28. Un dîner qui part en sucette
Malcolm
L’affluence à la bibliothèque est beaucoup plus importante que d’habitude aujourd’hui. Je pense que c’est dû à la pluie qui tombe continuellement depuis quelques jours. Les habitants de l’île ont besoin de s’occuper et ils viennent chercher des livres, rien de très sérieux, mais beaucoup de romans, de bandes dessinées. Il faut bien se divertir quand on ne peut pas profiter de l’extérieur. Tout ça fait que je n’arrête pas une seconde. Et Murielle est comme moi, au taquet. Même pas moyen de prendre une pause. J’ai quand même pris le temps de déposer un petit mot chez Jade pour l’inviter à me rejoindre dès qu’elle peut car j’ai une surprise pour elle. Mais la journée passe sans que je ne la voie apparaître et je commence un peu à désespérer, surtout que ça fait trois jours qu’on n’a fait que se saluer de loin. C’est frustrant après ces merveilleux instants que nous avons passés ensemble au moulin.
— J’ai fini mon service, je te laisse, Malcolm. Bon courage, même si ça a l’air de se calmer un peu. A demain.
— A demain, Murielle, énoncé-je, surpris qu’elle m’adresse la parole.
La pluie doit vraiment avoir des effets étranges sur les gens si ça les rend visiblement polis et aimables avec les personnes du sexe opposé. Bref, je m’occupe des derniers lecteurs en continuant à penser à la jolie femme pour qui j’ai craqué. Et pas qu’un peu. Pas un seul instant où je ne pense à elle. Pas une nuit où je ne rêve pas d’elle. Elle est constamment dans mon esprit à défaut d’être près de moi.
— Bonne soirée, Jason. Attention à ne pas abîmer le livre sous la pluie. Mets-le bien dans ton sac, dis-je au dernier lecteur qui quitte le bâtiment.
— Compte sur moi, Malcolm. Je chéris toujours ces merveilles, me répond-il en me faisant un clin d’œil.
Je le regarde s’éloigner sous la pluie battante et m’apprête à refermer la porte d’entrée quand j’aperçois de l’autre côté de la rue l’objet de tous mes songes, la femme qui occupe tout mon esprit. Elle sort de son cabinet, un sac à la main. Après avoir regardé à droite et à gauche et s’être assurée que personne ne nous observe, elle traverse la rue en courant et s’engouffre dans la bibliothèque que je referme derrière nous. Aussitôt, elle me saute dessus et me presse contre la porte d’entrée. Ses bras se nouent derrière mon cou et nos langues se retrouvent enfin pour un ballet enchanté qui nous laisse tous les deux essoufflés. C’est fou comme ce contact m’a manqué et comme ça me fait du bien de sentir à nouveau son corps tout chaud contre le mien, même s’il est un peu humide.
— Bonsoir ! J’ai bien cru que tu m’avais oublié, Jolie Femme.
— Non, j’ai juste un travail, Beau Poète, et il me prend beaucoup de temps, sourit-elle. Alors, une surprise ?
— Ah, tu n’es venue que pour ça, on dirait. Et dire que je pensais que c’était pour mes beaux yeux. Mais bon, s’il n’y avait pas eu la surprise, jamais tu n’aurais bravé les interdits, la taquiné-je en l’admirant devant moi, ses formes bien mises en valeur par l’humidité.
— Tu apprendras que si tu me parles de surprise de bon matin, j’y pense toute la journée et ça devient obsessionnel. Mais… je suis quand même repassée par chez moi en rentrant de mes visites pour prendre de quoi dîner, au cas où tu aurais du temps à m’accorder.
— J’avais tellement hâte de te voir que je suis prêt à te consacrer tout le temps que tu voudras bien m’octroyer. Et pour la surprise, je te propose de venir la découvrir à l’étage. Tu sais, à mon point d’observation habituel, la vue y est superbe, même quand il pleut.
— Bien Monsieur, je te suis alors. J’espère juste que personne ne nous verra à travers la vitre, grimace-t-elle en nouant ses doigts aux miens.
