Malgré le brouhaha qu’avait créé la vision de Kimi sortant de la limousine de Sky, la raison resta secrète. Seul le petit comité des Richess connaissait les dessous de cette histoire. Il y avait une certaine frustration qui se dégageait de la part des filles de leur classe, toutes tendant l’oreille au moindre détail concernant cet échange.

• Je crois que ce qui va me manquer le plus c’est la bouffe, dit Kimi alors que le professeur leur avait accordé une pause entre deux heures de cours.
• Voyons, tu es vraiment un estomac sur patte ! rit Laure qui lisait le journal du lundi.
• Tant que j’y pense, je vais aller me chercher un petit snack au distributeur !

Très vite, la blonde décampa de sa place pour se ruer jusque la machine remplie de bonbons et de biscuits. Elle tomba nez à nez avec Sky qui commandait une boisson dans celle d’à côté. Leurs regards se croisèrent rapidement, puis s’esquivèrent. Tapant les chiffres correspondant à la barre chocolatée qui lui faisait de l’œil depuis la matinée, elle pensa au fait qu’ils n’en avaient pas encore discutés. Elle osa à nouveau un regard dans sa direction quand il poussa un râle.

• Elle m’a bouffé mes pièces, fit-il en tapant son poing sur le distributeur. Tu aurais de la monnaie ? Je vais réessayer, demanda-t-il en tendant directement sa main.

Kimi fouilla dans ses poches et lui trouva quelques pièces qu’elle jeta dans sa paume. Il grommela à peine un merci et les glissa dans la machine d’un air fâché.

• C’est quand même dingue que ce soit moi qui dépanne le mec le plus riche de cette école, pouffa Kimi.
• Le problème avec les chéquiers c’est qu’on ne peut pas les utiliser pour se payer un petit rafraîchissement du matin, répondit-il en la regardant à peine. Yes ! s’exclama-t-il lorsque sa boisson tomba dans le bac.
• J’espère que tu comptes me rendre mes sous, je n’ai pas les moyens de te payer à boire à chaque fois que tu n’as rien en poche, fit-elle en commençant à déballer son biscuit.
• Je te payerais un truc la prochaine fois… radine, ajouta-t-il rapidement.

Peu importe les efforts qu’elles fournissaient pour ne pas s’énerver, Sky avait toujours le mot de trop, l’insulte parfaite pour la faire démarrer au quart de tour. Le doigt brandit presque sur son torse, Kimi entreprit un discours sur la valeur de l’argent et bien vite, elle se tut. Les souvenirs de ce week-end passé dans sa demeure vinrent la couper dans son monologue. Il y eut alors un instant où ils se regardèrent dans le blanc des yeux. Il était évident que chacun pensait à ce qu’il avait pu voir chez l’autre, mais aucuns mots ne sortaient. Kimi obligea ses lèvres brûlantes de questions à rester closes, par pure fierté. Elle ne craquerait pas en première. N’avait-il rien à dire ? Rien à demander après ces trois jours passés dans sa maison ? Comme s’il lisait dans ses pensées, Sky relevait le défi de tenir le plus longtemps. Il se riait de la détermination et de l’hésitation dans les yeux de la blonde :

• Qu’est-ce qu’il y a ? Tu constates enfin à quel point je suis beau ? fit-il en appuyant son bras contre le distributeur.
• Tu veux encore une gifle ? fit-elle d’un ton totalement blasé.
• Alors là, je ne te le conseille pas…
• Et pourtant je le ferais, sale pervers ! C’est pas un compliment ! s’écria-t-elle en le voyant rire.

Trop enflammée pour le remarquer, Kimi ne releva même pas le fait qu’il lui souriait pour la première fois. Dans une grimace hautaine, certes, mais cela restait un rire.

