Epilogue 1/2 : Le Conseil du Poète
Malcolm
— Eh, Joli Cul, dépêche-toi un peu ou on va être en retard à la première réunion du nouveau Conseil !
Je souris mais ne relâche pas Jade qui est venue se lover dans mes bras alors que je m’apprêtais à sortir. Je n’arrive pas à m’éloigner d’elle alors que la naissance de notre enfant peut désormais survenir à n’importe quel moment. Je la trouve magnifique même si elle dit qu’elle ressemble à une baleine. Moi, j’adore son ventre tout rond et nous profitons follement de cette fin de grossesse où ses hormones sont en folie. Ses seins sont encore plus sensibles que d’habitude et dès que nous nous retrouvons seuls tous les deux, nous faisons l’amour avec une folle frénésie. Bon, nous devons nous adapter à sa nouvelle morphologie et ne pouvons pas toujours faire tout ce dont nous aurions envie, mais j’avoue que jamais, je n’aurais imaginé qu’elle soit dans cet état quasi-permanent d’excitation à ce stade de sa grossesse. Je ne m’en plains pas, en tout cas.
— Si le bébé arrive, tu envoies une de tes mères me chercher, hein ? Premier Conseil ou pas, je m’en fous. C’est avec toi que je veux être quand notre enfant nous rejoindra.
— Promis ! Franchement, quelle idée de choisir cette date, soupire-t-elle sans me lâcher.
— On ne peut plus gaspiller de temps, on en a déjà trop perdu avec ces discussions sans fin sur notre nouvelle Constitution et sur notre nouvelle Charte de Vie. Maintenant, il faut passer à l’action. Et puis, tu sais bien que je ne voulais pas en faire partie, mais que c’est Liz qui a poussé tout le monde à voter pour moi. Je me demande si c’est parce qu’elle pense que siéger à ses côtés va lui permettre de profiter encore plus de mon joli cul…
— Ne la laisse pas trop en profiter, je te préviens. Mes hormones me rendent jalouse et hargneuse, je ne sais pas si c’est toi qui trinqueras ou elle. Et embrasse-moi, d’ailleurs, avant de partir, sinon ça va barder pour ce joli cul.
— Oh bordel, encore un bisou ? Mais même Mathilde n’en demande pas autant ! soupire avec une fausse exaspération Liz dont le regard souriant démontre ses vrais sentiments.
Je prends le temps de tirer la langue à la jolie blonde avant de me retourner vers Jade que j’embrasse avec une ferveur et une passion qui semblent chaque jour s’intensifier. J’ai l’impression à chaque contact de fusionner avec elle, elle crée en moi des envies folles et surtout une inspiration comme jamais je n’ai connue. Chaque jour, j’écris des poèmes enflammés sur le thème de l’amour et je m’amuse de ses réactions qu’elle parvient moins bien à contrôler du fait de sa grossesse. C’est comme si elle vit tout avec une intensité multipliée par mille. Je me demande vraiment pourquoi l’ancien Conseil pensait que c’était une épreuve qu’il fallait autant éviter alors que le plaisir et la joie sont au rendez-vous. Enfin, vu le ventre de la jeune femme d’Edgar, je crois qu’ils voulaient juste priver le petit peuple de ce type de plaisir dont ils tiraient tous les avantages.
— A tout à l’heure, mon Ange. Je te promets qu’il n’y a que toi dont j’ai envie de profiter ! Mais je suis aussi content d’avoir Liz à mes côtés pour m’aider à prendre mes responsabilités.
— Ah oui, c’est vrai que sans moi, tu serais encore en train de te morfondre au fin fond d’une forêt, se moque gentiment la concernée alors que je m’écarte enfin de mon amoureuse.
— Fiche-lui la paix, Liz, rit Jade, et garde tes distances, sinon je sors les crocs. Bossez bien, je retourne m’échouer sur le canapé, moi !
Nous nous dirigeons tous les deux vers la bibliothèque où il a été décidé que les séances du Conseil se tiendraient de manière publique. Jade aurait voulu venir mais elle préfère rester chez elle avec ses mères pour être prête au cas où elle accoucherait, et nous avons promis de tout lui raconter. Je n’en reviens pas du chemin que nous avons parcouru depuis ce que nous avons appelé “La Grande Révolte”. Nous avons repris tous ensemble toutes les règles énoncées par le Conseil et déterminé, après moultes réflexions et d’innombrables échanges, lesquelles nous conservions, celles qui n’avaient aucun sens et celles qu’il nous fallait adapter. La recherche du consensus a été privilégiée mais les discussions ont été âpres et les compromis auxquels nous sommes parvenus me semblent justes et équilibrés, même si tout le monde n’est pas encore forcément convaincu de leur pertinence.
Avant de commencer la session, je monte rapidement à l’étage et me poste à mon endroit préféré, devant la grande baie vitrée qui donne sur la plage et l’immensité bleue de l’océan qui nous entoure et nous définit en tant qu’ilien. Je souris aussi en voyant Clément traverser la rue pour se rendre au cabinet médical qu’il a repris avec l’aide de Jade. Il s’en est sorti sans aucune séquelle grave, à part sa folle envie de devenir médecin pour soigner ceux qui en auraient besoin. Il a encore beaucoup à apprendre mais il sait déjà s’occuper des bobos bénins et, vu l’état de Jade, il assure seul les permanences et s’appuie sur elle dès qu’il y a quelque chose qui dépasse ses compétences encore limitées.
