Péché mortel - Lucas
Sortir de l'innocence par l’opprobre offre plusieurs échappatoires possibles. Souvent, on déchaîne notre colère par des flots d’insultes que l’on déverse sur la cible de notre choix. Quand la gravité des faits est telle, que le Rubicon a été franchi, on ne peut répondre que par la révulsion. Une haine acceptable légitimant nos idées de vengeances. Nous devenons alors un conspirateur qui fomente dans le plus grand des secrets.
Dans mon cas, j’optais pour la seconde option. J’aurais tant aimé garder mon ignorance drapée dans un linge de niaiserie. Ne connaissant ni la méchanceté gratuite ni la perversité humaine.
Cependant, ce jour-là, il n’en fut pas ainsi. Je ne pensais pas retrouver mon ennemi juré dans les bras de ma dulcinée ! Un être dénué de bonté humaine, et doté d’une froideur cadavérique capable de congeler une pièce entière. En un instant, tout se bouscula dans ma tête. Pourquoi n’ai-je pas provoqué d’esclandre pour signifier ma désapprobation à Capucine ? La raison est simple…ma lâcheté n'était pas disposée à se faire la malle.
Un unique mot sortit de ma bouche fielleuse : “Bonjour”. J’enrageais intérieurement dans une totale impuissance. Je maudissais ce pervers aux allures de gentilhomme. Mon éducation de petit garçon modèle m’interdisait de lui faire le moindre mal. Qu'aurait-on pensé de moi si j’avais cédé à cette colère excessive ? Si je ne voulais pas récolter un procès en médisance, j’étais astreint à subir des humiliations dans cette prison dorée de la bien-pensance où on ne doit jamais paraître pour le méchant de l’histoire. Attendre que justice se fasse est la seule solution acceptable, même si celle-ci a la réputation de venir en retard !
Un pantin dans l’air du temps… voici un beau titre autobiographique ! Un crime ignoble se passe devant mes yeux. Quelle est ma réponse ? J’appelle les forces de l’ordre en position latérale de sécurité. C’est vrai qu’il serait bête d’avoir deux victimes au lieu d’une !
Au diable, un code de la chevalerie tombé en désuétude ! Qu’est-ce qu’il compte au final ? Sauver ses fesses, non ? On limite nos risques personnels dans chacune de nos entreprises, à l’image d’un courtier en assurance évaluant l’intérêt de telle ou telle action, selon le devis en matière de préjudices corporels ou psychologiques.
Dans la plupart des situations, il vaut mieux ne rien faire. Rien de mieux que le statu quo pour éviter les ennuis. C’est un placement sûr, et puis quand on a le goût du risque, on tape des mendiants ou des handicapés en les faisant passer pour des criminels notoires. Une technique vieille comme le monde.
Une folie passagère aurait pu me convaincre de passer à l’action, mais même si je remportais la bataille par chance, m’aurait-elle pardonné d’avoir usé de violence ? Sans oublier que les bras de mon opposant rivalisent avec mes cuisses. Il aurait très certainement fait qu’une bouchée de moi.
Ce n’est pas la première fois que je suis confronté à cette énigme à laquelle je n'ai pas la réponse. J’ai l’impression de revivre un scénario en boucle où je perds à tous les coups. Soit elle devient une martyre de l’amour par pure charité envers des charognards qui ne mérite rien d’elle, soit elle se fait souiller par eux non contents de prendre uniquement son coeur, ils veulent profaner chaque fragment de sa personne.
Devant cette scène insoutenable, préférant écourter mon visionnage pour ne pas m’affliger davantage, je fuyais emplie de couardise loin de celle-ci. Plus je m'éloigne, plus mon imagination foisonne de scénarios dignes de séries américaines. De tous les genres, tout le monde en avait pour son argent, entre un bon vieux polar et un film d’horreur.
En vérité, elle était au centre de toutes mes pensées. Ces dernières m’envoyaient des messages d’alertes, dont je ne pouvais donner suite. Je haïssais ma venue dans ce monde, pour n’être qu’une sombre merde, incapable du moindre courage, de la moindre grandeur, du moindre sacrifice. Un homme faible. Un sous-homme. Une larve humaine. Voilà ce qui me définissait convenablement. Je n’existais pas par moi-même, mais à travers les autres. Quelle tragédie grecque !
Je vivais un moment de lucidité où ma véritable nature se révélait à moi. J’apprenais mon appartenance aux misérables ! Une caste de reclus de la société. Ceux, dont l’histoire ignore leurs noms tellement ils sont insignifiants. Est-ce le fruit d’une malédiction ayant touché les hommes de ma famille ? Il est vrai que les alcooliques et les poltrons ne manquent pas. J’en ai de la veine, dis donc !
