Chapitre 6 : Premier défi.
- Ainsi, l’heure du lundi sera consacré à la danse et les deux heures du jeudi à la natation. Exceptionnellement, aujourd’hui nous consacrerons les deux heures pour avancer sur les chorégraphies puisque aucune d’entre vous ne pouvait savoir que nous irions à la piscine, annonça la jeune femme en survêtements.
Un soulagement général gagna les filles qui s’étaient raidis au mot “natation”. Si certaines ne voulaient pas se mouiller les cheveux ou venir démaquiller à l’école, d’autres mourrait de peur à l’idée de mettre un orteil dans l’eau. Seule Kimi restait inerte face à cette nouvelle, passant simplement sa main le long de son ventre. Faye qui baillait frénétiquement à côté, déposa sa tête sur son épaule. Elle sursauta et croisa les grands yeux verts de la rousse qui lui tira la langue avant de passer son bras autour du sien, se blottissant un peu plus. La tête de Laure apparut alors soudainement, jetant sa main derrière le dos de la blonde pour pousser la flemmarde. Faye grogna et lui lança un regard noir. Elle se réfugia alors auprès de Nice qui accepta l’étreinte.
Kimi soufflait, excédée par cette prof de sport qui parlait trop à son goût. Elle voulait passer aux choses sérieuses et pas seulement rester assise, collés aux autres filles sur les longs bancs, le temps qu’elle finisse son discours. Avachie sur elle-même, les coudes enfoncés dans les cuisses, les poings sous ses mâchoires, elle fixait avec froideur la petite dame en essayant de ne pas écouter les deux filles se disputer.
- Qui t’as permis d’être aussi affective ? persiffla Laure, tu sais que ça la met mal à l’aise.
- C’est parce que tu es si coincée et Madame “je sais tout” qu’elle est mal à l’aise, dit Faye en se raccrochant à nouveau Kimi.
- Je te ferais remarquer que je l’ai accueilli en première, si je ne te l’avais pas présenté…
Les nerfs montaient. Pourquoi avaient-ils fallu que les cours de sport mêlent les deux classes des Richess ? Toujours dans la même position, elle jeta un coup d’œil à sa droite pour croiser celui de Nice. Celle-ci commença à triturer ses doigts, gêné de ce soudain échange. Elle ne comprenait pas d’où lui venait cette timidité excessive, mais au moins elle avait le mérite d'être calme.
- Allons bon, qu’est-ce que c’est que tout ce remu-ménage ! Mademoiselle ? Comment est-ce que tu t’appelles ?
- Kimi Dan’s, souffla-t-elle.
- Je vois, la fameuse, dit-elle en haussant les sourcils. Je pense qu’après autant de péripéties, il serait mieux de se faire toute petite. Je ne tolérais pas autant de bavardages dans ma classe…
- Et je peux savoir quand est-ce que j’ai parlé ?
- Avec moins d’insolence, s’il te…
- Mais je n’ai pas parlé ! Depuis le début du cours...
- Peut-être, mais tu perturbes les deux jeunes files à côté de toi ! Oui, c’est comme ça, encore un mot et c’est un avertissement, la prévint-elle en la voyant ouvrir la bouche en grand. Maintenant levez-vous les filles, nous allons jusqu’aux locaux de danse !
Dès qu’elles se levèrent, bavardant sans que leur professeur ne dise quoi que ce soit, Kimi se défit de l’emprise de ses pots de colle. Laure et Faye se renvoyait alors la faute l’une à l’autre, pendant que Nice semblait subir la situation.
