Le coup de trop - Lucas / Capucine

12 minutes de lecture

  1. LUCAS

Une surprise venait de toquer à ma porte. Lorsque mes yeux croisés les siens, un souvenir m’apparut brutalement. Une sorte de violente gifle qu’on se prend dans la tronche sans s’y préparer. C’était nous deux, parlant de longues heures sur le dénouement de notre première Saint-Valentin. Le voile venait de se lever. J’ai dû lui dire de passer chez moi pour me faire pardonner. Il est vrai que mes parents s’absentent toujours ce soir-là pour profiter d’une soirée en amoureux.

Sauf qu’il y avait un gros problème… J’avais complètement oublié de lui acheter un cadeau ! Circonstance aggravante, je l’avais délaissé ces dernières semaines avec ma fameuse mission. J’ai bien vu son visage décontenancé quand elle me vit fricoter avec l’ennemi. Elle me harcelait de questions, mais je restais évasif, je bafouillais, je cherchais des mots convaincants, sans en trouver aucun qui soit assez crédible pour dissiper ses doutes. Alors, je me taisais dans le silence, un peu piteusement !

Joyeuse Saint-Valentin, mon amour, s’écria-t-elle avant de me prendre dans ses bras, et de m’embrasser tendrement. Sans attendre, je l’invitais dans mon antre. J’essayais tant bien que mal de ranger les affaires qui traînaient dans le passage. Elle n’avait pas l’air d’y apporter la moindre attention. D’ailleurs, rien ne semblait la perturber. Elle était obnubilée par moi, et rien d’autre.

À peine parti lui chercher une chaise à l’autre bout de la pièce, que ses vêtements traînaient déjà aux quatre coins de ma chambre. Alors, elle te plaît ma surprise ? me questionna-t-elle dévêtue. Euh… Oui beaucoup, répondis-je, le regard fuyant. On aurait dit un petit garçon qui découvrait pour la première fois la nudité féminine.

Bah alors, viens ici gros ballot ! disait-elle, légèrement agacée par mon attitude molle. Je ne savais ni trop quoi dire ni trop quoi faire, donc je me suis mis à suivre ses instructions sans broncher. Mon père m’aurait dit que je n'avais pas dû lire le manuel illustré ! Il n’aurait pas tort... je n’ai jamais aimé lire, encore moins un manuel !

J’essayais de ne pas y penser, mais je me retrouvais toujours à intellectualiser le moment. Des bouffées délirantes m'alpaguaient en pleine réflexion. Je me faisais des films X dans ma tête. Il me vint même l’image de cet acteur, dont le chibre avait dépassé les frontières terrestres.

C’est le style de mec à prodiguer ses conseils à la con. Un véritable guide spirituel pour les mecs paumés dans mon genre. Je le vois bien sortir des trucs douteux comme : “Mon petit gars, déjà, tu commences par la chauffer. Tu sais les femmes, c’est comme un diesel, c’est long au démarrage et après ça dépote bien. Surtout n’oublie pas, fessée droite, fessée gauche, puis tu balances. C’est comme regarder ses rétroviseurs avant de doubler, ça doit être instinctif !”

Et puis continuer par d’autres sottises du même acabit : “Avant la seconde mi-temps, tu la retournes comme une crêpe, et tu t’occupes de son gazon. Une bonne pelouse permet de jouer dans de bonnes conditions. Dès que c’est fini, tu reprends pleine balle. Une dernière chose prie pour ne jamais avoir une demi-molle ! Si ça ne veut pas, prends du viagra ! Je sais, le dopage, ce n’est pas bien, mais quand on joue à haut niveau, on n’a plus le droit à l’erreur, donc on triche un peu.”

Il avait beau me dire tout ça. J’étais toujours aussi paumé. Si bien, qu’elle a dû prendre ma main pour me guider. J’aimais bien lui faire des bisous partout, sauf qu’elle voulait que je passe directement à l’assaut de sa forteresse. Quand est-ce qu'on passe aux choses sérieuses ? hurlait-elle à mon encontre, impatiente d’en découdre. Ni une ni deux, je pris de l’élan, attrapant au passage de quoi protéger mes arrières… et la… la débandade !

Impossible de la mettre au garde-à-vous ! Je n’étais pas dedans. Une véritable affaire d'État ! Je me sentais humilié ! Ceux qui croyaient en moi étaient dépités. Comment se fait-il que ça ne marche pas ?

Pourtant, j’avais bien tout suivi à la lettre. Les étoiles étaient alignées. On ne pouvait pas rêver mieux comme fenêtre de tir, mais rien ! Je dois avoir un problème, ce n’est pas possible autrement ! Mes amis se vantaient de leurs exploits dans le domaine, et moi, je cale à ligne de départ. Qu’allais-je bien pouvoir leur dire ?

