Trois cents mots à la fois, jour après jour, je m'épuise sur une feuille blanche alors que mon crâne commence à tirer. Trois cents mots c'est mon sprint, le seul de la journée, celui qui te laisse pantelant et vide, celui qui te pousse à aller t'allonger, faire n'importe quoi, une sieste surtout, parfois juste regarder le plafond le temps que ça passe. Trois cents mots c'est rien, même pas un chapitre, et les souvenirs d'une vie où sept pages me sortaient du torse comme une seule quinte de toux demeurent précis dans ma tête. Trois cents mots. C'est si peu, c'est si laborieux. Le bout de mes doigts reste en attente, mon crâne me brûle et mes poignets s'engourdissent déjà. Trois cents mots, si vite lus, consommés en moins de deux minutes pour des efforts qui m'auront pris tant de force. Trois cents mots pour faire passer une idée, un sentiment, pour donner vie à des personnages plus grands que moi. C'est si peu. C'est si frustrant. J'ai des envie de force et d'inspiration qui t'élèvent, j'ai des envie de longues session d'écriture qui te retiennent la nuit et chassent toute idée de temps, de besoins, de corps pendant un moment. J'ai envie d'exaltation et de joie, des frissons de l'écrivain quand il a enfin l'impression de toucher du doigt ce qu'il veut dire. Mais je n'ai que trois cents mots. Et trois cents mots, c'est de l'écriture en microdosage, c'est du sentiment en gélule ; c'est si peu, quand on voit les autres écrire. J'aimerais avoir leur endurance. J'aimerais avoir leur force et leur carrure. J'aimerais avoir leur souffle.