Une fois dans les locaux, la dame leur demanda de s’écarter les unes des autres pour commencer à apprendre les premiers pas de la chorégraphie. Elle claqua dans ses mains pour marquer le tempo et leur montra le premier enchaînement. Doucement, l’ensemble des filles se mirent à l’imiter. Kimi dévisagea sa professeur de haut en bas, elle ne supportait pas cette façon qu’elle avait de leur parler comme à des bébés. Ce n’était pas bien compliqué de suivre à la vitesse à laquelle elle allait. Mais elle roula des yeux en voyant les autres se tromper dans les pas. Plusieurs fois, elles reprirent jusqu’à ce que la prof jugea qu’il était bon de le faire à la vitesse normale. Elle lança alors la musique sur la radio à l’aide d’une petite télécommande et compta haut et fort les temps. Ce fut une catastrophe. La plupart d’entre elles n’avaient pas réussis à aligner les pieds aux bons endroits. Si Faye et Laure s’était plutôt bien débrouillés, Nice n’avait même pas pris la peine de faire plus d’un pas tellement les bouffées de chaleur lui était monté. Ce genre d’exercice s’avérait trop voyant pour la petite timide. Et pendant que ce fiasco se réalisait, Kimi avait réalisé le premier enchaînement à la perfection. Bien sûr, elles étaient tellement centrées sur elle-même que personne n’avait eut le temps de le voir ou alors elles ne l’avaient pas voulus.
Le cours continua durant le reste de l’heure dans les mêmes conditions et depuis que Laure lançait des regards curieux vers la blonde grincheuse, d’autres s’y étaient mis aussi. Il n’y avait pas une erreur dans la reproduction de ses pas. Cependant, la petite dame qui leur servait de professeur ne semblait pas vouloir le voir.
- Je vous propose de faire une pause de cinq minutes et vous passerez par ligne devant le miroir, que je regarde un peu où vous en êtes ! s'exclama-t-elle.
C’est une angoisse qui se répandit immédiatement dans le local, Nice laissant tomber ses fesses sur un tapis de mousse. Elle regardait le sol avec insistance et son teint avait changé de couleur. Toute pâle, Faye vint passer une main dans son dos et lui chuchota des mots d’encouragements. Kimi ne s’en mêla pas, avalant la moitié de sa bouteille d’eau d’une traite. Elle était déterminée à montrer ce qu’elle savait faire à cette peau de vache, certaine qu’elle la niait intentionnellement depuis le début de la séance. Laure s’approcha à tâtons d’un visage très intéressé.
- Tu as pris des cours de danse ? demanda-t-elle comme si de rien était.
- Nan, répondit Kimi en prenant une gorgée de plus. J’ai appris toute seule, ajouta-t-elle avant de se placer dans la première ligne.
Elle se tenait au milieu de la salle, deux filles de part et d’autre, telle une spartiate prête à mener sa guerre. Quand la musique se lança, la bataille commença. Si Kimi possédait des lacunes évidentes dans les cours et qu’elle n’arrivait pas à nouer facilement avec les autres, elle avait confiance en son corps ou plutôt en ses mouvements. Elle bougeait de manière fluide, fixant son reflet avec insistance et écrasait à plate couture les filles qui l’entouraient. Il n’y avait plus de place que pour elle et sa présence, gagnant pendant un court instant le cœur de celles qui la regardait la bouche entrouverte. La prof fronça les sourcils tout du long et se mordue la lèvre avant d’éteindre la musique. Kimi se retourna alors vers elle, le regard avide et fière d’entendre des chuchotements s’élever derrière son dos. Mais elle refusa de relever son talent.
- La classe ! fit écho une voix.
Toutes les têtes se retournèrent vers le petit mec aux cheveux noirs qui avait plus d’une étoile dans les yeux. Les garçons se tenaient de l’autre côté des baies vitrés et la porte ouverte avait permis d’entendre ses mots clairement. Il se gratta l’arrière du crâne, souriant bêtement quand il comprit qu’il avait parlé trop fort. L’agitation chez les filles se fit immédiate, comprenant qu’ils avaient finis leur cours plus tôt.
- Monsieur Hodaïbi ! Est-ce qu’on vous a demandé votre avis ?! s’énerva soudainement la prof.