Je me mordillais la langue d’anxiété. Mon esprit se retrouvait surchargé de questions sans réponse. Elle avait beau me répétait sans cesse que ce n’était pas grave, tournant même le ridicule de la situation en blague potache. J’étais vexé, et rien n’aurait pu changer ce sentiment.

Après de longues heures de luttes intestines, je réussis enfin à m’endormir. Dans la nuit, je me mis à rêver de celle que je n’avais jamais oubliée... Dans une insomnie douteuse, je me mis à enlacer tendrement Inaya, en la couvrant de compliments, telles des fleurs jetées au balcon d’une demoiselle convoitée. Son ouïe sensible la réveilla sur le coup, et elle se mit à m’embrasser en réponse à mon attention.

Son baiser fit sonner les cornes muses, et bientôt, un odieux gaillard cria à qui voulait l’entendre : “ MONTJOIE ! SAINT DENIS ! QUE TRÉPASSE SI JE FAIBLIS ! ” . L’animal sommeillant en moi se libéra de ses chaînes. J’allais même jusqu’à déchirer mon tee-shirt en deux. J'aurais pu envahir la Suisse à moi tout seul. Toutes ses choses, jadis, compliquées devenaient simples et limpides. Nous étions en train de mener une interminable partie de tennis. Malgré mes coups saccadés, de plus en plus rapides, et de plus en plus forts. Elle arrivait toujours à me répondre avec la même intensité.

Au bout d'une bonne dizaine de minutes, je n’en pouvais plus. J’avais des courbatures dans tous mes membres, mais je ne pouvais pas m'arrêter en si bon chemin. Une question d’honneur avant tout. Quand le dénuement arriva, un nom surgit de ma bouche en feu… Capucine.

Des yeux inquisiteurs s'abattaient sur ma triste mine. Allait-elle me condamner au bûcher pour hérésie ? Qui est Capucine ? hurlait-elle avec insistance, déterminée à mener l'interrogatoire. Une première gifle me fut adressée, comme un signe d’avertissement. Dis-moi ? Dis le moi ? hurlait-elle à nouveau, tout en faisant pleuvoir des coups à foison, mais je restais muet. Je vais lui refaire le portait à cette tchoin, je te le promets !

Son insulte fut considérée par mon être comme le pire des blasphèmes. Si bien, que c’est moi, qui l’a gifla violemment. En réponse à mon insolence, elle me roua de coups. Mon corps était rempli de bleus, et la douleur m’était insupportable.

Après s’être défoulé sur moi. Elle m'offrit une dernière gifle en guise de cadeau d’adieux, puis laissa échapper une phrase emplie de vérité : “tu n’es qu’un pauvre type !”. Pour le coup, elle n’avait pas totalement tort. Elle prit ses affaires, puis s’en alla du taudis dans lequel j’habitais, et ce fut la dernière que je vu sa tête !

On dirait bien que la vie semble s’acharner sur moi, prenant un malin plaisir à contempler du haut de son mirador ma misérable existence !

  1. Capucine

Les messages affluaient de sa part, sans que je décide toutefois d’y répondre. Ses excuses sous forme de mots doux, puis de supplications, n’arrivaient pas à dissiper mes craintes à son égard. J’avais besoin de temps. L’idée de l’absoudre de ses fautes me laissait perplexe. Non pas que je devenais rancunière, mais la peur qu’il puisse à nouveau me faire du mal m’était insoutenable. Maintenant, que la preuve irréfutable sur l’alcoolisme de mon amoureux venait d’être dévoilée au grand jour.

Un beau jour, dans un esprit de clémence, j’acceptais sa proposition d'une entrevue dans un lieu bondé de gens. Il m’aurait été difficile de nier mes sentiments pour lui, sans frôler l’hypocrisie. Il bénéficiait d’un véritable privilège dans mon coeur. J’aurais rejeté beaucoup d’hommes pour moins que ça ! Comme le dit le vieil adage, le cœur a ses raisons que la raison ignore !

Nous nous sommes donné rendez-vous dans un café, près de Montmartre. Il n’arrêtait pas de pleuvoir. Si bien, que ma flemmardise me suggérait de le décaler à un autre jour, mais ma curiosité eut raison de moi. Je voulais tirer cette histoire au clair, coûte que coûte !

