Chapitre 25 : Tout est dans le paraître.

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La première heure du cours de natation défila à toute vitesse, le professeur se tenant sur le rebord pour surveiller de part et d’autres les filles et les garçons. Ces derniers, pour les plus fainéants, se permettaient de prendre des pauses. Bien qu’il feignît de superviser les deux genres, il était clair que l’attention de “Monsieur Sacré” se portait davantage à la droite du bassin. Très investis, il se permettait de montrer aux débutantes comment se placer sur la planche pour effectuer un “plongeon parfait”. Si certaines trouvaient le professeur à tomber part terre, d’autres semblaient mal à l’aise avec son contact rapproché.

Tel un alligator sortant la tête hors de l’eau, Sky le fixait d’un regard féroce. La piscine aurait pu se transformer en un jacuzzi tellement il bouillonnait de colère. Selim s’arrêta un moment à ses côtés pour reprendre sa respiration. À son tour, il observa Monsieur Sacré du haut de son rebord et claqua son bonnet de bain à la surface de l’eau qui éclaboussa Sky. Celui se frottait les yeux quand le plus petit grommela une insulte :

  • Ce fils de… Je rêve où il est un peu trop tactile ?
  • Tu vois très bien, répondit Sky en colère. J’ai toujours su que ce mec était un pervers, mais de là à toucher nos filles…
  • Qu’il essaye de poser ne serait-ce qu’un doigt sur Nice et il va comprendre sa douleur !

Alex et Loyd arrivaient tout deux dans une compétition de crawl et prirent part à la discussion. Les quatre garçons regagnaient terre ferme au coup de sifflet, dévisageant le professeur qui déposait sur mains sur les hanches d’une jeune fille soi-disant dans le but de les réajuster.

  • Calmez-vous les gars, c’est une histoire que nous pouvons régler en dehors des cours, leur souffla Loyd.
  • Et on le laisse faire ? s’énerva Sky.
  • Pas du tout, mais tu ne penses pas que les filles seraient encore plus mortes de honte si quelqu’un intervient ?
  • T’as pas tort, mais c’est dégueulasse, grogna Selim. C’est au tour de Faye, on va bien rire, ajouta-t-il.
  • Et de Nice, dit Loyd d’un air plus inquiet.

Manquant de glisser sur le carrelage, Selim accéléra le pas pour revenir jusqu’au devant du bassin afin d’assurer les arrières de sa belle. Mais le professeur déposa plutôt son attention sur Faye qui se mettait en position pour plonger, car il n’y avait aucun doute que la petite était une très bonne nageuse. Alors même que Selim l’observait, et qu’elle rougissait du haut de sa planche, elle effectua un magnifique plongeon, s’engouffrant alors dans l’eau tel un petit poisson. Tandis que Monsieur Sacré donnait les indications à Faye, il s’arrêta pour déposer une main sur son épaule. Alex eut l’impression qu’on lui enfonçait des couteaux dans tous le corps, restant pourtant inerte face à la scène tandis que Selim perdait déjà patience. Cependant, ils comprirent rapidement que ce n’était pas ce qu’ils croyaient.

  • Ça ne va pas ? Tu es toute blanche, constata le professeur d’un air inquiet.

À moitié au-dessus du bassin, Faye avait l’impression que l’eau se transformait en de fortes vagues. Elle se raccrocha à son bras musclé pour ne pas vaciller.

  • Je crois que… je vais vomir, fit-elle en portant sa main à sa bouche.
  • Vomir ?! paniqua ce dernier. D’accord, hum, que quelqu’un l’accompagne jusqu’aux toilettes.
  • Je m’en occupe, s’avança Alex en venant la récupérer par le bras.
  • Non, pas toi, répondit-elle, fébrile et pliée en deux.

Elle le repoussa doucement, manquant de force, à l’aide de sa main sur son torse. Alex ne bougea pas d’un pas en voyant Laure la lui arracher. Il se sentait idiot. C’est vrai, pourquoi est-ce qu’il s’était porté garant après tout ? Selim lui fit de grands yeux, curieux de sa réaction. Ce n’est pas tous les jours qu’on le voyait prendre une initiative.

  • Quoi ? l’agressa-t-il, ne supportant pas le petit air sur son visage.
  • Rien, rien, fit-il en s’écartant légèrement.
  • Les garçons, vous pouvez reprendre avec du dos crawlé, dix longueurs, et je finis avec vous les filles. J’irais voir comment va Faye après, expliqua-t-il. À qui le tour ? D’accord, comment tu t’appelles ? demanda-t-il à la blonde.
  • Kimi, répondit-elle en s’avançant jusqu’au rebord.