• Oh t’es chiant ! Et en plus d’être pénible, t’as vraiment des goûts de chiottes ! s’exclama-t-elle en serrant les poings.
• Comment ça ? pouffa-t-il en levant un sourcil.
• Tu… Charles m’a fait regarder des documentaires avant de dormir, alors que toi tu devais sûrement te mater un super film ! Mais je comprends mieux pourquoi tu es aussi …
• Un documentaire ? la coupa-t-il, mais enfin pourquoi est-ce qu’il t’a demandé de regarder ça ? De quoi ça parlait ?
• Un truc… j’ai pas tout compris, avoua-t-elle d’une moue boudeuse, il a dit que c’est ce que tu regardais avant de dormir.

À nouveau, Sky se mit à rire, cette fois dans son poing, hilare.

• Je crois que tu n’as pas compris, lâcha-t-il entre deux gloussements.
• Tu me prends pour une idiote ? Bien sûr que j’ai compris ! fit-elle en croisant les bras.
• Je crois que par “documentaire”, il insinuait autre chose, expliqua-t-il alors d’un air sournois. Du porno, Kimi, lâcha-t-il devant son air interrogateur.

Rouge comme une tomate, Kimi bredouilla quelques mots qui n’avaient rien d’arguments valables. Elle se sentait soudainement très stupide et affreusement gênée d’avoir mal interpréter les mots de Charles qui souhaitait simplement la préserver.

• Alors on ne sait plus ou se mettre, “Mademoiselle” ? J’ai connu plus de répartie…
• Attends pour voir ! Je vais te coller la honte de ta vie…
• C’est ça, oui, fit-il en fermant les yeux.
• Il est temps de retourner en classe, dit-elle en voyant plusieurs élèves se précipiter à l’intérieur du local. Je m’occuperais toi plus tard et… tu me dois un hamburger ! Ce sera le prix à payer ! déclara-t-elle en le pointant à nouveau du doigt.
• Très bien, souffla-t-il, résilié.

Le visage de Kimi s’éclaira, les yeux pétillants d’apprendre qu’elle aurait droit à un fastfood gratuit. Cette fois, il n’avait pas vraiment de raison de la dévisager, mais il restait fixer sur son sourire vainqueur. Sans trop réfléchir, il sortit son téléphone de sa poche et le brandit devant lui.

• Tu me passes ton numéro ? demanda-t-il nonchalamment.

Plusieurs émotions gagnèrent alors la blonde qui passa de l’étonnement, puis à la suspicion jusqu’à ressentir un peu de fierté.

• Tiens, tiens, tu veux mon numéro maintenant ? fit-elle en se rendant plus grande avec un sourire de canaille.
• Je me suis juste rendu compte ce week-end que je ne l’avais pas…
• Normal, puisque tu n’as pas voulu le prendre quand on les a échangés au tout début de l’année, hum ?
• Oh allez donne-moi ça ! fit-elle en lui prenant son téléphone des mains.
• Eh !

Elle se jeta pratiquement sur lui pour tenter de le récupérer, mais il la bloqua en pointant son coude directement sur son visage, tapant de l’autre main son numéro. Résignée, Kimi attendait patiemment qu’il finisse d’échanger les contacts. Quand il lui rendit son appareil, elle souffla et lui tourna les talons pour reprendre le chemin de la classe. Une main vint attraper le col de Sky avant qu’il ne puisse faire pareil. Terreur dans ses yeux quand il vit Kyle lui afficher un grand sourire sadique. Celui-ci passa une tête dans le local pour prévenir le professeur qu’il l’empruntait quelques minutes. À croire que le journaliste tenait toutes les couilles du monde dans le creux de sa main, ce dernier ne trouva rien à redire.

Contre son plein gré, Sky se retrouva entraîner au fond du couloir, là où le petit blond pouvait surveiller chaque passage. Repoussant son bras, le roi déglutit en lui découvrant un regard avide et perfide.

