La nuit n’était plus noire ni tempétueuse. Le vent était tombé et il faisait clair comme un plein jour. Rien de surprenant à cela sur le coup de midi pile avec le soleil en pleine face.

Pile et face. Aucune alternative possible. Je ressassais donc morose quant au moyen de démarrer mon récit nocturne, tempétueux et obscur comme à l’accoutumée.

- Vous n’en avez pas marre de monologuer ainsi constamment sur ce sujet battu et rebattu à longueur d’heures ?

- Tiens, un interlocuteur. Je ne serais donc pas seul à l’intérieur de la tempête dans mon crâne ? Foin de soliloqueries, dialoguons, dialoguons que Diable !

- Etes-vous si assuré que je sois dans votre crâne sombre et tempétueux ? Il fait plein soleil de midi et quelque, puisque le temps s’écoule pendant que nous bavardons. Et si c’était l’inverse ? Vous dans mon crâne et moi bien à l’extérieur du vôtre ?

- Le privilège de l’antériorité joint à celui de mon imagination fertile fait de vous une fiction pure inventée par moi pour les besoins de la cause, en l’occurrence mettre en situation un personnage dans cette nuit noire et tempétueuse. Il animera mon récit un peu statique, voyagera de ci de là et fera peut-être de surprenantes rencontres.

- « Peut-être » ?

- Ecoutez, je viens de vous inventer, je n’ai pas encore songé à ce qu’il va advenir de vous.

- C’est que j’espérais beaucoup de ces rencontres…

- Vous pourriez mourir dès la page deux si le cœur m’en dit. C’est le privilège de l’auteur.

- Pfft. Vous êtes sans cœur.