25. La surprise de l’interdit
Jade
Je repousse un moustique en bougonnant et lance un regard tueur à Malcolm qui se moque devant moi. J’ai oublié cette foutue citronnelle, et j’ai apparemment le sang plus appétissant que lui. Il fait une chaleur pas possible et je voudrais retourner au petit ruisseau où nous étions tout à l’heure. Si j’avais su, je n’aurais pas écourté ce moment, ce matin, quand bien même lui et moi allions partir en sucette. Je crois que je n’ai jamais eu aussi chaud de ma vie… et je ne parle pas de cet après-midi étouffant. Le regard d’une autre personne sur mon corps ne m’a jamais autant excitée que celui de Malcolm. Et j’avoue que la science avait bon dos. Je m’en foutais totalement. Non, partiellement, je suis forcément curieuse. Des années à étudier le corps humain… Evidemment, voir enfin le sexe d’un homme de mes propres yeux, ça m’a donné des idées. Et pas toutes très sérieuses.
Nous sommes arrivés il y a une demi-heure sur la croix du plan, et force est de constater qu’il n’y a pas d’entrée. Nous avons eu beau retourner les buissons, fouiller sous les feuilles, chercher un peu partout, impossible de tomber sur une porte, une trappe, une serrure ou je ne sais quoi qui nous permettrait d’en découvrir davantage sur l’île.
Je souffle en donnant des coups de bâton dans la broussaille. Il me faut un break, là. J’ai besoin de boire un litre d’eau, de manger du chocolat, de me mettre à nouveau nue dans l’eau et d’arrêter de jouer avec Malcolm pour répondre à mes pires pensées coquines. Je ne sais pas comment j’ai fait pour me tenir. J’avais envie de lui sauter dessus. Je voulais qu’il me saute dessus. Qu’il m’emprisonne contre son corps et ne me lâche plus. Je n’ai jamais autant désiré sentir des mains sur ma peau, une bouche se promener sur chaque centimètre carré de mon corps, et… ce pénis. Oui, j’avais vraiment envie qu’il me pénètre. Je voulais sentir ce que ça fait d’être comblée par un vrai sexe, fait de chair et de sang, bien loin de nos petits jouets entre filles. Et je voulais le toucher. Sentir sous mes doigts, sous ma langue, ces veines gonflées, la douceur de cette peau…
Bon sang, il faut vraiment que j’arrête de penser à tout ça. Pas comme si je crevais déjà de chaud.
— Je crois qu’on peut arrêter de chercher, non ? marmonné-je en me plantant à côté de Malcolm. Y a rien ici.
— Je ne dirais pas qu’il n’y a rien ici, répond-il en matant mon décolleté, mais en tout cas, pas ce qu’on est venus chercher, ça, c’est certain.
— Si j’avais su que me mettre nue devant toi te rendrait si obsédé, je serais restée habillée, le provoqué-je en lui donnant un petit coup de bâton sur la fesse.
— Je ne suis pas obsédé ! C’est juste… l’attrait de la découverte, c’est tout. Rien de plus que ça.
— Ben voyons, elle a bon dos, la découverte, le poète, ris-je. Bon, on va où, on fait quoi, maintenant ?
— Je te propose d’essayer de voir ce qu’il y a sur le chemin, un peu plus loin. Sur le plan, il y a un truc bizarre, là. Ça n’a pas l’air connecté au complexe du Conseil, mais franchement, vu tout le chemin qu’on a fait, ça vaut le coup d’aller voir.
— D’accord, soupiré-je, dépitée d’avance. Je te préviens, s’il n’y a rien, tu me le paieras cher. Je ne sais pas encore comment, mais… je sais être inventive.
— Je prends le risque, répond-il en souriant. On peut y aller ou tu as encore besoin d’un petit repos ?
— Je ne me repose pas, c’est toi qui t’es arrêté, le provoqué-je en reprenant ma marche.
Il me suit et se met à ma hauteur tandis que j’essaie tant bien que mal de ne pas montrer ma fatigue. Franchement, je ne suis pas sûre que les randonnées à la journée soient faites pour moi. Dire que c’est la première fois que je prends des congés depuis une éternité et que je risque de finir plus fatiguée qu’en partant ! Je ne sais pas ce qui m’a pris. Trop curieuse, trop en recherche de vérités, trop… intéressée par l’homme qui est à mes côtés ? C’est sûr.
