36 ~
Est-ce que j'écoute Maria ? Peut-être.
Alors que vais-je enterrer dans tes bras, Tombeau ? Notre séparation ? Notre amour ? Mon venin ? La fin de notre corrida, ton Indulto ? Est-ce que l'on se rejoint au lac mauve ou bien l'ai-je rêvé ?
Tombeau : "Qu'est-ce que tu choisis, pour la fin de cette histoire, Abysse ?"
Abysse : "J'ai déjà choisi, non ? Un seul choix, tu disais. Naître"
Tombeau : "... Tu parles bien du verbe qui commence par un N ?"
Abysse : "Oui"
Tombeau : "et se termine par un... R ?"
Abysse : "Un R ?"
Tombeau : "Oui, un air funèbre de requiem..."
Devant mon incompréhension, tu m'allonges sur cette herbe dégarnie qui respire une forte odeur de terre et disposes autour de moi les petits cailloux et fleurs que tu as glanés, dessines ma silhouette. Mausolée.
Tombeau : "Naîtremourir, c'est le même verbe. Mourir est seulement un prolongement de l'expérience de naître. C'est le même choix, la même fièvre"
Abysse : "Que l'on a déjà fait"
Tombeau : "Naître ou ne pas naître..."
Abysse : "Mourir ou ne pas mourir ?"
Tombeau : "L'unique question..."
Abysse : "Je n'étais jamais née, je crois. Aujourd'hui je suis prête à choisir. Et je choisis de naître à toi, qu'à toi"
Tombeau : "..."
Abysse : "Choisis de mourir à toi"
Est-ce que tu t'allonges sur moi, de ton poids de Tombeau ? Je ressens nos caresses, la nudité de nos désirs, le jean que tu dégrafes d'une main puis ton corps qui entre à nouveau en moi, avec douceur et précautions. Le mien se fait liquide, ondule, se mêle au ballet de cercles qui naissent sur le lac. Une fine pluie. Je me noie à jamais dans tes yeux de Tombeau, dans ton regard magnétique qui m'aspire. Je bois, je bois sans répit à cette source d'amour dont tu m'abreuves, jetée sur mes déserts de sel. Nos corps qui s'aiment déjà horizontaux, peut-être prémisses à l'autre monde ?
Ce soir qui tombe, égal et pourtant si différent des autres.
Car contre toi, Tombeau, je n'ai pas peur de cet R funèbre, pas peur de la fin du verbe.
Ensemble, s'incarner.
J'ai l'honneur d'avoir vécu cette rencontre décisive.
J'ai l'honneur d'aimer un homme.
En dehors de l'arène,
remercier la vie.
A l'horizontale, à danser nos désirs, jouir sous mon Tombeau, noyée dans tes yeux de caresses.
Emportés, comme carcasses, à l'océan.
Où va-t-on ? Et surtout, y va-t-on vraiment ensemble ?
Peut-être,
peut-être pas.
Peut-être refuseras-tu l'eau pour apprendre le ciel,
pour une vie qui carillonne.
Je ne sais pas.
Et parfois, ça n'a pas d'importance
de savoir.
Car dans cette première nuit d'été
qui ne goûte pas la brûlure,
sous tes mains miracle :
Naîtremourir.
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