara, et elle murmura entre ses lèvres sur un ton calme :

  • Les murs ont parfois des oreilles. Par la grande déesse, fais attention aux mots que tu prononces. Et surtout, ne les cries pas comme tu aimes si bien le faire.
  • Désolée…

Le silence se fit alors dans la pièce, tandis que Sara terminait de manger sa pomme. Une fois que cette dernière ne fut plus qu’un trognon, elle le laissa trôner sur la table de la cuisine. Pendant quelques secondes, elle repensa à sa mère, et sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale.

  • Sara ? Tout va bien ?
  • Oui... Juste un mauvais souvenir...

Un mauvais souvenir... C'était bien pire que ça, mais la rouquine éloigna ces réminiscences de son esprit. Ce n'était pas le moment de repenser à tout cela. Essayant de changer de sujet, Sara demanda à son aînée :

  • Père n'est pas là ?
  • Il s'occupe des Lys dans l'arrière cours avec Sybille... Il faut bien que quelqu'un le fasse.

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