Celui-ci eut le réflexe de mettre ses avants bras devant son torse pour se protéger de ses aboiements. Il fit une grimace quand les garçons à côtés se moquèrent de lui. Kimi ne rigolait pas de lui, reconnaissant le copain “Richess” de ses “copines”. Elles levaient les yeux aux ciels et Nice sembla entrer dans une profonde dépression à la vue de tous ses mâles. La prof quant à elle avait changé de tête en découvrant à Kimi un sourire satisfait.
- Tu apprends vite, c’est très bien, marmonna-t-elle, mais il ne faut pas devenir présomptueuse pour un compliment. Je me demande si Selim trouverai toujours aussi bien la suite de la chorégraphie si elle était orchestrée par tes soins, dit-elle en relevant le menton pendant qu’elle croisait les bras.
- Vous pouvez envoyer la musique, rétorqua-t-elle en jetant un claquement de doigt dans l’air.
Sa professeur serra les mâchoires pendant que des exclamations s’élevaient dans toute la salle. D’un “silence !” elle les fit taire et repassa la chanson depuis le début. Les garçons qui s’étaient invité dans le local entre temps et assis aux sols eurent la même réaction que les filles précédemment. À hauteur de ses fesses, ils l’observèrent se déhancher davantage quand vint le moment d’improviser. Selim Hodaïbi secouait frénétiquement le bras du gars à côté de lui en la regardant faire. Le grand blond resta de marbre, comme si aucune émotion ne le traversait. Loyd qui se prit un coup à la volée ne tarda pas à le calmer en partageant ses sourires. Ce dernier lança alors un appel à l’aide à son meilleur copain, mais Sky dévisageait la danseuse avec grande attention. Il suivait ses mouvements des yeux, sourcils froncés, pendant qu’elle montrait des pas de hip-hop. S’il avait pu lui jeter des éclairs, il l’aurait fait. Quant à Selim, il fut conquis, déposant une main sur son torse et levant les yeux aux ciels tellement il appréciait le spectacle.
- Mais whaou ! C’est une bombe !
Sky s’empressa de lui coller une tape derrière le crâne et n’eut pour réaction qu’une grimace. Les filles la jalousèrent soudainement et les yeux de Nice s’arrondirent puis se déposèrent sur Kimi. Elle lui prêtait maintenant une réelle attention, laissant son angoisse de côté et déglutissant en lui trouvant un sourire. Laure et Faye tournèrent la tête l’une vers l’autre, étonnées : c’était la première fois depuis le début de la semaine qu’elle voyait Kimi avec un visage aussi égayé. En effet, il n’y avait rien qui la rendait plus heureuse que de danser. Et pendant qu’elle relevait ses cheveux d’un geste, faisant aller ses hanches, elle lança un regard affriolant à son reflet qu’elle draguait depuis le début de son improvisation. C’est avec le cœur léger, les bras se balançant gaiement de part et d’autre de son corps par l’essoufflement qu’elle défia une dernière fois sa prof du regard. Elle savait qu’elle avait gagné ce match et même si les prochains s’avéraient difficiles, rien ne pouvait lui faire plus satisfaction que d’avoir cloué le bec à cette mégère.
- Elle est mignonne quand elle sourit, chuchota Loyd qui se penchait vers Sky.
- Je ne vois pas où tu as vu ça, dit-il en se relevant.
- Où vas-tu ?
- Me changer, répondit-il séchement.
- Qu’il est de mauvaise foi, fit-il alors en jetant un regard au blond à côté de lui.
- Hum, eut-il pour simple réponse.
Pendant que Selim se lançait dans une tirade de compliments et que l’autre avait dirigé son attention sur une paire de fesse, Loyd suivit Kimi des yeux. Elle s’assit en tailleur à côté de Laure et son duo d’amie. Il jura qu’une complicité s’était installée entre les quatre jolies filles.
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