Chapitre 20 : "Viens chez moi" - Partie 1.

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Le vendredi après-midi, Dossan patientait devant Saint-Clair, adossé à sa voiture. Il n’écoutait qu’à moitié ce que lui racontait sa fille, se demandant s’il faisait bien d’accueillir “un gosse de riche” chez lui le temps d’un week-end. Il avait accepté seulement pour connaitre les dessous de cette histoire et afin de découvrir quelle genre de personne Kimi fréquentait. Pour accepter un tel défi, le garçon en question devait avoir une certaine importance, quelle qu’elle soit.


  • Ah, le voilà ! s’exclama Kimi à la fois avec impatience et appréhension.

Il regarda le garçon qui tirait sa valise au loin, découvrant petit à petit les traits qui faisait craquer toutes les filles. Il lança un regard à Kimi qui ne donnait pourtant pas l’impression d’être séduite. Alors il le fixa davantage tandis qu’il s’approchait. Doucement, son image se précisa : sa carrure, son charisme, la couleur de ses cheveux châtains, mais surtout ses grands yeux verts. Il l’avait déjà vu dans les journaux, mais même sans photos, il l’aurait reconnu.

  • Monsieur, enchanté, je suis Sky Makes, se présenta-t-il en lui tendant sa main.

Kimi fit une grimace à l’air qu’il se donnait, mais elle s’étonna bien vite de la réaction de Dossan. Il ne répondit pas tout de suite à la poignée de main, dévisageant le visage de Sky. Il avait les yeux de son père, John-Eric, et des traits qui lui rappelait sa mère, la grande Blear Makes. Déglutissant, il finit par lui tendre sa main.


  • Excuse-moi, quand Kimi m’a parlé de cette petite expérience, je ne pensais pas que j’aurais affaire à Sky Makes…
  • Est-ce que ça change quelque chose ? demanda-t-il sur ses gardes.
  • Non, du tout…
  • Peut-être que tout d’un coup l’expérience apparaît plus intéressante ? continua-t-il.
  • Hey, tu te calmes ou quoi ? intervint Kimi.

Dossan éclata de rire alors qu’il lui tenait encore fermement la main. Il reconnaissait bien là une poigne de fer. Sky le lâcha, autant surpris que Kimi par cette esclaffe.

  • J’ai été simplement étonné, mais ne t’inquiètes pas, je t’accueillerais comme un autre dans ma maison, lui sourit-il chaleureusement.
  • Très… bien, répondit-il d’un ton hésitant. Voilà mon chauffeur, je vais te présenter, fit-il à l’égard de Kimi.

La limousine se gara au plus proche du petit bolide de Dossan. Le contraste était assez flagrant. Un vieil homme en costume qui portait une casquette Londonienne sortit de la longue voiture noire pour les accueillir.


  • Bonjour Monsieur, c’est la jeune fille dont vous m’avez parlé ? demanda-t-il en faisant une courbette.
  • Oui, bonjour Charles, je te présente Kimi et voici Charles, fit-il les présentations. Il s’occupera de toi et veillera à ce que tu agisses bien comme une Makes le temps de week-end. Si elle ne se comporte pas bien, tu as le droit de lui faire la remarque, précisa-t-il à son majordome.
  • Qu’est-ce que tu insinues ?! Devant mon père en plus, espèce d’idiot, marmonna-t-elle.
  • Veillez sur elle, la confia Dossan. Kimi, je te dis à lundi ? dit-il en lui ouvrant les bras dans lesquels elle se blottit immédiatement. Ne les dérange pas trop et soit courtoise, d’accord ?
  • Oui, papa !

Le chauffeur, et domestique de Sky, s’occupa de ranger la valise de la blonde dans la limousine. Ses yeux s’écarquillèrent à la porte qui s’ouvrit sur du cuir et du velours. Avant de disparaitre complétement, elle leva les deux sourcils dans la direction de Sky et lui fit un doigt d’honneur. Il s’en offusqua pendant que Dossan se retenait de rire.