— Avec ce temps, aucun risque. Allez viens. Tu as une surprise à découvrir.
Je passe par mon bureau pour en sortir une couverture et nous montons tous les deux à l’étage. Je nous installe un petit coin devant la baie vitrée et elle vient s’asseoir près de moi, calée contre le mur, son épaule contre la mienne. Elle sort deux sandwichs de sa petite boite en bois et m’en tend un. Je m’en saisis et lui donne en échange un petit paquet emballé dans un morceau de tissu.
— J’espère que ça te plaira !
— Ça me plaît déjà, sourit-elle après l’avoir déballé. Tu l’as lu ?
Elle se penche immédiatement sur le quatrième de couverture pour découvrir le petit résumé introductif qui sert à mettre le lecteur en appétit. Même les livres interdits respectent les codes des livres classiques.
— Non, je me suis dit que l’on pourrait le lire ensemble, ce serait sympathique maintenant qu’on sait qui se cache derrière.
— Ça pourrait être intéressant, oui, sourit-elle avant de lire à voix haute : “Les deux amants sont plus esseulés que jamais, mais aussi et surtout plus amoureux encore. Alors, après des jours sans avoir réussi à se voir, ils décident de se donner rendez-vous dans leur repaire secret. Parviendront-ils à le rejoindre sans embûches ? Se feront-ils surprendre ? Pourront-ils s’aimer encore ?”
— Eh bien, ça promet !
Nous commençons à lire chacun dans notre tête le récit et je tourne la page à chaque fois qu’elle me fait un petit signe ou qu’elle dépose un petit bisou sur ma joue barbue. L’introduction est plutôt tranquille et sage, mais l’ambiance se réchauffe rapidement quand les deux héros se retrouvent et commencent à s’embrasser. Mais ils sont dérangés très rapidement par un autre couple qui s’approche d’eux et les empêche de continuer.
— Oh ! Ça ne te rappelle rien, ça ? dis-je en riant.
— Tu crois que c’est nous ? me demande-t-elle avant de lever les yeux au ciel en souriant. Bien sûr que c’est nous… Ils auraient pu nous demander notre avis, quand même.
— Attends, continuons, moi, je trouve ça bien qu’on apparaisse dans l’histoire. En plus, ils ont vraiment fait attention à ce qu’on ne puisse pas nous reconnaitre.
— Ouais… Enfin, le grand barbu mignon à la gueule d’ange… moi, je te reconnais, tu sais ? glousse-t-elle en posant ses lèvres sur les miennes.
— C’est vrai que la jolie brune, ça te correspond moins, souris-je en continuant la lecture qui dérive rapidement sur une scène un peu chaude. Oh la la, écoute ce qu’il dit, le grand blond. “Tu m’as promis un grand festin, il est temps de le commencer, mon Amour.”
— Mince, leur festin semble plus appétissant que le mien ! Désolée, je ne suis pas à la hauteur, souffle Jade, le sourire aux lèvres.
— Oh, mais ce n’est pas vrai du tout ça, rétorqué-je en jetant un œil dans son sac. Je suis sûr que nous pouvons faire aussi bien qu’eux. Moi aussi, je vais te déguster, tu ne vas pas regretter, promis !
Je pose le livre délicatement sur le côté avant de me pencher sur elle et de l’enlacer. Immédiatement, féline, elle se colle à moi en poussant un petit gémissement d’aise. Je ne résiste pas à la tentation qui me fait bouillir depuis qu’elle m’a rejoint et l’aide à se déshabiller, ce qu’elle fait avec une impatience qui me donne le sourire. Mais je la surprends quand je ne viens pas immédiatement entre ses bras mais me dirige vers son sac.
— Un festin, ça se prépare, dis-je en sortant le pot de fromage blanc, un sourire aux lèvres.
— Attends, tu fais quoi ? Tu comptes me délaisser pour ton dessert ? me demande-t-elle, mi-sérieuse, mi-amusée.
