Amnêsía
Les rues glissent sous mes pieds, cherchent à me faire tomber. J'ai l'impression de marcher depuis le début du jour. Mais ne marchais-je pas déjà le jour d'avant ? Peut-être suis-je juste une âme errante qu'on ne remarque pas, invisible parmi les foules, condamnée à marcher pour l'éternité. Bonne question, par ailleurs. Qui suis-je ? Ne me suis-je pas déjà posé cette question des millions de fois, sans jamais rien obtenir ? Je continue à marcher.
Je trébuche. Un petit garçon me regarde bizarrement. Il parle mais je ne le comprend pas ; ses mots semblent s'arrêter contre un mur de brouillard. Mais je le vois, oui, clairement. Si clairement, même, que j'ai l'impression étrange de voir ses pensées tourbillonner autour de lui. Et une s'épaissit assez pour que je puisse la lire. Qui es-tu ? Je ne sais pas, j'ai envie de lui dire. Ma réponse reste coincée dans ma gorge. A la place, je m'éloigne, de plus en plus vite, sentant soudain une torsion dans mon ventre, un poids sur mon cœur, un feu dans ma tête. Je ne sais pas. Je ne sais rien. Non, ne me regardez pas ! Je ne suis rien ; le vent qui passe peut-être, une idée inventée, trop fugace. Le vide... Le vide est là pour m'emporter. Je le sens tout près, si près, à quelques pas... Non, à l'intérieur de moi. Je suis remplie de vide. Partout où je regarde, il n'y a plus rien. Je n'ai pas d'âme ; ou tout du moins, on me la prit. Je baisse la tête. M'enfonce dans les ombres, n'importe quelles ombres. Le noir est bien chaleureux de m'accueillir, moi, vent sans âme, il me berce, me réconforte. Je m'endors ; j'oublie le vide, je m'oublie moi même.
Je sens des pavés durs sous moi. Un soleil rayonne tout là haut, tout là bas. Je me lève ; et dans les rayons de l'astre, j'entraperçois une question. Qui suis-je ? Curieux. Ne me suis-je pas déjà demandé cela ? Je commence à marcher, avec le sentiment que, jamais, je ne m'arrêterais.
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