Lorsque nous gagnons un petit chemin un peu plus dégagé, le soleil vient cogner sur nos corps de manière plus brutale et je commence à vraiment suffoquer dans mes fringues. J’observe les alentours en sachant très bien qu’il n’y a pas de plan d’eau dans le coin selon le plan, et ça m’ennuie vraiment. Je rêve d’une douche, de faire trempette… de voir Malcolm encore nu… Oh là là, c'est moi qui deviens obsédée, en fait. C'est fou ! Je bougonne à voix haute et constate que mon attitude semble l'amuser, ce qui me donne envie de le mettre mal à l'aise comme il a pu l'être lorsque je l'ai retrouvé ce matin.
Je suis surprise lorsque l'objet de mes fantasmes à peine refoulés attrape ma main et m'entraîne à nouveau dans le sous-bois en me faisant signe de me baisser. Je m'exécute mais l'interroge du regard, et ne récolte qu'un mouvement supplémentaire me demandant de me taire. Quelques secondes seulement après que nous nous sommes cachés, une voiture similaire à la mienne passe sur le sentier, à quelques mètres seulement de nous, suivie de plusieurs vélos.
— Bien joué, j'étais trop occupée à me plaindre mentalement, je ne les ai pas entendus, chuchoté-je.
— C’est étrange, tout ce monde par ici. C’est censé être un endroit calme, murmure-t-il, inquiet.
Son regard se promène autour de nous et il fronce les sourcils en me montrant du doigt quelque chose dans mon dos. Je panique un peu et mets quelques secondes avant d'oser me retourner. J’observe la forêt sans vraiment comprendre quand tout à coup, ça me saute aux yeux : Il y a un petit chemin tracé par des herbes écrasées qui s'enfonce entre les arbres. Donc, il se passe des choses par ici. La question reste entière quant à savoir quoi, mais son regard curieux et un peu excité - dans le genre totalement différent de son excitation de ce matin - me pousse à me redresser pour suivre la piste en sa compagnie.
Je ne sais pas combien de temps nous marchons, mais c'est dans un silence total. Seuls les pas de l'un et l'autre nous viennent aux oreilles, et les chants d'oiseaux qui nous entourent, les broussailles qui bruissent au passage des animaux. Et le Graal finit par se retrouver sous nos yeux. Du moins, une petite maisonnette en bois, dont les murs sont envahis par de la mousse et du lierre, est implantée au beau milieu de nulle part. Nous restons à bonne distance et nous cachons derrière un buisson, constatant qu'il y a du monde à l'extérieur. Deux personnes sont assises sur une couverture, à même le sol, et discutent ensemble. Un homme… et une femme. Je n’arrive pas à distinguer leurs traits car nous sommes encore trop loin. C'est juste hallucinant de voir ça, même si je me dis que nous faisons pareil avec Malcolm, mais voir ce tableau alors qu'ils semblent vivre un truc tout à fait normal, comme s'ils en avaient le droit, ça me fait vraiment bizarre.
— On devrait partir, soufflé-je en constatant que l'homme embrasse la femme et l'étreint amoureusement.
— Tu crois ? Je… j’ai envie d’aller leur parler, moi. Tu n’es pas curieuse du fait que ce soit comme nous, deux personnes de sexes opposés ensemble ?
— Tu te rappelles quand j'ai dit que je détestais et que j'adorais Murielle de nous avoir arrêtés au sous-sol ? En fait, je l'ai surtout détestée de nous avoir interrompus. Tu crois qu'ils ont envie de l'être, eux ? pouffé-je. C'est un coup à se faire envoyer bouler…
— Eh bien, ils n’en sont qu’aux préliminaires, c’est maintenant qu’il faut aller les voir, non ? Ou tu préfères mater toutes leurs folies ?
— Et si ce sont des membres du Conseil ? Ou qu'ils nous dénoncent ?
— Qui va là ?
Merde… je grimace en entendant une voix masculine et rauque au loin. Le gars doit avoir une ouïe supersonique, franchement. Et j'ai envie de paniquer, là… surtout quand Malcolm sort du buisson en m'entraînant avec lui, comme si tout ceci était tout à fait normal, et je reconnais Zoé, une des femmes qui vit dans l’immeuble de Jasmine et que j’ai eue en consultation il y a peu. Lui, je l’ai déjà vu, mais je ne connais pas son nom.
— Bonjour, Oliver. Désolé de vous déranger, on s’est un peu perdus. On ne voulait pas vous embêter, commence le bibliothécaire.
— Qu'est-ce que vous faites ici, tous les deux ?
— Une randonnée, loin des regards du Conseil. Vous devez pouvoir comprendre, a priori, n’est-ce pas ?