***

Dans la précipitation, Laure due réfléchir à une solution rapide et efficace. Agir rapidement, sans plan d’action, ne faisait pas parti de sa liste de qualité, mais elle eut une idée. À bout de bras, Faye se laissait traîner jusque dans les douches communes. Pratiquement pliée en deux, elle se tenait fermement son ventre douloureux.

  • Les toilettes…
  • Non, elles sont trop loin, à part si tu te sens capable de te déplacer jusque-là ?

Lorsqu’elle la vit se couvrir la bouche au spasme qui la mena à s’agenouiller au sol, Laure eut sa réponse. L’observant de haut, elle leva les yeux au ciel se disant qu’elle en faisait trop. Faye était comme ça après tout. Une gamine écervelée qui extrapolait la moindre douleur. Derrière sa taille mannequin et son mental de fer, du moins d’apparence, se cachait une jeune fille pleine de faiblesses. Si certains auraient trouvés sa fragilité adorable, la deuxième Richess s’en agaça et déposa par principe une main dans son dos, le tapotant en détournant le regard. Elle ne saurait quand le vomi sortirait, mais les bruits qui sortait de sa bouche la répugnait.

Faye se retrouvait appauvri, sans forces, face à la plus nareuse des personnes qu’elle connaissait. Elle se sentait tellement vulnérable dans cette situation, si bête d’avoir bu autant. Est-ce que la drogue l’aurait mis dans cet état ? Non, elle ne voulait pas penser à cette possibilité. Une nouvelle pression s’écrasa dans son ventre, envoyant une pulsion jusque dans sa gorge. Rien ne sortait. Laure gardait un doigt sur l’épaule de son amie qui tremblait de plus en plus, au point de gagner une réelle attention de sa part. La jeune Ibiss fronça les sourcils, se penchant pour constater sa pâleur et les grandes cernes noires sous ses yeux. Elle avait le teint gris, grelottait, non pas seulement à cause du froid. Tout son corps souhaitait rejeter l’ensemble de ce qu’elle avait ingéré. Chancelante, elle se laissait tomber doucement, ses orbites devenant de plus en plus blanc.

  • Faye… ? Eh ! Faye ! s’écria Laure en la rattrapant. Tu me fais quoi, là ?? Reprends-toi !

Le cœur tambourinant, Laure agrippa son visage entre ses mains et la secoua légèrement, puis plus fort. Avec lenteur, la rousse fournie un énorme effort pour attraper son avant-bras de sa main. Elle la serra et réussit à lui offrir un regard plus ou moins conscient.

  • Ça va… pas, dit-elle, fébrile.
  • Sans blague ! Réveille-toi, merde ! fit-elle en claquant ses joues.

Laure stressait vraiment, incapable de savoir ce qu’elle devrait faire. Résiliée, elle tenta de se relever.

  • Il faut que j’appelle…
  • Non !

Cette fois d’une force incroyable, Faye lui serra son poignet et remonta un regard noir jusque dans les yeux apeurés de sa copine. Un énième relent la plia en deux, amenant des larmes à couler sur ses joues. Son estomac brûlait, l’acidité remontant l’œsophage.

  • Ça va venir… Pitié…

D’un geste désespéré, elle amena deux doigts sur sa langue pour les plonger dans sa gorge. Elle toussa immédiatement. Laure s’attrapa les cheveux, crisant.

  • C’est pas vrai…
  • Lau.. re… s’il te plaît…
  • Quoi ? Quoi ?? Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

Le regard qu’elles partagèrent, tandis que Faye se relevait doucement, ne la rassura guère. Elle déglutit en regardant ses propres doigts. D’une mine dégoûtée, elle imita le geste précédent de la rousse.

  • Tu me le redevras !

Attrapant ses cheveux pour dégager son visage d’une main, Laure enfonça les deux doigts de l’autre profondément. Libération, Faye réussit enfin à vomir, alors que la sacrifiée se précipita d’allumer les douches pour se laver les mains compulsivement. Elle aussi avait des larmes dans les yeux, répugnée, tandis que l’autre avait l’impression de revivre. Soulager, elle regarda péniblement le liquide à ses pieds et appuya également sur le bouton à pression pour que l’eau le nettoie. Elle laissa l’eau chaude couler sur sa tête, pendant qu’elle restait dans la même position, les mains appuyées fermement sur ses cuisses. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour en arriver là ? Elle retint un semblant de sanglot, refusant de pleurer devant Laure.

