L’équilibre des silences
L’équilibre des silences
Résumé :
Et si l’équilibre ne se mesurait pas dans la force, mais dans le silence qu’on apprend à habiter ?
Dans ce récit, un jeune homme affronte ses tempêtes intérieures, entre foi, désir, et solitude.
Un souffle poétique sur ce qu’on tait, ce qu’on espère, et ce qu’on choisit de devenir.
Note : Ce texte est une participation au défi hebdomadaire UNCD#199 sur le thème Équilibre(s).
Il contient les mots imposés suivants : panne, rue, farine, monument, interprète, poudre, utilisés dans le corps du texte.
Texte :
Le vent soufflait doucement sur les toits de la ville, comme une prière murmurée à l’oreille de ceux qui n’écoutent plus.
Je marchais lentement dans la rue, entre les ombres des lampadaires fatigués, cherchant un peu d’équilibre dans mes pensées en désordre.
Depuis la panne de lumière en moi, je survivais plus que je ne vivais. L’amour, la foi, la famille, le désir… rien ne trouvait plus sa place. Même Dieu semblait absent. Je ne lui parlais plus. Ou plutôt… je n’osais plus.
Il me restait l’écriture.
Et le souvenir de ses mains.
Chaque soir, dans cette chambre d’internat trop étroite pour contenir un cœur en feu, je déposais mes émotions comme on jette de la poudre sur un brasier. Ça crépitait, ça blessait, mais ça m’évitait de m’effondrer. Juste assez pour tenir. Juste assez pour respirer.
Un jour, au marché, je suis tombé sur lui. Un homme aux gestes simples, aux mots rares. Il vendait de la farine, des épices, des sourires enrobés de silence. Je ne sais pas pourquoi mes yeux l’ont choisi, mais ils ne l’ont plus quitté. Il avait cette paix que je cherchais. Cette paix que je redoutais.
Il m’a offert un pain chaud. J’y ai mordu comme on croque un souvenir.
Et là, sans un mot, il m’a reconnu.
Pas moi. Mais mon déséquilibre.
— Vous êtes un interprète, non ? a-t-il dit soudain.
— Interprète de quoi ? ai-je soufflé, pris au dépourvu.
— Des silences. Des cœurs qui n’osent pas parler.
Je suis resté figé. Il avait vu.
Ou peut-être seulement compris.
Le soir même, je suis monté au sommet du vieux monument de la ville, celui qu’on évite parce qu’il nous oblige à regarder les choses de trop haut. Là, seul face au vide, j’ai écrit cette phrase dans mon carnet :
“Un jour, j’aimerai librement, ou pas du tout.”
Depuis, je n’ai pas trouvé la réponse.
Mais j’ai cessé de fuir la question.
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