Je m’imprègne du spectacle magnifique offert par la Nature et essaie d’imprimer au fond de moi cette magie qui doit nous guider dans toutes nos décisions concernant le bien-être de l’île. Certes, l’ancien Conseil était pourri et malsain, mais leurs principes sont des principes auxquels nous croyons et que nous voulons conserver afin de préserver la Nature et l’écologie. Nous voulons également servir de modèle au reste de l’humanité et cela fait aussi partie des discussions que nous allons avoir prochainement. Si à notre échelle, nous devons nous montrer irréprochables, c’est à l’échelle de l’humanité qu’il faut réfléchir. Le monde est interconnecté et nous ne pouvons nous enfermer dans notre paradis en croyant que nous pouvons fermer les yeux sur ce qu’il se passe ailleurs.
Lorsque je rejoins la grande salle au rez-de-chaussée de la bibliothèque, je m’assois à côté de Liz et des huit autres membres de ce nouveau Conseil. Nous sommes cinq hommes et cinq femmes, choisis par le reste des habitants de l’île et, pendant un an, nous avons le mandat de promouvoir l’écologie tout en respectant les libertés essentielles des iliens. L’équilibre est difficile à maintenir mais nous avons envie de relever ce challenge. En tant que leader de ce nouveau Conseil, je prends la parole le premier.
— Je n’ai pas prévu de vous faire un grand discours pompeux
Je compte tout simplement vous dire que je suis heureux
C’est un nouveau départ pour notre île paradisiaque
Et pour affronter ces nouveaux défis, nous sommes tous d’attaque
Je ne suis pas forcément la personne la plus légitime pour organiser les débats
Je suis avant tout poète, rêveur mais je suis prêt pour ces nouveaux combats
Nous ne serons pas toujours d’accord, nous allons échanger
Mais dans chacune de vos décisions et prises de position, je veux que vous soyez guidés
Non pas par votre intérêt personnel ou par le gain éventuel que vous pourriez en retirer personnellement
Mais par l’intérêt écologique et général pour vous, pour nous et surtout pour nos enfants
Je déclare donc cette première session du Nouveau Conseil ouverte !
Je ne sais pas ce qu’il m’a pris d’ouvrir cette séance en poésie, mais j’ai l’impression d’avoir réussi à toucher l’assistance qui applaudit ce lancement de notre réunion. Le premier sujet que nous avons à aborder est la partition de l’île entre les femmes et les hommes. C’est une question très importante et particulièrement problématique car il n’y a aucun consensus. Conformément aux statuts que nous avons écrits et signés, chacun prend la parole à son tour et les personnes de l’audience peuvent participer. Le débat s’enlise dans des discussions stériles jusqu’à ce que Liz prenne la parole et propose une solution qui semble répondre aux attentes de tout le monde.
— Il suffirait de réorganiser les quartiers. Pourquoi pas envisager un quartier mixte ? Comme ça, les femmes qui ont peur de trop fréquenter les mâles sont tranquilles, les hommes qui détestent les piaillements des nanas, comme certains disent, le sont aussi. Et les couples vivent ensemble malgré tout.
J’observe discrètement les réactions de chacun alors que les paroles de la blonde font leur chemin. On dirait que cette solution séduit le plus grand nombre. C’est fou comme Liz s’est bien intégrée sur l’île. Elle a eu une période un peu difficile après la libération de Jade où elle a hésité à partir pour retrouver les siens, où elle a dû affronter la triste nouvelle de la disparition de tous les autres naufragés du bateau dans lequel elle se trouvait avant d’arriver chez nous, mais, avec l’aide de Mathilde et la nôtre, elle a repris le dessus et fait le choix de rester, ce dont personne ne se plaint vu comme elle a réussi à dynamiter notre quotidien et à permettre cette révolution sur notre île.
— Bien, il semblerait que nous soyons arrivés à un compromis qui a l’air de plaire à tout le monde. Je vous propose de passer au vote. Je vous rappelle que pour que ce soit accepté, il faut au moins trois conseillers de chaque sexe qui valident la proposition. Qui vote contre ?
Seule la main de Jasmine qui a été élue à la grande surprise de tous, se lève. Je fais un signe de tête pour lui signaler que je l’ai vue puis continue.
— Qui s’abstient ? Qui approuve ?
Toutes les autres mains se lèvent pour valider cette proposition.
— La proposition de Liz est adoptée avec neuf voix pour, zéro abstention et une voix contre. Jasmine, tu veux nous expliquer ton choix avant que l’on valide les choses ? Tu sais que si tu parviens à nous faire changer d’avis, la proposition ne passe pas ?
— A quoi bon ? Vous me semblez tous décidés à balourder nos principes, grimace-t-elle en me fusillant du regard. On verra bien quand il faudra revoter parce que ce sera l’anarchie.
— Bien, merci pour ton point de vue. Je propose de passer au point suivant, sur les naissances, soupiré-je, conscient que chacun des points que nous allons aborder sera déterminant pour notre futur.
Après de longs échanges, des discussions à rallonge, nous ne parvenons pas à un accord et reportons la décision à la prochaine réunion. Le processus va être long et pas forcément linéaire, ni facile, mais nous progressons ensemble. Même la présence de Jasmine est intéressante car elle représente une partie des habitants de l’île qu’il faut prendre en compte, celles et ceux qui aimaient que les décisions soient prises pour eux, qui appréciaient de n’avoir qu’à suivre une ligne conductrice simple et claire. Je suis content de lever la séance et d’aller retrouver Jade chez elle afin de lui partager les résultats de cette première réunion. Je sais que non seulement, elle sera de bon conseil mais surtout que de me retrouver avec elle sera la plus grande joie de ma journée. Finalement, peut-être bien que le Paradis sur Terre existe et que nous l’avons enfin trouvé.
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