Cette dernière l’observa d’un œil suspicieux et sentit la colère grimpait dans ses tripes. D’un pas précipité, évitant avec soin l’endroit ou tout était sortie, elle attrapa Faye par le bras et se fâcha.

  • Plus jamais tu me fais ça !! Tu… Franchement… Tu m’expliques ce qu’il s’est passé ?!
  • Je… je suis sortie hier et j’ai trop bue…

Absolument pas convaincue, Laure l’observa longuement : son teint blafard, ses yeux éteints, ajouté à ça son regard fuyant, la trahissait.

  • Tu te fous de moi ? fit-elle en déposant une main sur sa hanche. Je viens de te mettre deux doigts dans ta gorge, pour que tu me mentes ??
  • C’est rien…
  • Tu mens comme tu respires Faye ! Je te connais un minimum alors crache le morceau ! Crache ! Aussi bien que tu viens de vomir !

Elle hésitait. Pourquoi est-ce qu’elle lui dirait ? Même si elles avaient déjà vécus quelques trucs ensembles, elles n'étaient pas forcément très proches. Mais elle ne se voyait pas vraiment raconter tout ça à sa meilleure amie. Elle aurait peur que Nice la juge.

  • J’ai tout mon temps, on bouge pas d’ici tant que tu m’as rien dit ! Franchement ! s’outra-t-elle.
  • Hier… J’ai testé…
  • T’as testé quoi ? demanda-t-elle d’un air très inquiet.

Finalement, elle ne lui dirait pas.

  • Le joint… J’ai bien aimé, du coup… J’en ai fumé un paquet…
  • Ah, souffla Laure. Tu es idiote ou quoi ? Voilà, maintenant que tu sais que c’est mauvais pour toi… ne recommences plus, ok ? dit-elle en évitant de lui montrer un trop grand intérêt.
  • Yep, je risque plus, rit-elle en pensant à toutes cette fois où elle avait pris une de ces pilulles.

Les filles sursautèrent en entendant une voix masculine.

  • Comme si c’était la première fois...

Alex débarqua dans les douches, droit et fier, même à moitié nu dans son maillot de bain. L’air sévère sur son visage ne présageait rien de bon. Il avait dupé leur professeur, ce dernier bien trop occupé, comme à son habitude, à relooker les fesses de ses élèves. La voix perçante de Laure l’avait amené jusqu’à elles. Le peu qu’il avait entendu de leur discussion le révoltait. Il la confronta.

  • Est-ce que c’était vraiment la première fois ? Vu ton état, ça m’étonnerai beaucoup…

Se sentant menacer, Faye se replia sur elle-même. Comment pouvait-il savoir ? Et qu’est-ce qu’il pouvait bien en avoir à faire ? Jamais, il ne lui avait accordé d’attention, alors qu’elle avait tant essayé. Elle se maudissait de penser de la sorte, se disant que maintenant qu’elle donnait envie à tout le monde, il avait jugé bon de la fliquée. Elle le détestait.

  • Pourquoi tu ne réponds pas ?
  • Ça suffit ! Si elle dit que c’est la première fois, alors ça l’est ! Et qu’est-ce que tu fais ici ?
  • Tu vas vraiment croire ça, Ibiss ?
  • Toi… Oui ! J’ai décidé de croire mon amie, est-ce que ça te pose un problème ? Hein, Stein !
  • Toujours aussi soupe-au-lait…
  • Tu peux parler ! Alors, maintenant va-t'en. J’ai dit, casse-toi, Alex ! Tu n’oserais quand même pas remettre mon ordre en question ? Sinon pourquoi avoir accepté cette clause…
  • La clause ne dit pas que tu as le droit de me donner des ordres… Elle stipule qu’on ne doit pas se mettre de bâtons dans les roues…
  • Et là c’est le cas ! Alors déguerpis !
  • Vraiment, souffla-t-il, irrité. Tu as bien tort de la croire, mais très bien… nique-toi la santé, tu ne pourras que t’en vouloir à toi-même, ajouta-t-il en regardant Faye de son regard froid habituel.

Laure s’assura qu’il repartit dans les vestiaires pour se retourner vers la fille qu’elle venait d’appeler “amie”. Elle fut désarmée, en voyant couler des larmes de ses yeux exorbités. La frayeur se lisait sur son visage. Bien assez maligne pour comprendre ce qu'il se passait entre ces deux-là, elle lui accorda le bénéfice du doute pour le reste. D’une caresse sur son avant-bras, elle vint la calmer et l’attrapa doucement pour l'enlacer. Ce fut une première. Faye hoquetait en reniflant du nez.

  • Merci, bredouilla-t-elle difficilement.

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