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Alors voilà que je me hisse à la parole face à toi, Tombeau, prête à me délester des souvenirs magmatiques, à récurer la crasse en y jetant les eaux. Et voilà que je raconte comment, pour moi, tout n'a pas commencé.
Comment j'ai fait le choix de naître et de n'être pourtant pas.
D'où est-ce que je viens ? Je ne sais pas. Il me semble être née dans les profondeurs, appartenir à la zone non-éclairée d'un océan ignoré, avalée par ses entrailles. Enfantée par une matrice aveugle puis balancée au milieu de poissons-ogres horrifiques aux gueules béantes plantées de crocs d'écharnoir : l'un d'entre eux annonce être mon père.
M'enveloppant du froid glacial du silence, ils me scrutent de leurs yeux de nuit liquide et leur pression m'écrase lorsqu'ils me nomment "Abysse". Leur présage : une vie à tutoyer le gouffre.
Noyée dans les nuits de février, dans l'aube de mars : je suis née poisson. Est-ce que j'avais pour vocation de transporter de l'eau, de la transvaser jusqu'aux douleurs magmatiques de mes ancêtres, soulager leurs brûlures et faire cesser les feux ? Je ne sais pas. En tout cas je n'ai pas réussi.
Je suis née poisson. Mais un poisson malade, avarié, gras, poisson visqueux qui glisse entre les doigts. J'ai passé quatre années, insaisissable, à simuler la mort. Jusqu'à ce qu'ils m'attachent une laisse, serrée, qui empêche de respirer, tenue courte, m'étouffant par les branchies. Je ne glisse plus. Ils m'entraînent hors de l'océan en tirant fort dessus, quitte à m'étrangler avec.
L'eau s'évapore vite dans cette vie aride, sur les contours d'Andalousie. Voilà leur terre de feu, terre assoiffée qui m'a soulevée et m'a bue. ici, tu ne peux pas nager ni même respirer, tu ne peux pas éteindre leurs brûlures ni faire cesser les feux.
L'eau s'efface, n'existe plus que dans la mémoire. Tu as vu l'eau, un jour. Tu le jures sous les coups. "Ca n'existe pas !", ils assènent. Toi, tu pensais être une fille-poisson, mais si on t'élève chienne, et bien tu deviens chienne, tu vois ? Et tu te débats au bout de ta laisse, en frétillant. Peu à peu, tout espoir de s'en sortir sédimente. Vient alors l'immobilité.
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