Cet homme ne peut qu'être fou...

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La professeure Mania, psychologue reconnue, s’interroge.

L’homme roulé en boule sur le divan face à elle, ne peut qu’être complètement et irrémédiablement fou.

Or c’est quelque chose qu’elle trouve parfaitement inadmissible ! Qu’il soit fou est une chose… Qu’elle ne soit pas en capacité de le guérir en est une autre !

Son patient étant âbimé en lui-même, indifférent à sa présence et se montrant calme, la professeure se permet de replonger son nez dans les notes qu’elle a prises avant et pendant la séance.

L’homme répond au nom d’Hugo Oldin. Il a 52 ans, c’est un célibataire endurci et un historien ordinaire.

Il est travailleur, mais a, à priori, toujours été conscient de ses limites, ne se surmenant jamais, bien qu’il soit réputé pour sa curiosité sur l’origine des choses.

Tous ses proches assurent qu’il n’a jamais eu aucune addiction quel qu’elle soit, ni ne lui ont jamais connu le moindre trouble mental.

À croire qu’il a sombré dans la folie en un claquement de doigts…

C’est il y a deux jours, que l’un de ses collègues qui, après ne l’avoir pas vu depuis trois jours et n’ayant pas réussi à le joindre par téléphone, s’est présenté à son domicile et l’y a découvert dans un état qu’il a qualifié « d’effrayant ».

Le pauvre Hugo était prostré au milieu de son salon, hagard, puant de ses déjections, le visage griffé par ses propres ongles et les yeux hallucinés.

L’historien n’a pas effectué de résistance quand des médecins sont venus l’extraire de son appartement.

En revanche, il a montré une peur à la limite de la panique violente, à chaque fois qu’il a été en présence de quelque chose de couleur noir ou blanche trop prononcée et se tétanise quand il voit une lumière rouge.

Quand il a été interrogé, la seule information qui est ressortie des rares balbutiements et cris quasi inarticulés qu’il lui arrive de libérer, est qu’il est allé quelque part et a vu quelque chose qu’il se refusait à décrire.

Lorsque la professeure Mania l’a accueilli dans son cabinet, il lui a fallu user de tout son art pour que son patient accepte enfin de parler, quoi que de manière confuse.

Mais ce qu’il a raconté est… impossible.

Il a commencé par évoquer une inextinguible soif de savoir l’origine des choses. Une donnée connue de la professeure, puisque mentionnée par les proches de l’historien.

C’est à partir de là que ses propos ont perdu en cohérence…

Une souriante ombre vivante, à l’œil brillant comme un soleil de sang.

Ombre qui a déchiré l’air de son ongle avant de le pousser dans la faille ainsi pratiquée…

La professeure a ici noté au mot prêt les divagations d’Hugo :

« J’ai alors atterri dans un monde qui n’en est pas un, puisque de néant. Dans cet espace, si l’on peut l’appeler de la sorte, les règles de la perception n’existaient pas. Haut, bas, gauche, droite, devant, derrière, proche, loin, et jusqu’aux couleurs elles-mêmes… rien de tout cela n’était… tout étant pas encore. Mon cerveau était réduit à imaginer un semblant de logique, pour ne pas être détruit par l’impossibilité de cet endroit se résumant au Rien, au Est et au Sera. Le seul point fixe et cohérent était la fissure de réalité par laquelle j’avais été précipité. Dans la direction de ce que je me figurai, être devant moi, ce que mon esprit s’est représenté comme deux géants en noir et blanc, se dressaient… Le son n’existait lui-même pas en ces lieux, pourtant l’un des deux s’est exprimé, me disant de retourner d’où je venais, si je ne voulais pas disparaître… J’ai évidemment fui… »

Après ces derniers mots, l’historien s’est replongé dans le mutisme et une immobilité proche de la catatonie, sous le contre coup d’avoir dû livrer toute l’origine de son état.

La professeure en est donc là, perplexe face à ce cas qui lui résiste.

Un fou pur et insoignable.

Car il ne peut qu’être fou, ce n’est pas possible autrement.

…N’est-ce pas ?

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