• Qu’est-ce que tu me veux ? grincha-t-il en détournant les yeux.
• Eh bien, si je m’attendais à ça, commença-t-il, le roi de Saint-Clair se défile ?
• Jamais de la vie ! fit-il en poussant légèrement son épaule.
• Alors donne-moi les infos que je t’ai demandées.
• Je n’ai rien pour toi…
• Allez, tu étais au cœur de l’action et tu n’as rien à me raconter sur la petite nouvelle ? Un week-end aura suffi à t’attendrir ?
• C’est pas ça, il n’y a rien de plus que ce que tu ne sais déjà…
• Tu as accepté l’échange suite à ma proposition et tu me ponds que tu n’as “rien de plus” ? Est-ce que seulement tu as cherché ? lui demanda-t-il d’un ton moqueur.
• Je n’ai pas vraiment eut le temps… et j’y ai réfléchi figure-toi, depuis quand tu as besoin des autres pour récolter les infos ?
• Et moi qui pensais que t’envoyer là-bas serait un gain de temps, je me trompais. À moins que tu remues tes méninges pour me trouver un ragot croustillant ?
• Trouve toi-même ! s’exclama-t-il en gardant un ton bas.
• Tu es sûr de toi Sky ? Une toute petite info et je te serais redevable, tu sais à quel point un service gratuit de ma part est précieux, non ?

L’idée qu’il puisse utiliser Kyle à bon escient ne serait-ce qu’une fois s’avérait être une proposition alléchante. S’engager avec le diable ne semblait pas non plus être une bonne idée et malgré tout ce qu’il avait pu dire sur Kimi, elle ne méritait pas que sa confiance soit brisée. Sky passa une main dans ses cheveux ébouriffés, mangeant de plus en plus sa lèvre inférieure tandis que Kyle ne le décrochait pas des yeux. Il décida de parler, de toute façon il n’avait rien trouvé de particulièrement compromettant. Il pouvait se permettre de dire quelque chose sans que les conséquences soient graves.

• Un frère, ils sont en procédure pour adopter un gars… C’est la seule chose qui est sortie du lot, à part ça ils ont une vie totalement normale…
• Tu vois quand tu veux, et quel est le prénom de l’heureux élu ?
• Leroy, hésita-t-il à dire. Mais qu’est-ce que ça peut faire ? Pourquoi est-ce que tu as besoin d’enquêter davantage sur sa vie ?
• Hum, ça c’est un secret, fit-il en déposant un doigt sur ses lèvres.

Une espèce de bruit entre le rire et le grognement sortit de la bouche de Sky.

• Il serait temps que tu arrêtes de te prendre pour la personne la plus puissante de cette école. Ici c'est moi le roi et j'ai le droit de savoir ce qu'il s'y passe…
• À proprement parler Laure à plus de pouvoir sur Saint-Clair via son père que toi …

Manquant de patience, il le chopa par l'épaule pour planter ses grands yeux verts dans les siens.

• Ce que tu es sexy quand tu es en colère, gloussa-t-il, et qu'est-ce que je ne ferais pas pour ces jolies pommettes, fit-il en passant un doigt sous sa mâchoire, je te le dis si tu m'embrasses...

Sans même y réfléchir à deux fois, Sky l'empoigna à nouveau pour lui offrir un baiser généreux en coup de langues. Kyle devait être satisfait. Des étoiles dans les yeux, celui-ci essuya ses lèvres de son pouce tout en lui offrant un regard affriolant.

• Les filles ne mentent pas…
• Tu peux sauter le passage où tu me jettes des fleurs, dis-moi la raison.
• C'est simplement que les élève du lycée Gordon, où devrais-je dire "d'I don't Care", m'intéresse beaucoup. Si par hasard ce garçon en fait parti alors...
• Alors quoi ? s'impatienta-t-il.
• Chaque chose en son temps, répondit-il après avoir marqué une longue pause. Je crois que je t’en ai assez dit, c’est mon scoop après tout, ajouta-t-il.

D’un clin d’œil, Kyle prit congé et s’attarda à lui faire un petit coucou des doigts. Avant de rentrer en classe, Sky passa sa main sur sa bouche, à la fois écœuré et étonné d’avoir été jusque-là pour obtenir une information.