— Ah oui, je compte bien profiter de mon dessert, mais ça ne veut pas dire te délaisser pour autant, ajouté-je en trempant mon doigt dans le pot.
Je récupère du fromage blanc et en dépose sur ses deux seins avant de me pencher pour le lécher et passer ma langue sur ses tétons qui durcissent immédiatement alors que je nettoie ce que je viens de salir.
— Nom de… encore, s’il te plaît, souffle-t-elle en glissant sa main sur ma nuque pour me presser contre ses seins.
Je souris intérieurement et récupère un peu plus de fromage blanc. J’en dépose à nouveau sur ses seins mais, cette fois, j’en mets aussi un peu sur son ventre. Lorsque ma bouche vient à nouveau se régaler de sa jolie poitrine, tout son corps se tend sous moi et je me demande si elle ne vient pas de connaître un premier orgasme. Je me concentre sur ma tâche avant de descendre et de nettoyer son ventre. Quand mon doigt recouvert de fromage blanc se pose sur son clitoris, elle frisonne et tremble sous moi. Ses mains se contractent sur ma nuque et je me régale, me faisant un malin plaisir à passer ma langue encore et encore sur son petit bouton. La sensation du fromage et de son plaisir qui commence à se mêler est particulière mais très agréable. Et surtout, de la sentir réagir avec autant d’envie et de passion est d’un érotisme sans équivalent. Parce que là, j’en suis sûr, il n’y a aucun doute qu’elle est en train de jouir. Tout son corps tremble et elle pousse de doux gémissements alors que ma langue, infatigable, continue à passer et repasser sur des zones si érogènes qu’elle ne peut retenir son plaisir et m’écrase la tête contre elle.
— Nos amis de la forêt ont de bonnes idées, non ? demandé-je quand enfin son extase se calme un peu et que je peux me redresser pour l’admirer.
— Je… oui, je confirme, c’était… J’ai pas les mots, murmure-t-elle, le regard dans le vague, avant d’attirer mes lèvres contre les siennes.
— Tu n’avais jamais fait ça avec une de tes partenaires ? Tu es délicieuse, en tout cas. Succulente, la mise en bouche.
— Non… enfin, pas comme ça, pas avec ça, et… ce n’était pas toi. Je peux jouer aussi ?
— J’ai été gourmand, il ne reste pas beaucoup de fromage blanc, mais n’hésite pas à me montrer tes talents de gourmande !
— Mes talents ? glousse-t-elle en donnant un coup de hanches pour me renverser sur le dos. Qui t’a dit que je ne comptais pas m’enfiler la fin du pot tranquillement ?
— Parce que je commence à te connaître, petite coquine.
— J’aime aussi enquiquiner mon monde, tu sais ? continue-t-elle en plongeant son index dans le fromage frais avant de le porter à sa bouche sensuellement.
Je crois que je n’ai jamais vu de geste si érotique. Est-ce que c’est parce que c’est elle ? Est-ce le regard qu’elle me lance en suçant son doigt ? Je ne sais pas mais je dois me faire violence pour ne pas lui sauter dessus sans plus attendre.
— Tu peux m’enquiquiner comme ça autant que tu veux.
— Vraiment ? Quelle docilité… Ce serait presque décevant… Quitte à coucher avec un mâle, mince, je m’attendais à plus d’autorité, moi, plaisante-t-elle en déposant du yaourt autour de mon nombril.
Je la laisse s’amuser à me lécher le ventre en évitant soigneusement mon érection avant de bloquer sa main qui se dirige à nouveau vers le pot de fromage blanc. Surprise par mon geste, elle plonge son regard dans le mien alors que je la contrains à venir se saisir de mon sexe.
— Tu as perdu le droit de jouer, là. Embrasse-moi si tu veux que je te fasse l’honneur de sentir ma virilité au fond de toi, la provoqué-je.
— Et… je dois t’embrasser où, au juste ? me demande-t-elle avant de poser ses lèvres sur mon ventre. Ici ? Ou là ?