Sans défense, héritant de la faiblesse humaine à l’image d’armoiries familiale symbolisant l’histoire de ma famille, j’étais à la merci du premier venu. Cela faisait bien les affaires d’un grand comte, qui tel un proxénète cherchait une nouvelle muse, et semblait intéresser par ma personne.
Non, sans une ruse de son côté, il me fit ingérer une substance psychotrope, qui me jeta un piège jusqu’à ce que son emprise sur moi fut complète. Il avait pour ambition de me corrompre par petits bouts, et ainsi, il lui sera aisé de prendre possession de ma demeure délabrée. Cette propriété qu’il est le seul a convoité dans cet état de délabrement, tellement la vue de cette dernière donne la nausée…même si un vieil ami voulait me la racheter pour me faire une fleur, mais mes fautes à son égard empêchent toute transaction sans qu’un puissant sentiment de honte m’afflige !
En tout cas, le comte de "je ne sais où" avait eu ce qu’il voulait. Celui que j'appellerais bientôt mon taulier !
Un flèche empoisonné s’empressa de percer mon cœur. Une chaleur vive se dégagea de celle-ci. On aurait dit que mon corps était composé de brindilles, et qu’une personne mal intentionnée avait décidé de lancer une allumette dessus.
Des sensations contradictoires s'entremêlaient au sein de mon esprit volage. Tantôt douloureuse, tantôt agréable. Devant ses signes, j’étais incapable d’apporter la moindre réaction. Je restais passif à ce qui m’arrivait. C’est à ce moment précis où cet habile piège tendu par mon taulier se referma sur moi, m’enfermant contre mon grès dans la prison des feux de la passion.
La douceur se mélangeant au piquant était pour moi un cocktail explosif. C’était comme une drogue, qui me rendait accro. Plus je ressentais ce florilège de saisissements, plus ma dépendance se faisait, elle aussi, sentir. J’allais bientôt devenir un véritable junkie ! L’idée de pouvoir m’en passer ressemblerait à une vieille chimère que raconterait un alcoolique sur son dernier verre.
Je ressemblais à un grand brûlé, dont la peau a été calcinée par ses passions, et qui implorait son bourreau de continuer. Comme si je prenais du plaisir dans ma propre destruction.
Mon pauvre coeur endolorit par des supplices venant du tréfonds l’enfer, commença peu à peu à rendre l’âme, et à se scléroser . D’obscurs desseins se dessinaient à l’intérieur de mon monde onirique, la source de tous mes fantasmes. Je ne voulais plus aimer, non... je voulais posséder tout ce que je souhaitais. Une chose m’importait, que le monde tourne autour de moi, et de mes désirs toujours plus grandissants.
Au début, tout est doux, soyeux, un peu féérique sur les bords, voire presque irréel. On échange de doux baisers, des étreintes à n’en plus finir, sauf que le logicien en nous sait que tout ceci n’est pas très réaliste. Alors, on change le scénario en cours de route. On commence à vivre par procuration, à travers l’antagoniste nous ayant volé notre place. Nous devenons un spectateur subordonné aux pérégrinations de notre imagination débordante.
Sans m’en rendre compte, je venais de m'empêtrer dans un foutu bourbier. Le véritable problème n’est pas nos pensées impures qui nous arrivent comme des publicités dans notre boîte aux lettres, alors qu’on a mis un autocollant “stop pub” dessus, non ! Ce qui crée la nuisance est qu’on leur accorde bien trop d’importance !
Je visionne les premiers ébats amoureux avec le lyrisme assumé d’un élogieux acquis par le spectacle. C'est tout beau tout propre. Je suis déchaîné à l’image d’un possédé que rien ne peut arrêter. Je suis attaché par cette chose qui me consume de l’intérieur. J’aurais tant aimé cet instant se fige, pour qu’il puisse durer éternellement.
Je la verrais, comme éternellement mienne, mon bien exclusif sur terre. N’est-ce pas une forme aggravée d'égoïsme, voire pire d’égocentrisme ? Très certainement ! Une affaire bien humaine, qui a été transmise grâce à l’héritage de nos aïeuls.
La violence des scènes était indubitablement le signe que ma situation me dépassait quelque peu. Je me retrouvais face à une ambivalence. D’un côté, je me sentais offusqué par mes pensées contraires aux bonnes mœurs, et de l’autre, je prenais un malin plaisir à transgresser les règles.