  • Cette… Charmant, se reprit-il pour ne pas l’insulter.
  • Aller, en route, on en pour une heure plus ou moins, lui dit-il en lui faisant signe de monter dans la voiture.
  • Une heure… C’est pas vrai, dit-il tout bas d’un air exorbité.

***

De tous les moments gênants que Dossan avait vécu dans sa vie, sur une échelle de zéro à dix, celui-ci pulvérisait les échelons. Il échangeait des commodités, suivi de longs blancs, avec le garçon qu’il n’aurait jamais cru accueillir dans sa maison un jour : le fils de son amour de jeunesse. Le fils de Blear se tenait sur le siège d’à côté, droit comme un piquet et silencieux. Il remercia le ciel de ne pas tomber dans les embouteillages et d’arriver à destination un peu plus tôt que prévu. Devant la modeste demeure, Sky ne put s’empêcher de montrer un visage étonné, à se demander s’il trouvait ça trop pauvre ou mieux qu’il l’avait imaginé.

  • Nous y voilà, tu peux prendre ta valise ? Je vais ouvrir et débarrasser l’entrée, fit-il en faisant tourner ses clés autour de son doigt.

Pendant un instant Sky resta comme un ver découvert au milieu de la pomme. Avec hésitation, il prit ses affaires sur la banquette arrière et la traina derrière lui d’une mine renfrognée. Dans son monde, Charles se serait précipité de les porter à sa place. Dossan se délectait de cette vue et ne pouvait s’empêcher de vouloir le taquiner.


  • Voici donc l’endroit où tu vas vivre ce week-end, tu tiendras le coup ? demanda-t-il en le voyant zieuter chaque recoin de la maison.
  • C’est… plutôt joli…
  • Tu as été bien élevé, si tu n’aimes pas, tu peux le…
  • Non, je trouve que c’est bien, le coupa-t-il, la valise toujours à bout de bras.

Dossan pencha légèrement la tête face à l’honnêteté qui se dégageait de son visage et lui fit un petit sourire.

  • Suis-moi, je vais te montrer le reste et la chambre de Kimi, enfin ta chambre, plaisanta-t-il.

Sky le suivait sagement, les yeux biens ronds, analysant chaque détail. Après le hall, le grand salon et la cuisine s’articulait en une seule pièce. Les meubles rouges, s’accordait à un plan de travail moderne et tranchaient avec la vieille table en bois au milieu du salon. Les portes vitrées menait sur un jardin moyen dans lequel trainait quelques outils de jardinages et un vieux barbecue sur la terrasse. Les fauteuils étaient recouverts de plaids à ne plus en voir le cuir et cachaient les premières marches d’un grand escalier magistral. Derrière celui-ci se cachait une petite pièce fourre-tout qui n’avait pas besoin qu’on lui apporte de l’intérêt. Monter à l’étage, signifiait tomber nez à nez avec un grand piano qui trônait à l’autre bout du couloir. En le traversant, Dossan lui montra sa propre chambre et son bureau, artistiquement en bazar, puis la salle de bain. L’étage était plutôt spacieux, laissant une pièce vide qu’il ne prit pas non plus la peine de lui montrer. Il laissa Sky se diriger vers l’instrument avant de lui présenter sa future chambre.

  • Vous jouer ? demanda-t-il en passant ses doigts délicatement sur les touches.
  • Je t’en prie, on peut se tutoyer, fit-il en l’observant alors hocher de la tête. C’est un vieil instrument, un cadeau d’un ami, sourit-il, j’en joue encore de temps en temps, et toi ?
  • Je me débrouille, répondit-il.
  • Viens, voilà la pièce qui t’intéresse le plus, fit-il en ouvrant une autre porte.