À mon arrivée, il était déjà là. Je remarque d’ailleurs que je ne l’ai jamais vu en retard. La ponctualité doit être chez lui, une chose avec laquelle on ne badine pas… contrairement à moi ! Son anxiété transpirait sur son visage. Je m’assis timidement, et pour la première fois, je pris les devants en commandant au barman deux cafés Guillermo. Comme aurait dit notre ancien président, le changement c’est maintenant !

J’avais la nette impression de vivre une situation inverse à celle de notre première rencontre. La fille apeurée du début avait laissé la place à la maîtresse du jeu, et le chevalier s’était transformé en un garçon timoré. Cet homme bâti comme un roc devenait craintif à chaque fois que mes yeux se posaient sur lui. Peur, peut-être que je le juge sévèrement à cause de son forfait.

La personne qu’il était cette nuit-là, et celle que je voyais en face de moi était aux antipodes. On dit souvent qu’on est soit gentil, soit méchant, mais lui était les deux à la fois. À l’image de deux réalités parallèles qui rentraient en collusion. Tel qu’il était, même Madame Germaine, lui aurait donné le Bon Dieu sans confession. Et pour vous dire, elle n’aime pas beaucoup les hommes. C’est le moins qu’on puisse dire ! Tous des ivrognes… hurlait-elle au visage du premier passant un peu alcoolisé.

À en voir sa mine déconfite, il attendait qu’une grâce présidentielle lui soit accordée, sans trop y croire. Tout d’abord, j’eus pitié de lui, puis honte de ne pas lui avoir pardonné ses fautes dès le premier message. Malgré sa richesse, sa vie ressemblait plus à un fardeau qu’autre chose.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais je voulais l’aider dans sa tâche. Comme si j’enfilais un costume d’héroïne pour un film de superhéros. Il serait mon chef-d'œuvre, celui que je louerai parmi les nations, car je l’aurais aidé à renaître tel un phénix. Il serait passé de l’ombre à la lumière.

Je te pardonne de tout mon amour, m'écriai-je promptement, mais d’une voix pleine d’assurance. Il se leva pour m’embrasser. Bientôt, nous n’en parlions plus, profitant ainsi de l’instant présent pour le reste de la soirée.

Nous nous quittions aussi amoureux qu’aux prémisses de notre relation. Il m'invita de nouveau chez lui, en s’assurant par le biais d’un tracker dans le téléphone de son père que ce dernier serait absent le soir de notre rencontre.

Le repas de cette dernière fut bref, et sans grand intérêt. On préférait passer directement à l’étape des câlins. Ses bras épais m’offraient une protection contre le monde extérieur sur laquelle me reposer. Une chose utile en cas de coup dur.

Le sommeil me gagnait peu à peu, et sans que je n’aie pas dit le moindre mot ou fait le moindre geste, mon bras se retrouvait agrippé dans un tourbillon de mouvements saccadés, entraînant ainsi mon corps dans une chute sans fin. Cette dernière finit sa course en me jetant violemment sur un lit inconnu. Quand j’ouvris légèrement mes paupières… Il était là, à califourchon sur moi, faisant pleuvoir une avalanche de bisous contre mes lèvres.

Ses vêtements valsaient tout autour de lui. Son torse musclé et ses bras veineux annonçaient la couleur. Il n’était pas là pour jouer la troisième mi-temps. Il eut un long moment d’hésitation à la vue des odieux bouts de tissus qui recouvraient ma peau.

Il voulut me les enlever, mais prise de panique, je hurlais de toute mes forces pour qu’il s’arrête. Il eut un autre moment d’hésitation pour savoir si j’étais sérieuse, mais mon visage décontenancé parlait de lui-même. Je ne suis pas prête, j’ai besoin de temps, finissais-je scabreusement par argumenter.

Il ne cachait pas sa frustration devant l’impossibilité de s’unir à moi. J’aurais aimé le faire pour satisfaire son désir, mais les conditions requises n’étaient pas réunies. Dans ma tête, il devrait y avoir tout un cérémonial où on loue pendant de longues heures notre amour dans un lieu dédié à l’occasion. Le cadre devrait être féérique, et le temps d’une nuit, nous aurions vécu dans la peau d’un prince et d’une princesse. Certainement pas quelque chose à la va-vite comme ça ! À en voir sa mine attristée. Il ne le voyait pas du même oeil. Suis-je trop fleur bleue pour demander une telle chose ?

La honte. C'était bien le sentiment qui m’animait à cet instant. J’étais une idiote, incapable de satisfaire le moindre penchant lubrique de son amant. Je partis précipitamment dans les toilettes pour cacher ma désillusion. Le besoin de pleurer m’oppressait jusqu’à me faire gémir de douleur. Quand ce fut fini, mon maquillage coulait le long de mon visage. Ce qui allait nécessiter une séance de remaquillage pour ne rien laisser transparaître.