Les coups suppliciés s’abattirent sur cette pauvre brebis, ayant choisi le mauvais berger. Elle hurlait sans discontinuer, suppliait au loup d'arrêter son entreprise, mais sa souffrance, provoquait chez lui, un plaisir insoupçonnable . Un authentique sadique ! Quelle a été ma réaction ? Apathique ! Sa cruauté me fascinait à l’image d’une groupie d’un célèbre tueur en série.
Je ne sais pas quelle mouche m’a piquée, mais je me suis mis en tête de lui ressembler, pensant qu’il était l’exemple à suivre. Ma morale trop encombrante fut aussitôt jetée à la poubelle avec les autres détritus, ainsi que mes souvenirs d’un passé lointain n’ayant plus aucune utilité. Ma personnalité mua en celle d’un psychopathe (ou pervers narcissique, tout dépend des mots aux maux que l’on utilise) ! Si bien, que je me transformais en un énième agent Smith. Elle avait beau se débattre comme une lionne défendant son petit, cette infortunée n’était pas de taille à rivaliser avec nous.
Qu’est-ce que nous aimions lui asséner des coups à cette petite-là ! Rien de plus jouissif que d’apprendre à une jeune fille ce qu’est la vie avec un homme bien bâti ! Je vous le dis mes amis, ses fesses auraient pu rendre témoignage de notre barbarie, de par leur couleur rouge vif.
Vous pensez bien que nous ne nous sommes pas arrêtés en si bon chemin sur son arrière-train. Non, une poignée de cheveux lui fut arrachée par la toute-puissance de notre pogne. Ce même instrument de domination fut utilisé contre ses joues, qui, elles aussi rendirent témoignage !
La seule incommodité à nos basses oeuvres fut le bruit. Ce maudit tapage nocturne ! Cette malpropre faisait un boucan du diable ! Elle n'arrêtait pas de supplier, de crier, de pleurer jusqu’au point de non-retour où elle abandonna toute vaine résistance. Elle lâcha prise en nous laissant les commandes de son engin.
La douce princesse des déshérités était devenue la riche reine des traînées. Un titre qui faisait saliver la presse à scandale. Sa souveraineté dans ce monde fut très peu contestée, car celle que l’on a engendrée dans la souillure la plus infâme reçoit un pouvoir pour affirmer son autorité sur ses sujets.
Nos cruautés à son égard furent autant de plats que nous lui servions pour remplir son estomac. Malgré tous nos efforts pour satisfaire son appétit insatiable, elle en redemandait toujours plus. Nous nous retrouvions bientôt sans munition. Notre désinvolture nous a conduits à oublier un détail, et non des moindres ! Le plaisir appelle au plaisir. C’est le commencement d’un cercle vicieux, visant à l'autodestruction de l’individu dans les sens. Une mutilation volontaire, qui ne dit pas son nom !
La peur d'être son prochain repas, nous a efforcé à manipuler nos amis, enfin dans un premier temps, car la main-d'œuvre fondait comme de la glace en été ! Et puis, on a appelé tous les pervers en tout genre à participer à cette oeuvre de destruction massive.
Au début, ils étaient une poignée. Un peu plus tard, ils étaient une dizaine. Encore plus tard, ils étaient une centaine, puis c’est toute une foule qui grouillait autour ! Tout le monde voulait sa place. Il eut même des bagarres au fond. Si seulement, il savait qu’on venait de les emmener à l'abattoir !
Les premiers instants de débauche sont toujours exaltants ! On se questionne même sur la raison qui nous a conduits à ne pas commencer plus tôt. Un sentiment de surpuissance nous traverse.
Après, on s’emmerde un peu, on ne va pas se mentir, donc on rajoute un peu plus de piquants ! On cherche toujours de nouvelles expériences qu'on n'aurait pas tentées. On veut explorer tous les plaisirs qu’une vie hédoniste peut nous offrir. C’est bien normal, car c’est notre due.
Il y a toujours cet instant où on tourne en boucle. On s’emmerde à nouveau, mais on n’arrive pas à arrêter, car c’est comme une drogue. On se dit que c’est mal, mais ça ne nous empêche pas de prendre une nouvelle dose.
L’euphorie disparaît, et on voit l’état dans lequel nous nous trouvons vraiment. Je pus constater que ses yeux doux avaient laissé la place à des yeux lubriques, que son corps d’une beauté aphrodisiaque avait été profané par un liquide blanchâtre. Sans oublier que son âme exaltait la luxure à plein nez.
