Réponse à "dites-leur au-revoir"

Avachis sur ma chaise, j'écrivais enfin les dernières lignes de ce foutu livre. J'aimais ce que j'avais écrit, mais ce côté perfectionniste voulait tout reprendre pour tout réécrire. La nuit était tombée, froide, sombre, une nuit d'hiver tout à fait normal. Une fatigue semblait s'enraciner alors que je réfléchissais toujours à un moyen d'en finir avec ce combat de mots. Mais la fatigue était bien plus forte. Mon dos droit se courbait tel un arc qui venait d'être étiré, et ma tête chuta sans que je ne puisse sentir que je quittais l'instant présent. Cette noirceur qui avait pris le contrôle de mon regard, avait recouvert sur ma conscience un voile qui ne me permit plus de contrôler mon corps. Je dormais à poings fermés. Mais quelque chose n'allait pas. Ce n'était plus le clavier de mon ordinateur que je sentais, mais la brise légère d'un vent frais. J'étais allongé sur un sol rocailleux et ma tête ne semblait plus envahie par mon épuisement quotidien. J'ouvrais les yeux et fus immédiatement surpris, car je n'étais plus chez moi. Il s'agissait d'un endroit dont la ressemblance frappante à quelques dessins de ma conscience, me fit presque reconnaître l'endroit inconnu. Sous une nuit éclairée par les milliers d'étoiles, deux lunes se chevauchaient entouraient par des halos dont la couleur semblait rappeler des vagues luminescentes mélangé entre bleu et violet. C'était impossible, j'avais vu ce même spectacle décrit dans mon livre des dizaines de fois. Tout était identique. Au loin, une lumière émanait d'un petit feu de camp sur l'un des toits rocheux des canyons environnants. Une silhouette ne bougeait pas, elle était tranquille, assise devant ce feu, faisant tournoyer ses langues jaune et orange vers le ciel. Je décidais de m'avancer, il y avait peut-être un risque, mais je devais savoir où je me trouvais.

- Eh oh !

C'était sûrement stupide, mais je devais en être sûr. Plus je m'approchais, plus le personnage paraissait familier. D'une certaine façon, je savais au final dans quel inconnu j'eus atterri. Le personnage ne répondit pas à cet appel, comme s'il m'attendait calmement. Une fois à sa hauteur, je m'arrêtais. Il s'agissait d'un homme dans sa vingtaine. Ses yeux verts s'étaient perdus dans la mouvance des flammes. Une mèche de cheveux bruns rebelle tombait sur le côté de son front. C'était lui, j'en étais sûr.

- Je sais qui tu es.

Cette fois, il leva le regard sur moi, comme s'il n'était pas étonné de me voir. Sans dire un mot, il se redressa et se mit en tailleur, dans un calme toujours silencieux, il pointa de la main un endroit où m'asseoir et c'est ce que je fis. Sous la nuit et les lunes, nous étions tous deux assis, deux personnes si proches et si lointaines.

- Je ne t'imaginais pas comme ça. Mais je suis content de te voir. Tu as fini ce que tu devais faire ?

Mes yeux ne pouvaient se détacher de son visage. C'était trop réel, il parlait comme lorsque je le faisais parler.

- Comment c'est possible ?

Mon interrogation semblant bien saillante, fit apparaître un rictus dans le coin de sa bouche. Il leva la main et me coupa alors que j'allais lui poser une nouvelle question.

- Nous n'avons pas le temps. Le temps passe vite ici, bien trop vite et nous n'avons que trop peu de temps. Ce moment restera gravé en ta mémoire, mais rien ne pourra réellement répondre à ta question. Je ne suis même pas sûr de ce qu'il se passe, mais je savais que tu finirais par venir.

- Alors tu es Thrian ? J'en suis certain maintenant. Tu n'es pas trop triste de savoir que ton existence ne tient que par ma main ?

Son regard s'était figé une nouvelle fois sur le feu de bois qui crépitait au centre. Le tas de bois commençait à s'affaisser, comme si le feu s'éteignait au grès des secondes passé ici.

- Je suis heureux d'avoir vécu, je ne dis pas que je regrette la vie que tu m'as donnée, elle aurait pu être moins triste, tu ne crois pas ?

Un rire étouffé me vint, je retrouvais son humour.

- C'est vrai, mais tu étais voué à vivre pour mourir, comme tout ce qui t'entoure. Ton histoire devait être une longue trame épique et dramatique. Un personnage que j'aime. Je suis fier de ce que j'ai fait de toi, mais je suis désolé si la tristesse n'a fait que suivre tes pas.

Il ne dit mot, comme s'il fut pris d'un temps de réflexion face à ce que je lui apprenais. Je lui soupçonnai de connaître déjà ma réponse. Après tout, rien n'avait vraiment de sens ici. Mais celui-ci fronçait des sourcils, je m'attendais alors à un juron qu'il aurait pu me lancer pour lui avoir donné cette vie. Pourtant, une nouvelle question vint trancher ce silence nouveau.

- Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas tué ? Je ne dis pas que tu devrais le faire, mais après tout cela, toutes ces batailles, toutes ces pertes, pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas disparaître.

- Parce que tout n'est pas aussi perdu que tu le crois. Ton espoir est grand et même si tu as vécu une vie mouvementée, celle-ci continuera. Qui sait, peut-être que tu trouveras enfin le bonheur qui t'était alors interdit ?

Le feu s'éteignait et le vent s'éleva. Des flammes, il n'en était plus. Les braises rougeoyantes laissés espérés quelques petites lueurs brulantes, mais le temps s'était écoulé. Thrian savait, il avait conscience que le temps avec son créateur touchait à sa fin. Il posa sa dernière question, sa voix s'entremêlait avec le vent de plus en plus fort et il dut élever le ton.

- Est-ce que je la retrouverais ?! Hélia ?!

Le vent s'était transformé en bourrasque et je sentais ma conscience m'appeler. Mon corps s'éveillait et mon âme devait rejoindre son enveloppe charnelle, ainsi était comme je l'avais ressenti. Mais je ne pouvais pas le laisser sans cet espoir que je lui avais promis, il fallait qu'il vive au travers de celui-ci.

- Je ne conterais pas cette histoire, mais je sais au plus profond de moi que tes recherches payeront !

Il me sembla qu'entre les vagues de cette tempête, j'avais aperçu un sourire se former sur ce visage que j'avais imaginé depuis si longtemps morose. Même si l'histoire ne fut pas écrite, celle dans mes pensées, celle qui avait toujours vécu au travers de ma conscience et de mon invention se tournait vers une fin où le bonheur était présent. C'est tout ce que j'avais jamais voulu pour lui, lui qui avait fait tant pour moi.

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En réponse au défi

dites-leur au-revoir

Lancé par SachaDu05

Si vous deviez dire au-revoir à vos personnages, comment cela se passerait-il ? Que leur diriez-vous ? Que vous diraient-ils ? Seriez-vous triste de les quitter ?

Dites-le nous en répondant à ce défis ! Je vais le faire, tiens. Cela peut aussi se faire avec plein de personnages à la fois. Ils seraient tous face à vous.

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