Ad Vitam Aeternam
L’éternité serait-elle une utopie ? Un espoir sur lequel nous nous jetterions tous par crainte de la mort ? Ou au contraire, un désespoir qui nous accablerait une fois l’illusion de notre liberté dissipée ?
Assis sur le banc de ce parc, je vois passer les mêmes visages stressés chaque jour tandis que je laisse le mien se détendre à la caresse du soleil. Dans un moment d’ennui et d’égarement sur mon smartphone, je suis tombé sur votre défi, cher inconnu, et ai décidé d’y répondre en vous partageant ma réflexion et mon expérience sur l’éternité. Pour cela, revenons un peu dans le temps, à seulement quelques lignes plus haut où je parle de ces visages stressés qui courent après le temps qu’ils ne pourront jamais rattraper. Certains ont besoin de lui pour passer plus de temps avec leur famille et réchauffer leur cœur, alors que d’autres mettent en avant leur carrière professionnelle et leurs objectifs dans une société qui, après un certain temps, finira par les oublier. Seuls resteront leurs actes et l’héritage qu’ils laissent, pour les rares élus tout du moins. Aucun des deux n’a raison, et aucun des deux n’a tort mon ami. Chacun profite de son temps et de sa vie comme il l’entend, comme ces enfants un peu plus loin qui rient et jouent sur les balançoires, les voyez-vous ?
Avec ma femme, nous avions coûtumes de venir sur ce banc le dimanche après-midi ou lors des chaudes journées d’été. D’abord pour nous y rencontrer lorsque je lui faisais la cour, puis nous nous y sommes mariés un peu plus loin par là où pousse désormais un chêne. Je me souviens encore de ce jour comme si c’était hier, la fois où je fus ébloui par sa beauté lorsque, cachée derrière son voile, elle s’avança entre les rangées de nos invités, la beauté du soleil se réfléchissant sur sa robe et illuminant mon cœur comme jamais elle ne l’avait fait. Cette nuit-là même, dans la passion de nos sentiments, nous fîmes notre premier et notre seul enfant. Notre trésor, comme elle l’appelait souvent. Et comme aujourd’hui, nous venions sur ce banc pour le regarder jouer et s’amuser avec les autres enfants, jusqu’à ce qu’il grandisse et se dise trop grand pour ce genre de choses. Mais cela remonte à bien longtemps. Aujourd’hui, les enfants de ce même âge ont les yeux rivés sur leurs écrans tandis que leurs aînés, parfois dans l’incompréhension, ne savent pas comment faire d’eux des hommes de valeurs ou des femmes dont la beauté irradie de l’intérieur. Et pourtant, si ce passé semble dépassé face au futur, qu’adviendra-t-il lorsque le futur deviendra présent ? Par expérience, je vous le dis, c’est au passé qu’il faudra demander car c’est en lui que les réponses du futur se trouveront. Mais encore une fois, nous nous égarons, comme tant d’entre nous se sont égarés face aux adversités de la vie. Que ce soit le jeune homme qui quitte son foyer trop tôt et se retrouve au pied du mur, blessé dans sa fierté et son orgueil. Ou encore ce vieil homme à qui la vie lui a arraché ce qu’il avait de plus précieux, le laissant avec un vide si grand qu’il… qu’il…
Tout cela fait partie de la vie voyez-vous ? Que ce soit la joie d’être entouré, le bonheur éphémère qui n’annonce rien d’autre que la venue d’une peine où notre entourage se montre prêt à nous soutenir, pour ceux qui ont la chance d’en avoir tout du moins. Mais que reste-t-il à celui qui est éternel ? Que reste-t-il lorsqu’il a vécu toutes les expériences de ce monde, lorsqu’il en a vu l’histoire naître, se faire et se répéter avec toujours les mêmes erreurs ? Ne pensez-vous pas qu’après tout ce temps, comme la dernière page d’un bouquin que l’on tourne, une fin délivrante est la bienvenue ?
Si vous vous demandez qui je suis, alors regardez-moi et regardez vous. Si vous vous demandez où je suis, alors fermez les yeux et ressentez. Et si vous vous demandez quand je suis, alors relisez mes mots jusqu’à comprendre. Mais ne tardez pas trop car, contrairement à ce texte qui est désormais figé, votre temps, lui, continue de s’écouler.
En espérant avoir répondu à votre défi et à votre question, venez donc vous asseoir avec moi sur ce banc lorsque vous en aurez l’occasion et admirez avec moi l’œuvre du temps.
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