Maudite épave!
Au milieu de l'océan Atlantique et submergé depuis des décennies, un vieux sous-marin nazi renferme d'incroyables trésors. Du moins, c'est ce que prétend la légende. Malheureusement, il est incartable et pratiquement impossible à trouver. C'est en fouillant tous les bas fonds de cette immensité que j'ai cru l'avoir trouvé. Avec Marie, mon amie de toujours et la meilleure plongeuse au monde, j'ai sacrifié cinq années de ma vie à le chercher alors que tous mes camarades de classe se sont au fur et à mesure mariés et ont eu des enfants. Mais si j'ai raison, et même si ce n'est pas le cas, je ne regrette rien car je me suis plongée dans ma passion. C'est tout ce qui compte.
Habillées de nos combinaisons prévues pour les grandes profondeurs, nous descendons dans notre petit sous-marin, prêtes à plonger à presque sept mètres sous le niveau de la mer. Marie me regarde en me faisant un grand sourire et me rappelle les signes à faire si je ne me sens pas bien à un moment ou s'il veut continuer. Lentement, nous prenons place et larguons les attaches qui relient notre vaisseau au bateau. La descente se fait par degrés, nous laissant le temps de nous habituer à la pression. Il nous faut plusieurs heures pour arriver à destination. Le soleil doit être bien levé, maintenant. Mais nous nous ne le verrons sans doute pas aujourd'hui, vu la durée interminable de l'opération. Si nous pouvons passer une heure près de ce que mes radars ont repéré.
Les phares allumés à pleine puissance, il est difficile de différencier la roche des plaques de métal et des autres choses qui tapissent le fond de l'océan. Marie est une habituée de ce genre de vision et me guide sans problème. Enfin, après presque cinq heures de descente et de recherche, je vois la forme que je voulais voir, c'est-à-dire celle d'un sous-marin datant de la Seconde Guerre mondiale. Je nous arrête le plus près possible sans prendre le risque d'abimer notre seul moyen de transport pour nous de rejoindre la surface. Les scaphandres mis en place, nous avançons lentement sur un sol instable.
Le sas de décompression est étroit et nous avons du mal à tenir toutes les deux. C'est en soupirant d'aise que nous entrons dans le corps principal de l'engin. Presque tout est sous eaux. Quelques poissons viennent nous frôler entre deux dépouilles de soldats de la marine allemande dont il ne reste que les os et quelques rares lambeaux vêtements. C'est étonnant que tout tienne encore ensemble et un peu effrayant aussi. Les cales sont transpercées de part en part par des poutres métalliques, ultimes traces du passage des missiles submersibles qui l'ont déchiqueté. En remontant vers les quartiers des officiers qui sont restés secs grâce à une large bulle d'air, on découvre que la légende des trésors n'est pas totalement fausse, sans pour autant être exacte. Plusieurs œuvres d'art portées disparu après la Libération sont accrochées ci et là et plusieurs bibelots représentant une valeur inestimable sont tombés à terre au cours de la submersion mais sont restées intactes malgré les années.
Marie ramasse certains objets et les place dans le petit sac afin de les remonter et de les exposer au reste du monde. Je continue ma route vers la cabine du capitaine et, au moment de passer le pas de la porte, suis poussée à terre. J'atterris sur le dos, une grosse boule de poils sur le torse. Mon cri meurt dans ma gorge, complètement interloquée en reconnaissant un chat noir, me regardant droit dans les yeux. Un chat? Vivant? Dans un sous-marin coulé depuis des décennies? Je dois halluciner! C'est complètement impossible qu'un être vivant ait survécu aussi longtemps sans nourriture.
Mon amie accourt en entendant l'étrange bruit de ma chute et se met à hurler en voyant l'animal toujours logé sur ma poitrine. Celui-ci fait le gros dos en soufflant. Ses griffes se plantent dans ma combinaison sans la percer totalement. Pourtant, je sens la douleur se propager et ma main monte seule vers son pelage ébène pour l'apaiser. Son regard vert se focalise à nouveau sur moi et, dans ma tête, une voix résonne:
«Remonte-moi. Remonte-moi à la surface. Fais-moi à nouveau voir la lumière du soleil. Fais-moi respirer l'air pur de la mer, de la plaine et des montagnes. Remonte-moi. Maintenant. Que je puisses à nouveau être libre de vivre.»
Prise de panique, je me redresse, remets mon équipement en place et, tirant mon amie par le main qui tient encore le sac remplis d'antiquités perdues au fin fond de cet océan depuis sept décennies. Le chat nous suit la queue haute et d'un pas allègre. L'eau ne semble pas lui déplaire et la pression ne l'écrase pas comme elle le ferait de n'importe quel autre être vivant qui ne serait pas conçu pour y survivre. De retour dans notre sous-marin, il vient se loger sur mes genoux en ronronnant. Seigneur, qu'avons-nous fait sortir de cette épave?
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