Elle poursuit son petit jeu en remontant sur mon torse, dans mon cou, sur mes lèvres, avant de faire le chemin inverse.
— Ou là, peut-être ? sourit-elle en déposant ses lèvres sur mon sexe.
Jade est vraiment très forte car elle ne me laisse pas le temps de répondre et s’empare de ma verge qu’elle enserre de sa bouche. C’est tellement bon que je relâche toute prise sur elle et elle en profite pour récupérer du fromage blanc qu’elle dépose sur mon sexe qu’elle reprend immédiatement en bouche. Contrairement à mes anciens partenaires, elle y va moins franchement mais ses petites hésitations n’en sont que plus excitantes. Je vois clairement qu’elle découvre ce type de plaisir mais elle y va avec coeur et semble adorer découvrir mon pénis dont elle parcourt les veines de sa langue gourmande.
— Mmm…. C’est trop bon, finis-je par murmurer pour la prévenir que je vais jouir, en repoussant sa tête.
— Laisse-moi te goûter jusqu’au bout, tu veux ? me demande-t-elle presque timidement en plongeant son regard dans le mien.
Je ne lui réponds pas mais passe mes mains sur sa nuque afin de me positionner devant sa bouche qu’elle ouvre doucement, m’obligeant presque à forcer le passage. Je me sens glisser entre ses dents avant que sa langue ne reprenne son ballet infernal et qu’elle se mette à me sucer sans plus de pudeur. Ses yeux verts sont portés vers moi et j’ai l’impression qu’elle guette mes réactions pour adapter ses gestes. Lorsqu’une de ses mains vient se saisir de mes testicules, je ferme les yeux et me concentre sur les caresses qu’elle est en train de me prodiguer. Elle redouble ses efforts et je pousse un râle profond et long quand ma verge se tend et que mon sperme gicle au fond de sa gorge. Loin de la rebuter, comme c’était le cas pour certains de mes amants, elle continue à me sucer et vient même me lécher pour ne perdre aucune goutte de ma semence.
Pour la remercier du merveilleux cadeau qu’elle vient de me faire, je l’attire contre moi et, à sa grande surprise, je l’embrasse en glissant ma langue entre ses lèvres afin de partager avec elle un baiser qui nous enflamme tous les deux et ravive nos envies déjà bien comblées. Sans séparer nos lèvres, je la repousse sur le côté et la pénètre avec vigueur. S’en suit une joute où ni elle, ni moi, ne voulons céder le premier à un nouvel orgasme, nous poussant vers une nouvelle montée de plaisir à laquelle je succombe le premier. Le fait de me sentir à nouveau la remplir semble la faire passer à un niveau supérieur d’extase qu’elle accueille en gémissant. Quelles sensations exceptionnelles !
Quand nous avons tous les deux un peu repris notre souffle, je l’interroge doucement tandis qu’elle se love contre moi.
— Tu crois que la fin de l’histoire de nos amis de la forêt est aussi intense que ça ?
— Pour eux, peut-être, oui, mais moi, c’est celle-ci que je préfère, murmure Jade en nichant son nez dans mon cou.
— C’était merveilleux, soupiré-je. Jamais, je n’ai connu un tel plaisir, me confié-je en laissant mes mains la caresser.
— Je dois avouer que ça surpasse mes propres expériences, glousse-t-elle, aussi agréables fussent-elles. J’ai déjà hâte de recommencer.
Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons repris nos câlins coquins avec beaucoup de tendresse et de sensualité. Les étoiles visibles à travers la baie vitrée pourront témoigner que nous avons passé une grande partie de la nuit à satisfaire toutes nos envies. La Lune pourra elle aussi ajouter à quel point ces étreintes interdites nous ont fait du bien et nous ont fait vibrer. Face à une telle évidence, je sais qu’aucune règle, aucun interdit, ne pourront nous empêcher de tout faire pour encore nous retrouver et toujours recommencer.
Annotations