Avec intérêt, Sky jeta un œil dans la chambre qui n’avait rien de “Girly”, comme il l’avait imaginé. La pièce n’était pas plus grande que ce qu’ils leur offraient à l’internat. Un mur remplit de photos de Kimi et ses anciens amis vint le forcer à se pencher sur les clichés. Tout comme sur le piano, il passa ses doigts sur le bureau qui semblait trop bien rangé. Il en déduit qu’elle faisait ses devoirs dans son lit, dont les draps avaient dû être tirés pour l’occasion.


  • Il est déjà tard, met toi à ton aise et je vais préparer le souper, tu peux déballer tes affaires et te détendre. Généralement, on mange vers dix-neuf heures et demie, expliqua-t-il.
  • Hum, que fait Kimi généralement avant de prendre le souper ? demanda-t-il un peu perdu.
  • Ce qu’elle fait ? s’étonna-t-il, eh bien, comme je viens de te le dire, elle se détend le vendredi soir.
  • Elle… ne fait pas ses devoirs ? N’étudie pas ? fit-il alors d’un ton qui trahissait sa surprise.

Dossan ne su quoi dire, se forçant à ne pas regarder le garçon avec peine.

  • Non, rien de tout ça ! Et d’ailleurs, donne-moi ton sac, ordonna-t-il d’un geste.
  • Euh… pourquoi ?
  • Si je ne le prends pas, tu vas faire tes devoirs, n’est-ce pas ? assura-t-il en levant un sourcil, sûr de lui.
  • Hum, je…
  • Je le sais, alors donne-moi tout ça, fit-il en pointant du doigt ses affaires d’écoles. Tu es là pour vivre comme Kimi, alors tu n’as pas le choix, rit-il.

Il prenait un peu trop de plaisir à le voir s’exécuter feignant qu’il avait raison sur toute la ligne. Encore une fois, il lui ordonna de ne rien faire d’autre qui pourrait concerner l’école. Sky le suivit donc jusqu’à la salle de bain où Dossan lui montra où se trouvait les serviettes de bains et comment fonctionnait le robinet de douche. D’un simple geste, il lui souhaita de prendre du bon temps sous l’eau, laissant encore une fois Sky, perdu au milieu de la pièce. Il fit encore une fois l’état des lieux, levant les épaules en signe de retraite : ce monde était bien différent du sien.

***

La mâchoire inférieure de Kimi donna l’impression de frôler le sol quand elle découvrit la propriété des Make. Elle s’empressa de sortir de la limousine pour lancer un “sérieux ?” au majordome et chauffeur. Celui-ci s’occupa momentanément de transporter son petit sac de vêtements. Elle aurait voulu avoir une paire de lunette de soleil pour pouvoir la baisser, tellement elle s’époustouflait d’un tel traitement. À la fois amusée, puis gênée que le vieux monsieur porte ses affaires, elle insista pour l’aider, mais il refusa catégoriquement : “c’était son rôle”. À sa convenance, mais elle le surveilla de prêt et s’étonna de la forme qu’il gardait malgré ses nombreuses rides.

Kimi se sentait si petite dans l’allée qui faisait face aux grands bâtiments blancs et aux jardins derrière qui s’étalait à perte de vue. Elle ne se sentit pas plus grande une fois dans la demeure, pointant son nez vers le haut plafond. À la vue de chaque meuble qui semblait être une pièce d’exception, des longs tapis, puis des écrans plats et de l’ascenseur dans la pièce principale, elle crut rêver.


  • Eh ben, il ne se fait pas chier ! s’exclama-t-elle en déposant ses mains sur ses hanches.
  • Je vous demande pardon, Mademoiselle ? se retourna le majordome avec horreur.
  • Ah… pardon, je voulais dire que ça pue la classe ici, enfin c’est stylé, se reprit-elle à chaque fois qu’elle voyait son regard s’agrandir un peu plus. Waw, ça gargouille, fit-elle en déposant sa main contre son ventre criard.
  • Que souhaitez-vous pour le souper ? Puisque nous ne connaissions pas vos goûts, le cuistot a établi un menu. Nous vous proposons…

En clignant des yeux, Kimi écouta les propositions sans fin de repas et commençait a avoir de plus en plus l’eau à la bouche.

