Chap 3: ce qui nous attend après…
Liv, juillet 2021
Lorsque j'ouvre les yeux, je me trouve allongée dans un lit. Le plafond familier de ma chambre d'enfance m'accueille dans une lumière diffuse. La tapisserie rouge carmin, les poutres en bois que j'avais tant de fois comptées adolescente... Tout est là, immuable, comme figé dans le temps. Pourtant, je reste immobile, prise d'une sensation étrange. Je tente de m'assurer que ce n'est pas un mauvais rêve, mais rien ne me semble plus réel que ce moment.
Je souris malgré moi. Je suis à la maison, dans le cocon rassurant de mon enfance. Un soulagement m'envahit, mais il est rapidement entaché par une sensation persistante : quelque chose ne tourne pas rond. Mon dernier souvenir est flou, comme une image à moitié effacée. Je me revois au volant, le cœur battant après une dispute... puis un trou noir. Et maintenant, me voilà ici.
La chaleur du soleil traverse la fenêtre. Je tourne la tête vers mon réveil noir anthracite posé sur la commode. Les chiffres rouges clignotent : 11h17.
— J'ai dormi tout ce temps ? murmuré-je.
Ce n'est pas dans mes habitudes. Je me redresse lentement, surprise d'être encore vêtue de la tenue de la veille. Une vague douleur monte à mes tempes. Mon crâne semble compressé par un étau invisible. En passant mes mains dans mes cheveux, une sensation glaciale me tétanise : ils sont mouillés.
Je m'immobilise, déconcertée. Pourquoi ? Comment ? Je suis certaine de ne pas avoir pris de douche hier soir. L'eau s'égoutte sur mes doigts comme un rappel glaçant d'un souvenir que je ne parviens pas à saisir. Mon cœur s'accélère, mais mes paupières, lourdes, m'empêchent de lutter. Avant d'avoir pu réfléchir davantage, je sombre à nouveau dans l'inconscience.
Quand je me réveille une seconde fois, le soleil brille toujours haut dans le ciel. Mon mal de tête a disparu, mais une étrange froideur s'est emparée de mon corps. Pourtant, la lumière baigne la pièce et la chaleur de juillet devrait suffire à me réchauffer.
Je me lève enfin, mes mouvements brusques contrastant avec mon état d'esprit incertain. Un élan d'allégresse inexplicable m'envahit, presque absurde. Je danse sur place, riant sans raison, avant de descendre l'escalier en trottinant. L'atmosphère au rez-de-chaussée est lumineuse, les grandes fenêtres laissant entrer la lumière éclatante du jour.
— Je vais ouvrir !
Cette voix... Celle de Léon. Mon frère. Je le vois arriver vers moi. Il est là, mais quelque chose chez lui est différent. Son teint, habituellement hâlé, est blafard. Ses cheveux, d'ordinaire ébouriffés, sont tirés en arrière avec une quantité absurde de gel. Une étrange gravité émane de lui.
Je lui tire une grimace, comme à mon habitude, espérant une réponse piquante. Mais Léon ne réagit pas. Il semble me traverser du regard, comme si je n'existais pas.
— Léon ? Eh, qu'est-ce qui t'arrive ?
Il s'arrête au milieu du couloir, silencieux, les yeux fixés sur un point derrière moi. Avant que je puisse insister, une voix grave retentit dans le salon.
— Venez, mon oncle, on est tous dans le salon.
Mon oncle ? Que fait-il ici ? Cet homme que j'ai toujours trouvé insupportable, avec ses pantalons en tweed et ses cheveux gras ? Mon cœur s'emballe. Pourquoi toute la famille semble réunie ?
Je descends lentement vers le salon, un léger brouhaha me parvient. En franchissant la porte, je reste pétrifiée. La pièce est pleine. Mais pas de rires, pas d'agitation joyeuse. Juste des murmures étouffés, des regards fuyants.
— Mais qu'est-ce qui se passe ici ? Ce n'est pas mon anniversaire !
Personne ne répond. Personne ne tourne la tête vers moi. C'est comme si... je n'étais pas là.
— Eh, oh ! Vous comptez m'ignorer encore longtemps ? Léon ?
Toujours rien. Ma voix, pourtant forte, semble glisser sur eux comme un souffle de vent. Je m'avance au centre de la pièce, exaspérée, et m'arrête net devant une table basse.
Une grande photo trône en son centre. Mon cœur manque un battement.
— C'est moi...
La photo est entourée de fleurs. Le cadre est noir. Autour, les visages graves de ma famille se penchent, habillés de noir. Un silence oppressant pèse sur la pièce.
Je tremble. Mes jambes flanchent. Tout se bouscule dans mon esprit. Je m'appuie contre le mur, cherchant désespérément une explication rationnelle. Puis, je fais demi-tour et monte à l'étage.
Dans ma chambre, je me précipite vers le miroir de la salle de bain. Mais mon reflet a disparu. Le monde derrière moi est là, fidèle à la réalité, mais moi... je ne suis pas là.
Je recule, tremblante, la main sur la bouche.
— Je suis morte...
Ces mots résonnent dans la pièce, presque irréels. Je me répète cette phrase plusieurs fois, comme pour m'en convaincre. Mais rien n'y fait. Je m'assois sur le bord du lit, incapable de bouger davantage.
Lorsque je reprends un semblant de contrôle, un objet attire mon attention. Un livre ouvert est posé sur mon bureau. Il n'était pas là avant. L'écriture manuscrite sur la page semble trembler, comme si elle était encore fraîche.
Je lis à voix haute :
Un nouveau monde s'offre à toi.
Un monde où tu n'es plus.
Tu as une mission importante.
As-tu déjà pensé à la mort ?
Une vie pour en aider une autre
Je repose le livre, tremblante. Une mission ? Pourquoi moi ? Qu'est-ce que cela signifie ?
C'est alors que je vois le téléphone posé sur le bureau. Un appareil que je n'ai jamais possédé. Une notification clignote. Je l'attrape d'une main hésitante et ouvre le message.
Une photo s'affiche. Un homme me fixe depuis une immense demeure à l'architecture étrange. Ses yeux, sombres et perçants, semblent me regarder droit dans l'âme.
Et soudain, tout s'éteint autour de moi.
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