À mon retour dans la chambre, je le vis enfermé dans un mutisme complet, scrutant avec attention son téléphone. Ce qui eut le don de remuer le couteau dans la plaie. Puis, il partit soulager sa panse, comme il disait, tout en m’ignorant copieusement. Cependant, il avait laissé son téléphone sur la table de chevet, et celui-ci n'arrêtait pas de vibrer.

La curiosité me titillait, et je voulus savoir ce que pouvait bien lui vouloir la personne qui n’arrêtait pas de lui envoyer des messages. Était-ce une ex-jalouse ? Ou encore son meilleur ami qu’il n’a pas revu depuis tant d’années ?

Sans attendre, j’attrapais son téléphone. Un écran apparut en me demandant de rentrer un mot de passe. Au pif, je tapais sa date de naissance, mais ce n’était pas ça. Puis, je tapais la mienne, et l’écran se déverrouillait devant mes yeux stupéfaits. C’était une fille. Elle avait même osé lui envoyer des photos d’elle dénudée. Quel toupet !

Plus haut, dans le fil de la discussion, c’était lui, qui l’invitait à passer à la maison pour régler une petite affaire. Il avait accompagné sa demande de mots inappropriés pour lui faire comprendre l’urgence de la situation. Ce qu’elle semblait accepter de grand coeur.

Une chose me faisait tiquer… Il m’était impossible de connaître son prénom. C’est la façon qu’utilise une personne lambda pour enregistrer ses amis dans son répertoire. Au lieu de ça, je me retrouvais avec le mot “Salope” accompagné d’un numéro, pour elle, c’était le 8, et de trois lettres, pour elle, c’était Clo.

C’était partout pareil dans son répertoire. Drôle de rangement ! Je pouvais voir des “Salope 5 Cor”, “Salope 7 Mar”, “Salope 7 Ros”, etc. Moi, j’eus le droit à "Ma Princesse”. Ce qui, faut le reconnaître, était plus flatteur.

À en voir les photos, il semblerait que le numéro soit lié à une note, jugeant l’attrait qu’il avait pour les personnes. Je vivais un véritable cauchemar. L’idée qu’il puisse faire des classements de femmes sur ce genre de critères me glaçait le sang.

J’allais éteindre son téléphone, mais sans faire exprès, je me mis à cliquer dans ses documents. Il y avait un mystérieux répertoire appelé “Mes bails”. C’était un nombre incalculable de vidéos de lui en plein ébat avec d’autres femmes.

À la fois jalouse, et folle de rage, je me mis à jeter son téléphone par la fenêtre de sa chambre. Visionner ses vidéos de lui dans cette position était une torture pour mon coeur amouraché. À le voir, si brutal avec ses partenaires, j’aurais cru voir les traits d’un démon sorti tout droit des enfers.

Ce n’était plus de l’amour à ce stade, mais une sauvagerie sans limite. Il prenait du plaisir à infliger des supplices, et elle prenait du plaisir à les recevoir. Une authentique relation toxique.

D’ailleurs, je connaissais une de ses filles avec qui il commettait ses abominations. Elle se prétendait féministe, défendant les femmes contre le patriarcat, et les maudits hommes blancs dominateurs. Maintenant, je comprends de quoi elle parlait. Si ça se savait, ça aurait mauvaise presse. Elle devrait certainement démissionner.

Comme me le disait grand-mère. Méfie-toi des agitateurs aimant désigner des boucs émissaires. Ils cachent toujours quelque chose de pas net. En la voyant dans cette position, mon respect pour elle s'était éteint.

J’imaginais aussi le jour où je devrais le présenter de nouveau à mes parents, et qu’ils apprenne l’existence de ce genre de vidéos. Ils seraient fous de rage. Déjà que mon père n’a pas supporté qu’il vienne à la maison sans se présenter. Tout ça pour me faire du mal. Alors là, il serait même prêt à commettre le pire des péchés contre lui.

Je pris mes affaires, et je parti de sa maison sans un au revoir. Il m’aurait été difficile de lui dire à quel point, il m’a déçu. Et à quel point, je maudissais le jour où je suis tombée amoureuse de lui.

Les jours d’après se ressemblaient. Ils étaient maussades. Enfermée dans ma chambre, j’étais résolue à faire le deuil de ma relation, et de veiller de longues journées dans la solitude la plus absolue.

L'omission se retrouve souvent être un choix de confort, nous évitant toute confrontation au réel. La peur est souvent trop difficile à dépasser pour un coeur aussi fragile que le mien !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Charlie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0