  • Le bœuf bourg.. uignon ? Ce sera bon…
  • Et avec ceci les fondus, je suppose ? lui sourit-il, ravi.
  • Ouais, les fondus, fit-elle sans vraiment savoir de quoi il s’agissait.
  • Et en vin ? Je ne pense pas que Madame et Monsieur apprécierait qu’on entre dans leurs caves, mais je peux…
  • Oh non, pas de vin ! Je n’aime pas ça, se précipita-t-elle de le couper dans son élan. Sky en boit ? Et où sont ses parents ? Vous pouvez me tutoyer aussi, ça me gêne.

Crispé, Charles joignit ses mains comme pour rester zen et reprit son discours.

  • Je vous apprendrai que de la famille Makes, c’est Sky qui possède la meilleure langue en matière de vin. Il a un goût très développé, et quant à ses parents, ils ne seront pas présents ce week-end.
  • Quoi ?! Mais… quel petit, jura-t-elle. C’est trop facile s’ils ne sont pas là, je suis sûr que c’est pour ça qu’il a accepté. Lui alors, mais quel tricheur ! s’offusqua-t-elle.
  • Je ne comprends pas, répondit-il pris par surprise, il ne vous a pas prévenu ? Quoi qu’il en soit, il est très rare qu’ils soient présents le week-end. Monsieur et Madame sont fort prisé par leurs entreprises à l’étranger. Je pense que la prochaine occasion de se regrouper sera lors des fêtes de fin d’année.

  • Attendez, sourcilla-t-elle, ils ne sont pas là les week-ends ? Ça veut dire qu’il ne les voit jamais ?
  • C’est rare, c’est pourquoi ils se rattrapent pendant les congés scolaires.
  • Ah d’accord…

Le majordome passa outre la mine contrariée de Kimi pour la mener jusqu’à l’étage. Elle n’en revint pas que la chambre de Sky puisse faire la taille de son salon. Il avait droit à une salle de bain intégrée et à sa propre télévision. Par-dessus tout, elle jalousait son immense lit dans lequel elle se serrait jeté si Charles ne la regardait pas avec autant de conviction.

  • Voulez-vous que je vous apporte votre souper dans votre chambre ?
  • C’est… possible ? Mais je voudrais bien voir la salle à manger, donc ça ira, répondit-elle rapidement.
  • Bien, si vous avez besoin d’aide dans une quelconque matière, je suis à votre disposition.
  • Matière ? répéta-t-elle d’un air grave.
  • Oui, habituellement… Monsieur commence ses leçons directement, ainsi il a tous le temps de relire ses cours le lendemain et de recevoir ses invités…
  • Quels invités ? Sky fait vraiment ses devoirs un vendredi, mais il est malade ?!

Charles décrocha finalement un sourire face à la détresse de Kimi.

  • Un week-end sur deux nous recevons un jour des Stones pour qu’il s’entraîne au Basket et les samedis matins il assiste à des cours d’entreprises en ligne. S’il ne s’y met pas de suite en rentrant de l’école, il n’aurait pas le temps de prendre des pauses. Tout est une question d’organisation, assura-t-il.
  • Et le dimanche ? demanda-t-elle d’un air désespéré.
  • Repos bien sûr, tout en gardant l’étude au goût du jour…

Un grand soupir vint lui couper la parole. Dépassée par ces nouvelles, Kimi agrippa son visage dans ses mains et décida de lancer un regard de chien battu à son hôte. Celui-ci ne blêmit pas, prenant sur lui pour l’aider à franchir le cap de sortir ses cahiers et ses classeurs.

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