Quand je me rendis compte que l’immondice devant mes yeux était l'élu de mon cœur... J’ai dégoupillé aussitôt mon repas du midi. Comment avais-je pu descendre aussi bas ? me questionnai-je longuement dans ma chambre. Je perdis de fait, tout estime de moi-même. Voyant en mes sinistres pensées, d’odieux présages. En soit, je n’avais pas tort ! poubelle, récoltant le liquide séminal des hommes, enclins à le lui donner facilement.
Je voulais même mettre fin à mes jours pour laver mon honneur. Le fameux comte, dont je vous parlais plus tôt, était revenu vers moi. Il m’offrit un drôle d'arrangement, qui ne me ferait même pas sortir de ma chambre ! Son seul souhait était de me posséder toute une soirée, et il me ferait oublier les heures sombres de mon histoire personnelle. Chose que j’ai acceptée par dépit avant de m’assoupir.
Quand elle vint à ma porte, je sus exactement ce que ce maudit comte voulait... elle ! Bordel ! Pourquoi est-elle venue me voir à ce moment précis de mon existence ? Sa sottise dépasse-t-elle l’entendement à l’instar de son coeur ?
Sa bonhomie jaillissait sur elle avec la somptuosité d’une parure de diamants. De mes souvenirs, je ne l’ai jamais vue aussi heureuse. Sa joie aurait pu toucher même le plus insensible des hommes. J’avais beau haïr celui qu’elle aimait pour me l’avoir volé. Son bonheur comblait mon amour, sans qu’il eût besoin de davantage d’attentions.
J’avais beau la trouver insensée, voire même un peu folle d’amour. Sa candeur innocente me donnait envie de pardonner chacune de ses imprudences. Je lui ai seulement conseillé de modérer un peu son coeur, qui s’enflamme rapidement, chose qu’elle a acquiescée par connaissance de ses faiblesses.
Le comte ou le taulier trépignait d’impatience à l’idée de tester sa nouvelle muse. Sachant cela, je l’ai imploré à genoux de partir au plus vite de ma chambre. Je l’ai informé scrupuleusement sur l’infamie que j’avais commise. Je lui ai dit que le taulier s’était invité à ma table, et qu’il la convoitait autant qu’un voleur apercevant un collier de perles apposé sur une armoire. Je l’ai sermonné le plus violemment que j’ai pu ! Si tu ne fuis pas, tu seras jeté à bas, et tu souffriras jusqu’à vouloir en finir !
Qu'a-t-elle fait de mon moment de lucidité ? Elle s’empressa de courir vers moi pour me sauver ! Je lui ai dit maintes et maintes fois que son bon coeur la perdra ! Sans imaginer pour autant que ça serait par ma main qu’elle serait courroucé.
Le comte se pouffait de rire. Il savait ce qu’il allait advenir ! Elle lui tendit même une belle perche en déclarant qu’elle ferait tout ce qui lui était possible pour me guérir. Elle déclarait vouloir renouveler notre alliance d’enfance, celle qui nous lie l’un à l’autre, sauf que mes sentiments pour elle ne se résumaient pas à une simple amitié. Ce qui eut la conséquence de la rendre caduque.
Désormais aux commandes de mon navire, la tyrannie aurait d’heureuses prémices. Intéressant…tout ! En es-tu sûr ? l’interrogea-t-il pour dégainer son fourreau. Bien sûr ! scanda-t-elle avec entrain.
Toutes les étoiles s’alignaient devant nous, pour nous annoncer un festin digne d’Odin. Avant de commencer à nous rassasier le gosier. Quelques salutations à notre dame de compagnie. Quelques hommages à plusieurs princes ici-bas. Nous concluons par un ainsi-soit-il repas. Les hostilités pouvaient être lancées !
Sous l’impulsion de son fouet, un baiser tant espéré fut volé à ma bien-aimée. À la vue de son visage abasourdi, elle ne s’attendait pas à ce qu’une chose de cet ordre advienne. J’eus même le temps de faire un tour d’horizon de sa bouche avec ma langue sans que nulle protestation me parvienne.
Son entrejambe droit se retrouva pris entre mes filets, et elle n’avait nulle envie de se débattre. Sa docilité fut très appréciée par les convives. La parole de serment inviolable devait résonner dans sa tête, créant un trouble sans précédent pour sa conscience.
Tout avait l’air de s'enchaîner dans un éclat de brutalité effréné. Je me suis offusqué quand je l’ai balancé sur le lit comme une vulgaire poupée, lui ai enlevé ses vêtements comme si elle m’appartenait. Son regard empli de stupéfaction ne troubla pas mes états d'âme, l’emprise du taulier était trop forte.
