II.
La rue qu'empruntaient les jeunes adultes pour se rendre en cours était semblable à toutes les autres. Sur le côté des routes gris clair, où circulaient des véhicules entièrement autonomes, des rangées d'arbustes s'étalaient le long des trottoirs. Partout où l'on regardait, tout était d'une propreté impeccable, chaque parcelle était balayée à intervalles réguliers, les branches des arbres étaient toutes taillés à la même longueur réglementée, rien ne dépassait.
Les bâtiments, s'ils étaient quelque peu différents dans leurs formes étaient tous fait du même matériau blanc, de larges ouvertures trouaient les façades, laissant la lumière inonder l'intérieur des appartements de même taille où l'on pouvait apercevoir ci et là le même mobilier tout aussi éclatant que l'extérieur nettoyé en même temps que les voies.
Tout cela était entretenu par de petits robots qui, tandis que tout le monde dormait encore, où que l'on était, selon ses obligations sociales, occupé à l'intérieur, sortaient en nuées de trappes jusqu'alors invisibles.
Personnes n'avaient jamais pu apercevoir ces petites machines en action, mais aucun des citoyens ne s'en souciant non plus. Tout était toujours absolument aussi propre, ainsi, personne ne s'était jamais posé de questions, c'était normal.
Finalement, tout ici était régi par ces robots aux fonctions multiples. Chacun des appartements était équipé d'un accès au réseau souterrain qu'ils empruntaient afin de combler tous les besoins des citoyens.
Grâce à une logistique millimétrée, les étudiants pouvaient faire leur courses et être livrés dans la minute même. Il arrivait même qu'avant d'avoir fini d'inspecter les infinies quantité d'achats possibles, les premiers soient déjà là, fraîchement sortis des entrepôts gigantesques des sous-sols.
La médecine généraliste était, elle aussi, administrée par un robot domestique personnel, sachant de vous tout ce qu'il y avait à savoir. Cela libérait donc la ville d'un espace immense que l'on pouvait allouer à des habitations plus confortables.
Les rues se répétant ainsi formait des quartiers où vivait des personnes du même groupe social primaire, le plus précis. Chacun de ceux-ci était regroupé dans un ensemble un peu plus grand, où l'on partageait toujours le même groupe social, cette fois secondaire, un peu plus général, et au croisement de chacun de ceux-ci, on retrouvait un petit centre d'activités où étaient mis à disposition des parcs, des salles de sports collectifs, ceux solitaires pouvant s'exercer sans problème chez soi, des salles de cinémas où était diffusés une sélection de films communs et une plus spécifique selon l'appartenance sociale des habitants l'entourant, et d'autres bâtiments destinés aux activités de groupe, ainsi qu'un hôpital pour des opérations, rares, trop lourdes pour le robot médical personnel et une unité de surveillance automatisés, elle aussi complètement inutile.
Les quartiers, mis bout à bout formaient des villes immenses, entrecoupées de quelques étendues de nature où l'on trouvait des bungalows perchés dans l'air pur et frais de petites montagnes enneigés, dans des forêts aux allures de contes de fées où encore sur des plages de sable fin, devant des bassins gigantesques d'eau turquoise sous un ciel artificiel toujours parfaitement clair et chaleureux. Chacun des habitants avait le droit, pendant un tiers sur quatre et selon un roulement précis, de visiter ces endroits afin de se dépayser un temps avant de reprendre la routine bien huilée du quotidien.
On aurait pu croire au paradis, que l'humanité avait enfin réussi à construire une société stable, sûre et absolument égalitaire, reposant sur des données logiques et faite dans le seul but d'apporter à ses sujets tout le confort qu'ils demandaient.
Mais la station ne s'arrêtait pas à ces jolies villes robotisées où des hordes de savants s'adonnait à faire avancer l'espèce sur le plan intellectuel. Pour qu'ils le puissent, il fallait bien que, quelque part, d'autres aient un destin bien moins élégant.