Le couple le regarde quelques secondes avant que la femme ne se lève à son tour en nous souriant.
— A priori, en effet. Venez donc avec nous.
Je lance un regard incertain à Malcolm mais le suis malgré tout en direction de la cabane. Je n'arrive pas à croire ce que je vois, c'est fou. Oliver passe son bras autour de la taille de Zoé sans vraiment s’inquiéter que nous puissions les dénoncer, et ils se lancent un regard à la fois entendu et complice qui m’émeut un peu trop.
— Vous… vous vous voyez en cachette ? soufflé-je une fois devant eux.
— On peut difficilement faire ça en pleine vue, répond le blond dont les yeux d’un bleu très clair témoignent de sa dévotion pour sa compagne.
— C’est fou… Vous êtes complètement fous, tous les deux. Et toi, Zoé, tu… je… merde, tu te rends compte que c’est le genre d’information importante dans un suivi médical ? grimacé-je avant de rire, gênée. Désolée, je me calme, j’avoue que vous me rendez carrément curieuse.
Je dépose mon sac à mes pieds sans pouvoir m’empêcher de jeter un œil à Malcolm, qui semble lui aussi à la fois un peu abasourdi et vraiment intéressé par ce qu’il se passe entre ces deux-là. Je sors ma gourde et bois quelques gorgées en les observant, et une pointe d’envie me percute un peu rudement. Ils ont osé, ils ont eu cette force de se cacher des autres, mais qu’est-ce que ça doit être compliqué à vivre, au quotidien !
— Cela fait longtemps que vous êtes ensemble ? Il y en a d’autres que vous dans la même situation ? les interroge Malcolm, vraiment intrigué.
— Ça fait un peu plus de trois ans qu’on se voit tous les deux, et je ne sais pas s’il y en a d’autres, vous êtes les premiers qu’on croise ici, en tout cas, lui répond Oliver en nous faisant signe de nous asseoir.
— Nous, c’est la première fois qu’on se retrouve vraiment à deux. C’est fou de tomber sur vous… Et je peux vous poser encore une question ? leur demande mon partenaire de randonnée.
— Oui, bien sûr, sourit Zoé en nous regardant tour à tour.
— Les livres interdits, ça vous dit quelque chose ? Parce que le géant blond et sa petite amie toute menue, j’ai comme l’impression que ça doit vous parler…
Je tourne brusquement la tête vers Malcolm en faisant le lien, et pose à nouveau mon regard sur le couple qui sourit en se regardant.
— Bien sûr que nous connaissons, déclare Oliver en bombant le torse. C’est moi qui fais jouir la petite amie toute menue.
— Et c’est toi qui écris les textes, alors ? continue mon partenaire, toujours aussi curieux.
— Pas tout seul, intervient Zoé. Disons qu’on… partage de bons moments d’écriture, tous les deux.
— Vous avez un peu de temps ? Installez-vous qu’on apprenne à mieux se connaître. Ça fait tellement du bien de pouvoir parler sans se cacher. Et on devrait pouvoir vous rassurer un peu, vu qu’on a trois années d’expérience derrière nous, nous lance Oliver en posant une main sur la cuisse de Zoé.
— Si ça ne vous dérange pas trop, on peut vous embêter un petit peu, oui, sourit Malcolm en s’asseyant puis en m’attirant à ses côtés.
Donc, tout ce qui est écrit dans les histoires interdites est vrai… Bon sang, ils viennent de refaire ma journée. Finalement, ça valait la peine de souffrir sous cette chaleur en marchant pendant des heures. Je crois que je peine à réaliser ce que nous venons de comprendre, Malcolm et moi. Nous ne sommes pas les seuls à être attirés par le sexe opposé, et on peut vivre comme ça. Ça ne semble clairement pas évident, si j’en crois ce que nous racontent Zoé et Oliver, mais c’est possible. Et selon les bouquins, c’est aussi une sacrée expérience au lit. Et je ne peux m’empêcher de me dire, une nouvelle fois, que j’aimerais beaucoup essayer avec le beau poète qui se trouve à côté de moi. Oui, s’il y a bien un homme que je laisserais approcher, c’est lui. Même s’il m’a embarquée dans une enquête clairement interdite et que sa randonnée n’a mené à rien de concret à propos de l’île.
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Nous vous souhaitons un bon réveillon et un joyeux Noël :)
Profitez bien de vos proches, bon courage pour supporter les gens qui vous ennuient (pour rester polie ^^) parce qu'on sait bien que les repas de famille... Hein !
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