Son inertie se révélait être un supplice à voir pour une douce âme. Abandonner le combat avant qu’il n'ait commencé. Renoncer au bien. Laisser le mal commettre ses basses œuvres. Voilà une désolation, qui n’arrêtera pas d’affliger nos cœurs endeuillés.
Son corps dénudé par mes soins. La suite des événements sonnait les glas d’une fatalité annoncée. Au fond de moi, il subsistait un léger soupir d’amour, que le bonhomme éteignit en me traînant dans la fange. La vie m’exhortait à perpétrer le crime de Caïn, tel un rituel de passage pour tout homme. Aucun retour en arrière possible. Aucune possibilité de réparer la faute. Je devrais vivre avec ça sur ma conscience pour le reste de mon existence. Il me promit qu’il allait m’aider à tout oublier. Une parole qu'il ne respectera pas !
Toutes mes pensées, les plus malsaines, venaient d’être adoubé par monseigneur le tentateur. Je fracassai le temple de ma douce grâce à mon bélier, reconnu pour être sanguinaire. Elle saigna abondamment. Les cris des soldats engendrèrent un barouf en son honneur. Pas de quartier ! Son autel de la pureté se brisa par la force de violents coups de reins. Des claquements sonores retentissaient dans chaque pièce. Ses larmes ne réussirent pas à m’attendrir. Ses lamentations étaient le symbole de ma toute-puissance.
Ses larmes inondaient son visage éploré. Mes coups s'enchaînèrent à la vitesse de l’éclair. Le bonhomme m’encourageait à passer à la vitesse supérieure. À lui prendre les cheveux, à l'insulter crûment, à la gifler impétueusement. La frénésie emportait chaque fibre de mon fervent corps dans le vide ambiant. Je vouais un culte à la destruction où nulle création ne saurait advenir. Elle devait disparaître sans laisser de traces.
Atteinte du syndrome de la fille modèle, elle essaya même d’étouffer ses cris, et d'essuyer ses larmes. Ce qui n’eut que pour seul effet de décupler ma barbarie, sous l’impulsion du bonhomme. Plus elle résistait, plus mon excitation grimpait les tours. Je prenais un malin plaisir à la mettre plus bas que terre.
Ces longues minutes d’agonie eurent raison d’elle. Mes fantasmes s’épuisaient à vue de nez. En face de moi, seul un objet inanimé résidait en ce lieu. Elle avait abandonné son corps aux abords d’une nationale. Il avait subi une transformation, le rendant trop lourd, trop pesant, et trop superflu.
Un jeu sans enjeu perd de son attrait. Son attitude amorphe venait de signer l’arrêt du combat par abandon. Sous le choc, rembourré de pensées multiples sur des sujets existentiels, son souffle augmenta sa cadence jusqu’à devenir saccadé.
D’un air jovial, le bonhomme avait décidé de me fausser compagnie, ce qui eut pour effet d'éveiller ma conscience groggy. Je ressentis une abominable honte, un goût si amer qui m'arriva dans la bouche sans que je l’aie demandé. Je venais de voler un bien qui ne m’appartenait pas. À travers le miroir, j'éprouvais le dégoût de ma propre personne.
L’unique fille que mon coeur adulait avait été détruite par mes propres soins. Mes remords étaient à l’image d’une horde de victimes hurlant : “ni oubli ni pardon”. Désormais, je vivrais une vie de fugitif, fuyant une traque humaine. Celle du dernier nazi sur cette terre infâme.
Je ne méritais qu’une seule, et unique chose… la géhenne ! J’essayais comme je pouvais de lui remettre ses vêtements. Une action qui n'efface en rien mon crime. J’étais incapable de la moindre contrition. Je me disais à quoi bon prononcer des excuses inaudibles !
Elle avait très certainement besoin d’aide, et je le lui refusais parce que la peur du réel m'emprisonnait ! Que mérite un lâche de cette ampleur ? La pire damnation ! Que sa peau se brûle dans les feux de l’enfer !
Je n’avais qu’une seule chose à l’esprit, fuir cette situation invivable, créer une chimère de toute pièce. J’ai imploré mon taulier d’exécuter les termes du contrat en m’affligeant une amnésie totale, et en m’inventant une nouvelle vie.
Tu n’as qu'à boire de la gnole, si tu veux oublier ! C’est ce que font tous les poivrots ! me rétorqua-t-il. Sur ce coup, je venais me faire rouler en beauté ! Quand je repris mes esprits, elle avait eu la force de partir loin de ma vue. Aucun doute possible, il n’y avait plus de retour possible !
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