Et il ne fallait en fait pas aller très loin. L'étage des savants se trouvant sur le dessus de la station, tout le reste, n'était que multitude d'étages où s'entassaient, dans des villes salles et sombres, plusieurs milliards de personnes attendant, sans plus y croire, d'enfin accéder à ce qu'on appelait "la surface", en opposition logique au "sous-terrain" où ils vivaient.
On retrouvait ici des gens travaillant dans la maintenance du réseau robotique tout juste au-dessus d'eux, ou bien directement celle des robots, quand eux-mêmes ne pouvaient le faire, ce que l'étage du dessus avait par ailleurs vocation à changer peu à peu. D'autres, la plus grande partie, n'étant là qu'en permission devraient bientôt repartir, dans les navettes spatiales, en direction des différentes bases en constructions sur la Lune, Vénus ou même encore Mars, ou bien vers les différents sites de minage d'astéroïde.
Soixante années auparavant, quand la station fut terminée et qu'on put y accéder, les Terriens avaient pu passer les tests de sélections afin d'avoir une place dans le vaisseau-monde. Seules alors quelque familles très riches, des politiciens et autres magnats, purent s'installer dans une ville spécialement construite pour eux à la surface. Tous les autres Humains ayant fait la demande d'accès et ayant été positif aux nombreuses analyses furent dirigés vers les sous-terrains encore relativement accueillants.
Dans un premier temps, ce fut la délivrance. On pouvait respirer librement, les maladies se faisaient déjà beaucoup plus rares et il y avait du travail, de quoi s'occuper toute la journée, et pour une cause des plus importante ; la survie de l'espèce.
Mais très vite on comprit la supercherie. Tout commença quand, après quelques mois, alors qu'une explosion des naissances survenait, on enlevait les enfants à peine nés. On leur faisait passer toute une batterie de tests, on analysait chaque brin d'ADN et l'on décidait ensuite s'il devait monter ou si, jugé inadéquats, on les laissait en bas. Sans même demander aux parents, on remplissait doucement les villes toutes neuves du haut où les tout jeunes arrivants étaient alors éduqués à la vie qui les attendait.
Quand des émeutes éclatèrent, on envoya les premiers régiments de robots CRS. Si, sur Terre, on n'avait pas encore vraiment osé les utiliser, ici ils disposaient de toutes les armes qu'on pouvait insérer dans leur corps métallique. Les révoltes ne cessèrent pas pour autant, et on recensait chez les Humains des pertes importantes se comptant en centaines de milliers de personnes et quand on réussissait à endommager un robot, deux autres apparaissaient. Un jour néanmoins, un groupe de jeunes réussit à séquestrer l'une des machines, après des semaines de reprogrammation, ils réussirent à la faire obéir à de nouveaux ordres visant à la retourner contre ses semblables, bientôt on put en former assez pour repousser momentanément les vagues de tueries.
Mais ce ne fut que de courte durée, quand on s'en rendit compte, en haut, on mit au point une nouvelle armée de machines qui explosaient lorsqu'on essayait de les détourner et au même moment, on éteignit le ciel artificiel et on arrêta le générateur climatique visant à fournir les conditions adéquates à une vie en bonne santé.
Les révoltes se calmèrent un peu, puis, en voyant arriver de nouvelles navettes remplies de pauvres gens n'ayant aucune idée d'où ils mettaient les pieds, les citoyens mécontents comprirent qu'on n'hésiterait pas longtemps à bien pire, que, si demain on voulait tuer absolument chaque personne, on pourrait la remplacer dans la journée par un Terrien avide d'une vie spatiale fantasmée.
Ainsi, les gens finirent par se contraindre à respecter les volontés des administrateurs. N'ayant de toute façon aucune autre façon de vivre, on ne rêvait plus que de faire naitre un enfant qui puisse avoir une chance d'accéder à la surface et d'ainsi, d'une certaine façon croyait-on encore naïvement, à s'y hisser soi-même.
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